De l'Enseignement obligatoire

 

 

Troisième partie : appendice

Notes et documents à l'appui de l'opinion de M. Frédéric Passy

Note C.

Sur le travail des enfants et la police de l'industrie.

 

J'ai formulé, dans une note de mon second article (p. 102), un jugement ouvertement défavorable à la réglementation du travail des enfants, et en général à toute réglementation préventive du régime de l'industrie. Ce point étant d'une grande conséquence, tant à cause de la gravité des intérêts dont il s'agit qu'à cause de l'importance qu'y attache M. de Molinari, je crois devoir donner ici quelques justifications de ce que j'ai avancé [1].

M. J. Garnier, dans les Éléments d'Econ. polit. (2e édit. p. 291), s'exprime ainsi : "Nous ne dirons rien des lois par lesquelles on veut limiter le travail des enfants dans les manufactures si ce n'est qu'elles seront probablement inefficaces, et qu'elles engendreront bien des mécomptes."

M. Michel Chevalier, parlant du décret du gouvernement provisoire (2 mars 1848), écrit : "Il y aurait à faire le dénombrement des cas où le décret sur les heures de travail sera impossible à observer ; on verrait qu'ils sont très-multipliés. La première des industries, celle qui occupe le plus de bras, l'agriculture, regardera toujours ce décret comme non avenu." Et, après avoir énuméré une foule de professions dans lesquelles des obstacles de diverse nature s'opposent à toute limitation exacte du travail ou à toute surveillance efficace, il ajoute, avec une énergie qui supposait alors un autre genre de courage que le courage de son opinion : "La violence et la vexation usent tout, et d'abord l'autorité qui les commande et les instruments qui s'en servent." (Lettres sur l'Organisation du Travail, p. 106.)

Mac Culloch, (Principes d'Econ. polit. T. 2, p. 57), tout en disant d'abord que "cette mesure," - "en tant qu'elle s'applique aux enfants et aux femmes,... incapables de se protéger eux-mêmes, semble juste et convenable LORSQU'ELLE NE SORT PAS DES JUSTES LIMITES" (quelles sont ces justes limites ?), avoue que "la condition des ouvriers ne sera pas réellement améliorée par l'intervention de la législature pour réduire le nombre des heures de travail," montre très-bien, par des arguments dont la portée ne saurait être restreinte à volonté, que toutes ces mesures soit-disant protectrices de la faiblesse et de la pauvreté finissent toujours par retomber sur elles, et que toute réglementation du travail atteint le salaire.

 

Mais aucune argumentation ne vaut le tableau même des faits présenté par M. Faucher dans ses Études sur l'Angleterre (t. II, p. 77 et suiv.), et par M. Legoyt dans l'article Travail des Enfants du Dictionn. d'Ec. pol. On sent, en lisant l'intéressant exposé de M. Faucher, que l'humanité le porte vers l'intervention légale, et que ses sympathies sont pour la limitation. Ainsi il parle avec une émotion visible de "cette effroyable conscription industrielle" qui moissonne les populations "sur le champ de bataille de l'industrie." Il s'associe nettement aux paroles du premier Robert Peel, redoutant pour l'Angleterre "la plus amère malédiction ;" il déclare que "cette malédiction s'est en effet appesantie sur l'Angleterre, et que les Anglais éprouvent aujourd'hui sur leur propre sol qu'il est plus difficile d'abolir L'ESCLAVAGE que de l'instituer ;" il cite avec éloge le nom de M. R. Owen, "le Pierre l'Ermite de cette croisade," et il félicite les auteurs de la loi de 1819, "loi certainement illusoire" pourtant, d'avoir "du moins posé LE PRINCIPE de la protection due par l'État à tous ceux qui ne disposent pas de leur propre sort." Cependant il n'y a pas une des tentatives législatives dont il rend compte dont il ne amené à proclamer l'inefficacité, pas une limitation dans laquelle son sens économique et la vue des résultats ne lui fassent apercevoir les plus graves dangers. "Le bill de la 42e année du roi Georges, limitant à 12 heures le travail des apprentis des paroisses n'avait rien fait pour les enfants ayant leurs parents." La loi de 1819, fixant l'âge du travail (9 ans) et sa durée (12 h.) d'une manière plus générale, fut, on vient de le voir, "illusoire." Celles de 1825 et de 1831, prescrivant diverses précautions de salubrité et défendant d'employer les enfants la nuit furent "éludées de connivence avec les parents." Le seul résultat fut de donner aux ouvriers adultes la prétention de faire régler législativement leur journée, de susciter les short-time committees, les discours de M. Sadler et Oastler, et les démonstrations menaçantes dans lesquelles on parlait "d'aller à Londres METTRE LA MAIN AU BILL DE 10 HEURES." L'acte de 1833, sorti de cette longue agitation, a de même aux yeux de M. Faucher "des défauts graves"... "En limitant à 12 h. le travail des jeunes gens et jeunes personnes de 13 à 18 ans, il assujettit forcément à la même limite le travail des adultes," et "restreint ainsi par des voies indirectes l'usage de la liberté des transactions" pour ces derniers. Il se prête d'ailleurs "à toutes les fraudes." Ne pouvant s'appliquer à toutes les industries et à tous les ateliers, il constitue "une prime pour le travail non réglementé sur le travail soumis à la règle générale, fait une faveur ou une injustice,... et DÉPLACE L'ABUS et la souffrance au lieu de les guérir ;" etc., etc. Non-seulement la loi les déplace, mais souvent elle les augmente ; elle introduit dans l'industrie un arbitraire dont souffrent à la fois la production et les ouvriers : et quand, en 1840, sur la proposition de lord Ashley, on veut pousser plus loin la sollicitude du législateur, et se rendre plus exactement compte de ce qui se passe, "les rapports de la commission prouvent que cette sollicitude ne s'était pas portée jusque là sur les individus qui avaient le plus grand besoin de sa protection, que les travaux des manufactures peuvent passer pour légers en comparaison des travaux auxiliaires que la manufacture suscite, que les petits ateliers sont les plus insalubres, "et qu'en définitive, par "un penchant aveugle d'humanité," on a fait reculer loin du grand jour une partie de ce qu'on déplorait, mais on n'a pas empêché que le travail excessif ne fût la conséquence inévitable de la misère extrême. M. Faucher fournit sur ce point une foule de détails que je ne puis citer, mais qui sont décisifs. En somme, et après avoir parlé de l'acte de 1842, relatif à l'emploi des femmes et des jeunes filles dans les travaux souterrains, et du bill de 1844, réduisant le travail des enfants à 7 heures et astreignant à les envoyer 3 heures à l'école ; et tout en se croyant toujours convaincu de la "nécessité de régler le travail des enfants," il avoue que jusqu'à présent on N'A PU "VAINCRE LES DIFFICULTÉS de l'exécution," et il reconnaît que "le Parlement Anglais est entré dans une voie où il ne s'arrêtera pas quand il voudra." - "On avait commencé par protéger, dit-il, les enfants et les adolescents, on en vint à penser que les femmes avaient les mêmes droits à la protection de la loi [2]. Et il ne restera plus désormais qu'un pas à faire pour soumettre encore une fois l'industrie tout entière à ce régime de règlements administratifs dont le progrès des moeurs l'avait affranchie." Et en effet, "le principe de la limitation une fois posé, CHACUN VEUT RECULER LA LIMITE à son gré. Le gouvernement accorde 12 h. : lord Ashley propose 10 h. : M. Fielden prétend que les ouvriers ne seront contents qu'à 8 h. ; enfin lord Henrich demande qu'on rétablisse les corporations d'arts et métiers. A FORCE DE S'ÉCARTER DE LA LIBERTÉ, LES PHILANTHROPES ANGLAIS RETOMBENT AINSI DANS LES ERREMENTS DU MOYEN AGE."

Voilà pour la législation anglaise : dans les autres pays, M. Faucher constate des résultats analogues. "En Prusse" (par exemple), une ordonnance du 6 avril 1839 limite à 10 h. le travail des enfants de 9 à 16 ans. Elle n'est pas observée... C'est l'humanité qui pâtit de l'inexécution de la loi (?) ; mais on ne pourrait l'observer sans que l'industrie en souffrît." - "En France, aucune loi n'a moins répondu à l'attente qu'elle avait excitée que celle du 22 mars 1841... Elle est encore à exécuter," et jamais ses "complications" ne pourront "se concilier avec la pratique de l'industrie."

En résumé, donc, - c'est la conclusion involontaire, mais expresse, de M. Faucher, - "la protection donnée à l'enfance contre les excès du travail, incomplète en Angleterre, a été insuffisante partout."

 

M. Legoyt, plus ouvertement favorable encore à l'idée de la réglementation administrative que M. Faucher, fait absolument les mêmes constatations, "Le bill de 1802, dit-il, non seulement ne produisit aucun effet ; mais il est certain que les abus s'aggravèrent au delà de toute prévision." Le bill de 1819, "ce nouvel effort d'une législation humaine et prévoyante (?) échoua, soit contre la force des habitudes, soit contre l'égoïsme des maîtres et des parents." Et ainsi des autres, 1824, 1833, 1844 (15 mars et 6 juin), 1847.

Quant à la France, "la loi de 1841 a produit peu d'effet... Les commissions, à peine instituées,... ont abdiqué successivement leur mandat... Bientôt les ateliers cessent d'être surveillés... L'administration échoua dans ses efforts pour établir des écoles... Elle se décide alors, sur la prière des parents et sur l'avis des commissions elles-mêmes, à laisser les enfants dans les fabriques pendant la journée entière, pour ne pas les vouer à un vagabondage certain... D'autres causes concoururent à frapper la loi de stérilité... L'autorité hésite, en PRIVANT LES PARENTS DES SALAIRES DE LEURS ENFANTS, à ajouter à la misère profonde" des uns et des autres... etc. "Dans l'Ouest seulement, l'influence des patrons a déterminé les parents à SE priver pendant quelques années du salaire de leurs enfants ;" et "dans l'industrie métallurgique" on est arrivé à un certain résultat en établissant "le système des relais."

On le voit, partout, de l'aveu de tous, la protection légale a été vaine ; et, quand il y a eu une amélioration quelque part, cette amélioration a été l'effet spontané du progrès de l'industrie, des moeurs, ou de l'opinion.

M Dunoyer (Liberté du travail, t. II, p. 363 et suiv.) constate les même faits. Il répète que "la loi qui a voulu régler chez nous le travail des enfants dans les manufactures paraît rencontrer à l'application d'insurmontables difficultés, et qu'en Angleterre les classes en faveur desquelles de telles mesures ont été prises en ont, autant que possible, éludé le bienfait." Tout ce qu'on pu produire par ces lois, suivant lui, c'est une perturbation ; "il y a eu CONGESTION de travail partout où n'était pas intervenue la législation, et DÉPRÉCIATION partout où elle était intervenue." M. Dunoyer est donc franchement opposé à toutes ces tentatives de réglementation. Non qu'il pense qu'il n'y ait rien à faire, et que tous les abus doivent être tolérés. Il déclare, au contraire, que "non-seulement le législateur est obligé d'empêcher" les faits coupables ; "mais qu'il est de sa mission d'empêcher tout ce qui pourrait les rendre possibles, toute témérité et toute imprudence qui seraient de nature à les provoquer." Mais c'est par la répression directe, non par la prévention indirecte, que ce résultat lui paraît devoir et POUVOIR être atteint... Le législateur, dit-il, peut bien, sans doute, charger les tribunaux d'apprécier les cas où des parents, de complicité avec des chefs de fabrique, feraient des forces, ou plutôt de la faiblesse de leurs enfants, un abus vraiment coupable : mais décider d'une manière générale que telle classe de travailleurs ne pourra être retenue au travail que tant d'heures, et il ne le peut réellement pas ; car il ne le pourrait qu'avec des inconvénients extrêmes, pires que le mal auquel il tenterait d'obvier. Ce mal est le résultat nécessaire d'une situation qu'on ne peut changer par de tels moyens ; et le régime parlementaire échoue ici comme en toute chose ; sa prétention de SUFFIRE A TOUT par des procédés artificiels est une prétention PLEINE DE DÉMENCE [3] ET QUI NE SUFFIT VÉRITABLEMENT A RIEN.

L'opinion de M. Dunoyer est celle de M. Modeste (du Paupérisme, p. 374 et s.) : elle est aussi la mienne. Je crois, avec M. Modeste et M. Dunoyer, que la responsabilité, civile et pénale, peut en cette matière (et en beaucoup d'autres) suffire à tout [4] : je nie formellement, par conséquent, que la réglementation du travail puisse fournir, comme l'a pensé M. de Molinari, aucun précédent valable en faveur de la réglementation de l'instruction : dans un cas, comme dans l'autre, toute mesure générale est, à mon avis, inique et funeste ; et je n'admets pas plus le repos obligatoire que l'instruction obligatoire.

 

 

 

A la suite de cette note je crois qu'on ne lira pas sans intérêt, comme exemple des difficultés auxquelles peut donner lieu l'exécution de la loi du 22 mars 1841, le jugement suivant, que j'extrais du Journal des Débats du 22 novembre dernier. Voici d'abord l'exposé de l'affaire, tel que le fait ce journal.

 

 

"Le sieur Walker, fabricant de tulle anglais, à Saint-Pierre, était inculpé, non-seulement d'avoir soumis à un travail effectif au-dessus de leur âge deux jeunes Anglais, mais encore de les avoir admis dans son atelier sans les assujettir à la preuve de la fréquentation d'une école quelconque, double contravention à la loi sur le travail des enfants dans les manufactures.

"Le sieur Walker repoussa les deux reproches, tout en reconnaissant qu'il était et restait soumis à la loi française, en tant qu'il s'agissait de travail excessif imposé à des enfants, cette question étant d'humanité, d'ordre et de morale publics, d'un intérêt général concernant toutes les nations, et se trouvant régie par ces lois de police applicables à tous les habitants du territoire, dont parle l'article 3 du Code Napoléon.

"Mais il a soutenu que cette loi ne pouvait pas l'atteindre, lui Anglais et protestant, et les deux jeunes ouvriers étant anglais et protestants comme lui, du moment que ses dispositions s'occupaient de l'instruction primaire à donner obligatoirement aux enfants, parce qu'alors elle devenait personnelle, c'est-à-dire intéressant l'état des personnes et restant inhérente seulement à la personne des Français.

"Il a ajouté que la question, à ce point de vue, devenait en outre une question de religion et de culte, et engageait le domaine de la conscience, surtout ses deux jeunes ouvriers ne pouvant fréquenter, à cause du peu d'aisance de leurs parents, que l'école gratuite des Frères de la doctrine chrétienne, école essentiellement et éminemment catholique, et leurs parents ne le voulant pas. Ici, a-t-il dit, il ne s'agit plus d'une question d'intérêt général d'humanité, engageant toutes les nations les unes vis-à-vis des autres, mais d'une question d'instruction et de religion, ne concernant que chaque nation respectivement."

"Voilà la question aussi sommairement et substantiellement exposée que possible ; elle intéresse une population d'industriels et d'ouvriers anglais protestants de plus de 2 000 habitants, répartis entre calais et Saint-Pierre."

Voici maintenant la décision du juge de Paix du canton de Calais, en ce qui concerne l'inculpation importante qui fait l'objet de la question posée en principe.

"Considérant que Walker prétend que si la loi du 22 mars 1841 constitue une loi de police, obligeant tous ceux qui habitent le territoire, ce n'est que dans ses dispositions au point de vue de l'humanité, telles que celles relatives à la durée du travail ; qu'il n'en est pas de même quant à l'instruction des enfants, parce qu'il s'agit alors de religion et de culte se rattachant au domaine de la conscience ; que dès lors cette disposition ne peut atteindre que les Français, et que les jeunes Perrey, ainsi que Walker, appartenant au culte protestant, Perrey père ne peut être contraint d'envoyer ses enfants à une école où l'on professe une autre croyance que la sienne ;

"Considérant que l'article 5 de la loi du 22 mars 1841 est ainsi conçu :

"Art. 5. Nul enfant âgé de moins de douze ans ne pourra être admis qu'autant que ses parents ou tuteurs justifieront qu'il fréquente actuellement une des écoles publiques ou privées existant dans la localité. Tout enfant admis devra, jusqu'à l'âge de douze ans, suivre une école. Les enfants âgés de plus de douze ans seront dispensés de suivre une école, lorsqu'un certificat donné par le maire de leur résidence attestera qu'ils ont reçu l'instruction primaire élémentaire ;"

"Considérant que si, lors de la discussion à la Chambre des Pairs, le vicomte du Bouchage, préoccupé de sentiments religieux, a interpellé le ministre pour faire ajouter ces mots : "Instruction religieuse," après les mots : "Enseignement primaire," et si le ministre a répondu que l'un comprenait l'autre, cette garantie donnée que l'instruction primaire était en même temps essentiellement religieuse, n'a rien qui puisse dans son application porter atteinte à la liberté de conscience et à la liberté des cultes ;

"Qu'il a fallu reconnaître que trop souvent on recevait dans les ateliers de malheureux enfants qui n'avaient pas les premières leçons de morale et que l'ignorance conduisait à un grand désordre de moeurs, d'habitudes et de langage ;

"Que la loi a eu pour but de mettre, autant que possible, un terme à des abus déplorables ;

"Que si, dans la commune de Saint-Pierre, comme dans beaucoup d'autres, il n'y a qu'une école publique gratuite, et si l'instruction religieuse qu'on y reçoit ne doit pas être imposée à d'autres religionnaires qu'aux catholiques, ceux qui suivent un autre culte ont la faculté de s'instruire, selon leur conscience, dans des écoles libres où on respecte leur foi et leur croyance ;

"Mais que prétendre en être affranchi parce qu'on n'a pas les moyens de suivre une autre école conduit nécessairement à l'une de ces deux conséquences : ou d'obliger une commune d'avoir une école gratuite pour chaque culte ou chaque secte, ce qui est évidemment inadmissible, ou d'affranchir de tout contrôle d'études et de morale les enfants qui prétendraient n'être pas catholiques, conséquence absolument contraire au but même de la loi ;

"Qu'il serait plus qu'étrange qu'une loi fût obligatoire exclusivement pour les Français ; qu'à leur égard seulement on devrait se préoccuper de garanties de morale et d'instruction, et que, par contraste, tous autres enfants que ceux catholiques resteraient abandonnés à la plus profonde ignorance, à toutes les licences et à tous les désordres d'idées, parce que leurs parents ne sont pas croyants catholiques ;

"Qu'en donnant à la généralité des familles d'ouvriers, par le choix d'instituteurs publics, la garantie d'une instruction religieuse comprise dans l'instruction primaire, la loi n'a pas rendu telle école obligatoire plutôt que telle autre ; qu'elle a laissé cette appréciation à la surveillance des représentants de l'instruction publique et à l'intelligence de l'autorité locale, qui n'hésitera pas à donner le certificat voulu, quand l'enfant justifiera posséder l'instruction et la morale suffisantes, sans se préoccuper de la croyance dans laquelle l'enfant a été élevé et de l'école où les notions indispensables ont été apprises ;

"Considérant enfin, que le système de l'inculpé conduirait à cette conséquence de créer au profit des étrangers protestants le privilège d'une position tellement exceptionnelle, que la concurrence ne serait plus possible pour les autres chefs de fabrique ;

"Qu'ainsi donc, au point de vue moral et commercial, aussi bien qu'au point de vue physique, cette loi de 1841 est éminemment protectrice de l'ordre dans les ateliers, aussi bien que de l'avenir des enfants, et qu'elle oblige en conséquence les étrangers aussi bien que les nationaux, à quelque religion qu'ils appartiennent ;

"Considérant que le procès verbal susrelaté constate que les deux enfants Perrey reconnaissent qu'ils ne fréquentent aucune école ; que conséquemment c'est en contravention à l'article 5 que Walker les a admis à travailler dans ses ateliers ;

"Le tribunal condamne Walker en deux amendes, chacune de 3 fr. et aux dépens."

 

Notes

[1] M. de Molinari a consacré plusieurs pages (V. 2e art., p. 39 et suiv.) à cette question : il y est revenu à plusieurs reprises ; et malgré la note dans laquelle j'ai indiqué ma pensée (V. supra), il m'a reproché, dans ses dernières observations, de "ne m'être pas prononcé à cet égard." - Enfin, l'Économiste du 20 janvier 1859 contient un article sur ce sujet (V. ci-dessus, p. 223), et en annonce un autre.

[2] M. Horner disait que les femmes ne sont pas des agents libres, etc.

[3] M. Dunoyer qualifie ailleurs (t. III, p. 100) de "véritablement insensées" les motions de lord Ashley pour faire régler les heures de travail.

[4] Pour exprimer toute ma pensée, je dois dire que je crois qu'il y aurait aussi beaucoup à dire de l'opinion et de la formation d'associations destinées à l'avertir et à l'éclairer. Une société qui ferait pour les hommes un peu de ce qu'on fait pour les bêtes, en un an, que n'en ont jamais prévenu tous les règlements du monde ; et la simple possibilité d'une censure ou d'un éloge, insérés au procès-verbal de l'association de la ville, tiendrait en émulation et en crainte le manufacturier le plus indifférent ou le plus âpre. Si nous savions ce que nous pouvons, nous ne songerions guère à tous ces palliatifs de l'action légale.

Je dis plus, pourquoi les manufacturiers eux-mêmes ne prendraient-ils pas l'initiative de semblables réformes ? Voici, par exemple, en Belgique, des industriels économistes, hommes de talent et de coeur, ayant fait leurs preuves sous tous les rapports, qui parlent et pétitionnent en faveur de la limitation du travail des enfants et des l'instruction obligatoire. Qui les empêcherait, puisque la Constitution de leur pays ne leur lie pas les mains, de s'entendre pour interdire dans leurs ateliers les abus qu'ils réprouvent, ou pour imposer à leurs ouvriers plus de ménagements et de prévoyance à l'égard de leurs enfants ? Qui les empêcherait de faire, pour l'envoi des enfants à l'école, un règlement comme on en fait pour la bonne tenue dans les ateliers, pour l'interdiction de l'ivrognerie, ou pour l'exactitude ? Qui les empêcherait de constituer parmi eux des comités de surveillance, de patronage, etc., et de se faire eux-mêmes, par humanité comme par intérêt bien entendu, les tuteurs officieux de leurs ouvriers ? Cela n'est-il pas aussi digne et aussi efficace que de recourir à la législature ? Assurément. Mais c'est trop simple.


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