Les Bourses du travail


par M. Gustave de Molinari.

Correspondant de l’Institut, rédacteur en chef du Journal des Économistes


Appendice.

Note B

Préface. — La situation inégale de l’entrepreneur et de l’ouvrier dans le débat des conditions du salaire.


Dans tous les pays de l’Europe, pour un ouvrier indépendant, il y en a vingt qui servent sous un maître ; et partout on entend par salaires du travail, ce qu’ils sont communément quand l’ouvrier et le propriétaire du capital qui lui donne de l’emploi sont deux personnes distinctes.

C’est par la convention qui se fait habituellement entre ces deux personnes, dont l’intérêt n’est nullement le même, que se détermine le taux commun des salaires. Les ouvriers désirent gagner le plus possible ; les maîtres donnent le moins qu’ils peuvent ; les premiers sont disposés à se concerter pour élever les salaires, les seconds pour les abaisser.

Il n’est pas difficile de prévoir lequel des deux partis, dans toutes les circonstances ordinaires, doit avoir l’avantage dans le débat, et imposer forcément à l’autre toutes ses conditions. Les maîtres, étant en moindre nombre, peuvent se concerter plus aisément ; et de plus la loi les autorise à se concerter entre eux, ou au moins ne le leur interdit pas, tandis qu’elle l’interdit aux ouvriers. Nous n’avons point d’actes du parlement contre les ligues qui tendent à abaisser le prix du travail ; mais nous en avons beaucoup contre celles qui tendent à le faire hausser. Dans toutes ces luttes, les maîtres sont en état de tenir ferme plus longtemps. Un propriétaire, un fermier, un maître fabricant ou marchand, pourraient, en général, sans occuper un seul ouvrier, vivre un an ou deux sur les fonds qu’ils ont amassés. Beaucoup d’ouvriers ne pourraient pas subsister sans travail une semaine, très peu un mois et à peine un seul une année entière. A la longue, il se peut que le maître ait autant besoin de l’ouvrier que celui-ci a besoin du maître ; mais le besoin du premier n’est pas si pressant.

(Adam Smith. La Richesse des Nations, liv. Ier, chap. VIII, Salaires du Travail.)


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