par M. Gustave de Molinari.
Correspondant de l’Institut, rédacteur en chef du Journal des Économistes
P. 67. — Hausse des salaires depuis la fin du XVIIIe siècle.
Que les salaires aient haussé depuis la fin du siècle dernier, et, en particulier, depuis cinquante ans, c’est un fait incontestable. L’ouvrage de M. Schœnhof, sur l’économie des hauts salaires, contient à ce sujet des tableaux auxquels nous empruntons quelques données d’un haut intérêt. Il s’agit de l’augmentation du prix du travail combinée avec la baisse des articles nécessaires à la vie en Angleterre, depuis l’avènement du libre-échange.
M. Schœnhof prend, comme moyenne de salaire d’un potier, 30 sh., tout en notant que cette estimation est fort au-dessous du taux habituel, et il ajoute : Nous pouvons dire en toute sûreté que les mêmes travaux qui sont aujourd’hui payés 30 sh. dans les poteries n’étaient payés que 12 sh. il y a cent ans ; de même pour les tisserands qui gagnent aujourd’hui 24 sh. tandis qu’ils n’en recevaient que 9 autrefois.
Voici du reste quelques salaires donnés par Frédéric Eden dans son ouvrage « The Condition of the Poor », datant de 1797. Il compare les salaires de 1737 et de 1787 qui avaient déjà haussé de 2 à 3 d. par jour depuis 1737. Nous ne nous occuperons que de ceux de 1787.
Pour | le travail au dehors, par jour | 12 | deniers. |
— | batteurs en grange (thrashers) | 12 | — |
— | manœuvres près des grandes villes | 16 | — |
— | briseurs (scribblers) | 15 | — |
— | tondeurs de blé (shearmen) | 18 | — |
— | tisserands 2 d. plus élevé. | ||
— | fileuses (women spinners) | 7 | — |
Nous avons vu que les salaires avaient presque doublé et même, en certains cas, plus que doublé depuis cent ans ; nous ferons maintenant remarquer que les denrées ont, au contraire, fort diminué de prix. Empruntons-en encore la preuve à M. Schœnhof ; voici un tableau comparatif de ce qu’un shilling pouvait procurer de denrées formant le fond de la consommation de l’ouvrier anglais en 1790 et ce qu’un shilling peut procurer aujourd’hui.
1790 | 1890 | ||
Pain de froment, | livres anglaises. | 4 4/11 | 11 |
Farine de froment, | — | 5 à 6 | 9 3/5 |
Bœuf, | — | 2 ½ à 3 | 1 ½ à 3 |
Mouton, | — | 2 ½ à 3 | 1 ½ à 2 ½ |
Beurre, | — | 1 1/3 | ¾ |
Thé, | onces. | 1 2/3 | 6 2/5 |
Sucre, | livres. | 1 ¾ | 5 |
Pommes de terre, | pecks 1. | 1 2/3 à 2 | 1 ½ |
Outre le beurre, la viande est le seul article qui soit devenu plus cher, mais cela tient à ce que l’ouvrier ne veut se nourrir que de viande fraîche, tandis qu’autrefois il était trop heureux si son salaire lui permettait de se procurer suffisamment de pain et de pommes de terre. La viande d’Australie congelée ne coûte pas plus cher que la viande il y a cent ans.
(J. Schoenhof. The Economy of High Wages, chap. X, The Measure of Progress expressed in the Budget of Consumables.)
1. Le peck vaut 9 litres.