Les Bourses du travail


par M. Gustave de Molinari.

Correspondant de l’Institut, rédacteur en chef du Journal des Économistes


Appendice.

Note S

P. 115. — Le commerce des esclaves dans l’antiquité.


Athènes protégeait les marchands d’esclaves. Il était défendu de les maltraiter, sous peine d’exhérédation, Cette protection spéciale avait pour cause les profits qu’en tirait le trésor, car il y avait un impôt sur la vente des esclaves, et Athènes était un des principaux lieux où s’en faisait le commerce. Elle n’avait de rivale, en ce genre, que certains marchés asiatiques plus rapprochés des sources ordinaires de l’esclavage, Chypre, Samos, Éphèse et surtout Chio, où, selon Théopompe, on commença sinon à faire usage d’esclaves, du moins à en faire trafic 1.

... Le commerce était la voie naturelle qui mettait à la disposition de chacun ceux que la guerre ou la piraterie avait réduits en esclavage. Il se faisait à la suite des armées, dans les camps, où le général convoquait parfois les marchands pour traiter en masse de l’achat des captifs. A défaut de ces occasions, les marchands parcouraient les pays étrangers d’où l’homme se pouvait exporter avec profit. Carthage, qui avait des esclaves comme Tyr, pour les besoins divers de son industrie et de sa marine, en faisait aussi le commerce. Elle en tirait des tribus intérieures pour l’approvisionnement de son marché ; et, quand elle fut vaincue, on ne cessa pas de venir demander le Gétule et le Maure à l’Afrique. L’Espagne, la Gaule aussi avaient leurs esclaves ; et l’on sait avec quel entraînement le Germain, quand il avait tout perdu au jeu, jouait sur un dernier coup sa liberté. Mais les marchands visitaient moins les régions barbares que les royaumes asiatiques placés sur la lisière des possessions romaines, pays où, grâce à la misère sociale, l’esclavage était devenu comme un mal endémique, la Bithynie, la Galatie, la Cappadoce, la Syrie, etc. Un de ces marchands est appelé par Horace « roi de Cappadoce ». Quand leur assortiment était complet, ils venaient en certains lieux, plus particulièrement consacrés à ce trafic. Les marchés que nous avons désignés chez les Grecs restaient fameux chez les Romains ; mais depuis que la Grèce elle-même était devenue un pays d’esclavage, le marché de Délos, plus central, effaçait tous les autres comme entrepôt.

Rome était le grand centre de consommation : c’était à Rome que les esclaves venaient de tous les champs de bataille, de tous les marchés du monde, pour se répandre dans les services divers de la campagne ou de la ville ; et avant d’en arriver là, ils avaient pu passer en plus d’une main et faire plus d’une fortune ; car un si vaste commerce se prêtait à des spéculations de toute nature. Les profits qu’on y trouvait devaient aussi tenter la cupidité romaine. Ce genre d’affaires, que Plaute déclarait malhonnête, était rangé parmi les placements de fonds les plus lucratifs, vanté et pratiqué par Caton le Censeur... Mais quoi que pût faire Caton par ses conseils et par son exemple pour former les Romains à ce métier, les Grecs avaient sur eux l’avantage d’une longue expérience et tenaient la première place sur ces marchés.



Note

1. H. Wallon. Histoire de l’Esclavage dans l’Antiquité. t. Ier, p. 174. Des Sources de l’Esclavage en Grèce.


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