par M. Gustave de Molinari.
Correspondant de l’Institut, rédacteur en chef du Journal des Économistes
P. 160. — Les ouvriers à la recherche du travail, en Russie.
Faute de renseignements sur l’état des marchés, les ouvriers à la recherche du travail se déplacent le plus souvent à l’aventure. Il en est ainsi notamment en Russie où ce déplacement s’opère chaque année dans des proportions considérables, du Nord au Midi :
« La misère (dans la région du Nord) est grande assurément, et nous en avons une preuve saisissante dans le nombre des hommes qui abandonnent leurs foyers pour aller chercher du travail au loin, dans les capitales et dans les steppes. Le gouvernement de Kalouga fournit chaque été vingt-huit mille ouvriers à Moscou et six mille à Pétersbourg ; c’est plus de cent mille hommes que les campagnes de Moscou fournissent annuellement à cette ville ; les gouvernements de Vladimir et de Grodno répandent chaque année d’ans les campagnes les affamés par dizaines de mille ; celui de Koslroina fournit plus de quinze mille ouvriers aux capitales et plus de cent mille faucheurs aux steppes du Sud-Est, c’est-à-dire le dixième de la population totale. Or, tous ces travailleurs errants sont propriétaires ; ils ont une famille, une chaumière, des champs ; s’ils quittent tout cela, c’est assurément que la faim les y force. Certaines localités se créent des spécialités : les unes fournissent des casseurs de pierre, d’autres des maçons, d’autres des charpentiers, des maraîchers, des peintres en bâtiments, des terrassiers ; le reste fauche et moissonne. Les chercheurs de travail se déplacent, en masse et au hasard, faisant, par l’irrégularité de leurs mouvements, varier extrêmement le prix du travail. Souvent ils voyagent beaucoup et ne trouvent point d’ouvrage.
« ...
Poussés par la misère et inoccupés même
l’été, ils s’en vont au loin par grandes masses, la
faux sur l’épaule, cherchant à gagner quelque chose,
offrant le seul travail qu’ils sachent faire. Ils se dirigent
au hasard des instincts, principalement vers le Sud-Est, du côté
de ces vastes steppes où les hommes sont rares, l’herbe et les
blés abondants. Ils reviennent parfois avec quelque argent,
parfois aussi sans vêtements et affamés 1. »
1.
Considérations
sur l’Économie rurale de la Russie, par Inostranietz.
Journal des Économistes, du 15 février 1893.
Note