Grandeur et décadence de la guerre


par M. Gustave de Molinari.

Correspondant de l’Institut, rédacteur en chef du Journal des Économistes


III. Appendice

Note A.

P. 64. — Les zones dangereuses d’un champ de bataille.


Où commence aujourd’hui un champ de bataille et où finit-il ? A ces questions, le colonel Cherfils répond de la manière suivante :

Le champ de bataille finit à la ligne même de l’ennemi et commence là où la mort commence, à la portée efficace du canon, à 3 000 mètres.

Le canon peut porter à 5 000 mètres, mais la vue a sa limite plus rapprochée ; et le terrain avec ses couverts et ses accidents intervient, après la vue, pour rapprocher encore cette première lisière du champ de bataille.

A 3 000 mètres, les trois armes de destruction interviennent, successivement : le canon, le fusil, le moral ; elles divisent ainsi le champ de bataille en trois zones successives :

1° La zone du canon, de 3 000 à 1 500 mètres. A 1 500 mètres, en effet, commence la portée utile du fusil d’infanterie. C’est donc au canon à travailler dans cette première zone et quand on entre dans la zone du fusil, il faut que le canon ait triomphé du canon ennemi pour préparer ainsi l’action de destruction du fusil.

2° La zone du fusil, de 1 500 à 700 mètres. Cette deuxième zone est limitée ainsi logiquement à la portée décisive du fusil, qui est à 700 mètres. La ligne d’approche, d’usure sur tout le front de la bataille, s’arrête là.

Plus loin, on est mort si l’on y va !...

3° De 700 mètres à 0 mètre. Il faut pourtant bien y aller. Il n’y a rien de fait sans cela. On ne peut logiquement franchir cette zone de la mort qu’après avoir désarmé l’ennemi. Pour cela il faut l’écraser sous une pluie de feu et ébranler à ce point son moral que, lorsqu’il verra s’avancer sur lui les masses serrées, silencieuses et menaçantes sur lesquelles luiront les éclairs des baïonnettes, il n’ait plus qu’à jeter ses armes et à fuir. Voilà pourquoi, après la préparation terrible qui est comme le dernier mot des armes de destruction, il n’y a plus place qu’à l’arme morale. C’est la zone de l’assaut, c’est la marche à la mort pour laquelle il faut des poitrines découvertes et des cœurs d’airain...


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