par M. Gustave de Molinari.
Membre de la Société d’économie politique de Paris
SOMMAIRE : Position du problème social. — Que la société est gouvernée par des lois naturelles, immuables et absolues. — Que la propriété est la base de l’organisation naturelle de la société. — Définition de la propriété. — Énumération des atteintes actuellement portées au principe de la propriété.
Ces lois ont pour essence l’Utilité et la Justice. Ce qui signifie qu’en les observant, d’une manière absolue, on est sûr d’agir utilement et équitablement pour soi-même et pour les autres.
Ce qui est vrai du juste ne l’est pas moins de l’utile. Vous parlez des lois de l’utile comme si elles étaient universelles et permanentes. Quelle erreur profonde est la vôtre ! Ignorez-vous que les lois économiques ont varié et varient encore à l’infini comme les lois morales ?... Objecterez-vous que les nations méconnaissent leurs véritables intérêts en adoptant des législations économiques, diverses et mobiles. Mais vous aurez contre vous l’expérience des siècles. N’est-il pas avéré, par exemple, que l’Angleterre a dû sa fortune au régime prohibitif ? N’est-ce pas le fameux acte de navigation de Cromwell qui a été le point de départ de sa grandeur maritime et coloniale ? Cependant, elle vient d’abandonner ce régime tutélaire. Pourquoi ? Parce qu’il a cessé de lui être utile, parce qu’il ferait sa ruine après avoir fait sa richesse. Il y a un siècle, la liberté commerciale aurait été funeste à l’Angleterre ; elle donne aujourd’hui un nouvel essor à l’industrie et au commerce britanniques. Tant les circonstances ont changé !
Il n’y a que mobilité et diversité dans le domaine du Juste et de l’Utile. C’est s’égarer lamentablement, c’est méconnaître les conditions mêmes de l’existence des sociétés que de croire, comme vous semblez le faire, à l’existence de principes absolus.
Vous nous accusez d’attaquer les principes éternels et immuables sur lesquels la société repose, la religion, la famille, la propriété. Mais, de votre aveu même, il n’y a pas de principes éternels et immuables.
La propriété ! mais, aux yeux de vos légistes, qu’est-ce donc que la propriété ? Une institution purement humaine, une institution que les hommes ont fondée, décrétée, et qu’ils sont par conséquent les maîtres d’abolir. Ne l’ont-ils point d’ailleurs incessamment remaniée ? La propriété actuelle ressemble-t-elle à la propriété égyptienne ou romaine ou même à la propriété du moyen âge ? On admettait jadis l’appropriation et l’exploitation de l’homme par l’homme ; vous ne l’admettez plus aujourd’hui, légalement du moins. On réservait à l’État, dans le plus grand nombre des sociétés anciennes, la propriété du sol ; vous avez rendu la propriété territoriale accessible à tout le monde. Vous avez, en revanche, refusé de reconnaître pleinement certaines propriétés ; vous avez dénié à l’inventeur l’absolue propriété de son œuvre, à l’homme de lettres l’absolue propriété de son livre. Vous avez compris aussi que la société devait être protégée contre les excès de la propriété individuelle, et vous avez édicté la loi d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Eh bien ! que faisons-nous ? nous limitons un peu plus encore la propriété ; nous la soumettons à des gênes plus nombreuses, à des charges plus lourdes dans l’intérêt public. Sommes-nous donc si coupables ? Cette voie, où nous marchons, n’est-ce pas vous qui l’avez tracée ?
La famille ! mais vous admettez qu’elle a pu légitimement recevoir, dans d’autres temps et dans d’autres pays, une organisation différente de celle qui prévaut aujourd’hui parmi nous. Pourquoi donc nous serait-il interdit de la modifier de nouveau ? Tout ce que l’homme a fait, l’homme ne peut-il le défaire ?
La religion ! mais vos législateurs n’en ont-ils pas toujours disposé à leur guise ? N’ont-ils pas débuté par autoriser la religion catholique à l’exclusion des autres ? N’ont-ils pas fini par permettre tous les cultes et par en pensionner quelques-uns ? S’ils ont pu régler les manifestations du sentiment religieux, pourquoi nous serait-il interdit de les régler à notre tour ?
Propriété, famille, religion, cires molles que tant de législateurs ont marquées de leurs empreintes successives, pourquoi ne vous marquerions-nous pas aussi des nôtres ? Pourquoi nous abstiendrions-nous de toucher à des choses que d’autres ont si souvent touchées ? Pourquoi respecterions-nous des reliques que leurs gardiens eux-mêmes ne se sont fait aucun scrupule de profaner ?
Quand Fourier, ivre d’orgueil, s’écriait : Tous les législateurs se sont trompés jusqu’à moi, et leurs livres ne sont bons qu’à être brûlés, ne pouvait-il, selon vous-mêmes, avoir raison ? Si les lois du Juste et de l’Utile viennent des hommes, et s’il appartient aux hommes de les modifier selon les temps, les lieux et les circonstances, Fourier n’était-il pas fondé à dire, en consultant l’histoire, ce long martyrologe des peuples, que les antiques législations sociales avaient été conçues dans un faux système, et qu’il fallait organiser un état social nouveau ? En affirmant qu’aucun principe absolu et surhumain ne gouverne les sociétés, n’avez-vous pas ouvert les écluses aux grandes eaux de l’utopie ? N’avez-vous pas autorisé le premier venu à refaire ces sociétés que vous prétendez avoir faites ? Le socialisme n’est-il pas un écoulement de vos propres doctrines ?
Eh bien, aujourd’hui, pour ne parler que de la presse, cette puissante baliste n’est plus seulement dirigée contre le gouvernement, elle est dirigée contre la société.
L’homme est un composé de forces physiques, morales et intellectuelles. Ces forces diverses ont besoin d’être incessamment entretenues, réparées par l’assimilation de forces semblables à elles. Lorsqu’on ne les répare point, elles périssent. Cela est vrai, aussi bien pour les forces intellectuelles et morales que pour les forces physiques.
L’homme est donc obligé de s’assimiler perpétuellement des forces nouvelles. Comment est-il averti de cette nécessité ? par la douleur. Toute déperdition de forces est accompagnée d’une douleur. Toute assimilation de forces, toute consommation est accompagnée, au contraire, d’une jouissance. Excité par ce double aiguillon, l’homme s’attache incessamment à entretenir ou à augmenter la somme des forces physiques, morales et intellectuelles qui composent son être. Telle est la raison de son activité.
Lorsque cette activité s’exerce, lorsque l’homme agit dans la vue de réparer ou d’augmenter ses forces, on dit qu’il travaille. Si les éléments dans lesquels l’homme puise les virtualités qu’il s’assimile étaient toujours à sa portée, et naturellement préparés pour la consommation, son travail se réduirait à fort peu de chose. Mais il n’en est pas ainsi. La nature n’a pas tout fait pour l’homme ; elle lui a laissé beaucoup à faire. Si elle lui fournit libéralement la matière première de toutes les choses nécessaires à sa consommation, elle l’oblige à donner une multitude de façons diverses à cette matière première pour la rendre consommable.
La préparation des choses nécessaires à la consommation se nomme production.
Comment s’accomplit la production ? par l’action des forces ou facultés de l’homme sur les éléments que lui fournit la nature.
Avant de consommer l’homme est donc obligé de produire. Toute production impliquant une dépense de forces occasionne une peine, une douleur. On subit cette peine, on souffre cette douleur dans la vue de se procurer une jouissance, ou, ce qui revient au même, de s’épargner une souffrance plus forte. On se procure cette jouissance et on s’épargne cette souffrance par la consommation. Produire et consommer, souffrir et jouir, voilà toute la vie humaine.
Souffrir le moins possible, physiquement, moralement et intellectuellement, jouir le plus possible, à ce triple point de vue, voila quel est, en définitive, le grand mobile de la vie humaine, le pivot autour duquel se meuvent toutes les existences. Ce mobile, ce pivot se nomme l’Intérêt.
S’il n’a pas foi dans ces satisfactions futures ou s’il les croit inférieures aux satisfactions présentes que la religion et la morale lui commandent de sacrifier pour les obtenir, il ne consentira point à ce sacrifice.
Mais que la satisfaction soit présente ou future, qu’elle se trouve placée dans ce monde ou dans un autre, elle est toujours la fin que l’homme se propose, le mobile constant, immuable de ses actions.
L’homme s’efforce donc incessamment de réduire la somme de ses peines et d’augmenter celle de ses jouissances. Comment peut-il atteindre ce double résultat ? En obtenant, en échange de moins de travail, plus de choses propres à la consommation, ou, ce qui revient au même, en perfectionnant son travail.
Comment l’homme peut-il perfectionner son travail ? Comment peut-il obtenir un maximum de jouissances en échange d’un minimum d’efforts ?
C’est en dirigeant bien les forces dont il dispose. C’est en exécutant les travaux qui conviennent le mieux à ses facultés et en accomplissant sa tâche le mieux possible.
Or l’expérience démontre que ce résultat ne peut être obtenu qu’à l’aide de la plus complète DIVISION DU TRAVAIL.
Les hommes sont donc naturellement intéressés à diviser le travail. Mais division du travail implique rapprochement des individus, société, échanges.
Que les hommes demeurent isolés ; qu’ils satisfassent individuellement à leurs besoins, et ils dépenseront un maximum d’efforts pour obtenir un minimum de satisfactions.
Cependant cet intérêt que les hommes ont à s’unir en vue de diminuer leur labeur et d’augmenter leurs jouissances n’aurait peut-être pas suffi pour les rapprocher, s’ils n’avaient été attirés les uns vers les autres d’abord par l’impulsion naturelle de certaines besoins qui ne peuvent être satisfaits dans l’isolement, ensuite par la nécessité de défendre, quoi ? leurs propriétés.
Qu’est-ce que la propriété ?
La propriété émane d’un instinct naturel dont l’espèce humaine tout entière est pourvue. Cet instinct révèle à l’homme avant tout raisonnement qu’il est le maître de sa personne et qu’il peut disposer à son gré de toutes les virtualités qui composent son être, soit qu’elles y adhèrent, soit qu’il les en ait séparées.
Lorsqu’on dénie à l’homme le droit de posséder la portion de ses forces qu’il sépare de lui-même en travaillant, lorsqu’on attribue à d’autres le droit d’en disposer ; qu’arrive-t-il ? Cette séparation ou cette dépense de forces impliquant une douleur, l’homme cesse de travailler à moins qu’on ne l’y force.
Supprimer le droit de propriété de l’homme sur les produits de son travail, c’est empêcher la création de ces produits.
S’emparer d’une partie de ces produits, c’est, de même, décourager de les former ; c’est ralentir l’activité de l’homme en affaiblissant le mobile qui le pousse à agir.
De même, porter atteinte à la propriété intérieure ; obliger un être actif et libre à entreprendre un travail qu’il n’entreprendrait pas de lui-même, ou lui interdire certaines branches de travail, détourner par conséquent ses facultés de leur destination naturelle, c’est diminuer la puissance productive de l’homme.
Toute atteinte portée à la propriété intérieure ou extérieure, séparée ou non séparée, est contraire à l’Utilité aussi bien qu’à la Justice.
Comment donc se fait-il que des atteintes aient été, de tout temps, portées à la propriété ?
Tout travail impliquant une dépense de forces, et toute dépense de forces une peine, certains hommes ont voulu s’épargner cette peine tout en s’attribuant la satisfaction qu’elle procure. Ils ont, en conséquence, fait métier de dérober les fruits du travail des autres hommes, soit en les dépouillant de leurs biens extérieurs, soit en les réduisant en esclavage. Ils ont constitué ensuite des sociétés régulières pour protéger eux et les fruits de leurs rapines contre leurs esclaves ou contre d’autres ravisseurs. Voilà l’origine de la plupart des sociétés.
Mais cette usurpation abusive des forts sur la propriété des faibles a été successivement entamée. Dès l’origine des sociétés, une lutte incessante s’est établie entre les oppresseurs et les opprimés, les spoliateurs et les spoliés ; dès l’origine des sociétés, l’humanité a tendu constamment vers l’affranchissement de la propriété. L’histoire est pleine de cette grande lutte ! D’un côté, vous voyez les oppresseurs défendant les privilèges qu’ils se sont attribués sur la propriété d’autrui ; de l’autre, les opprimés réclamant la suppression de ces privilèges iniques et odieux.
La lutte dure encore, et elle ne cessera que lorsque la propriété sera pleinement affranchie.
Je veux bien admettre encore que la Justice et l’Utilité commandent de reconnaître à chacun, dans cet état comme dans l’autre, l’entière propriété de sa personne et de cette portion de ses forces qu’il sépare de lui-même en travaillant. Mais les individus pourraient-ils véritablement jouir de cette double propriété, si la société n’était pas organisée de manière à la leur garantir ? Si cette organisation indispensable n’existait point ; si, par un mécanisme quelconque, la société ne distribuait point à chacun l’équivalent de son travail, le faible ne se trouverait-il pas à la merci du plus fort, la propriété des uns ne serait-elle pas perpétuellement envahie par la propriété des autres ? Et si l’on commettait l’imprudence d’affranchir pleinement la propriété, avant que la société fût dotée de ce mécanisme distributif, ne verrions-nous pas se multiplier encore les empiétements des forts sur la propriété des faibles ? Le complet affranchissement de la propriété n’aggraverait-il pas le mal au lieu de le corriger ?
Mais on n’a jamais laissé faire les propriétaires ; on n’a jamais laissé passer les propriétés.
Jugez-en.
S’agit-il du droit de propriété de l’homme sur lui-même ; du droit qu’il possède d’utiliser librement ses facultés, en tant qu’il ne cause aucun dommage à la propriété d’autrui ? Dans la société actuelle les fonctions les plus élevées et les professions les plus lucratives ne sont pas libres ; on ne peut exercer librement les fonctions de notaire, de prêtre, de juge, d’huissier, d’agent de change, de courtier, de médecin, d’avocat, de professeur ; on ne peut être librement imprimeur, boucher, boulanger, entrepreneur de pompes funèbres ; on ne peut fonder librement aucune association commerciale, aucune banque, aucune compagnie d’assurances, aucune grande entreprise de transport, construire librement aucun chemin, établir librement aucune institution de charité, vendre librement du tabac, de la poudre, du salpêtre, transporter des lettres, battre monnaie ; on ne peut librement se concerter avec d’autres travailleurs pour fixer le prix du travail. La propriété de l’homme sur lui-même, la propriété intérieure, est de toutes parts entravée.
La propriété sur les fruits de son travail, la propriété extérieure ne l’est pas moins. La propriété littéraire ou artistique et la propriété des inventions ne sont reconnues et garanties que pendant une courte période. La propriété matérielle est généralement reconnue à perpétuité, mais elle est soumise à une multitude de restrictions et de charges. Le don, l’héritage et le prêt ne sont pas libres. L’échange est lourdement grevé tant par les impôts de mutation, d’enregistrement et de timbre, les octrois et les douanes, que par les privilèges accordés aux agents servant d’intermédiaires à certains marchés ; parfois aussi l’échange est complètement prohibé hors de certaines limites. Enfin, la loi d’expropriation pour cause d’utilité publique menace incessamment la faible portion de Propriété que les autres restrictions ont épargnée.
Note
1. Un de nos économistes les plus distingués, M. L. Leclerc, a exposé récemment, sur la source de la propriété extérieure, une théorie qui a beaucoup d’analogie avec celle-ci. Les différences sont dans la forme plutôt que dans le fonds. Au lieu d’une séparation des forces intérieures, M. Leclerc voit dans la propriété extérieure une consommation de la vie et des organes. Je cite :
« Le phénomène de la consommation graduelle et de l’extinction finale, non pas du moi, il est immortel, mais de la vie ; cet inconcevable affaiblissement des facultés et des organes, quand il s’accomplit par suite de l’effort utile appelé travail, me paraît très digne d’attention ; car, si ce résultat est indispensable, soit pour entretenir la force même qui agit, soit pour suppléer à celle qui ne peut agir encore, ou bien à celle qui ne peut plus agir, il est certain que ce résultat est acquis à titre onéreux ; il a réellement coûté la portion de durée, et, si cela peut se dire, la portion de facultés et d’organes irrévocablement consommée pour l’obtenir. Cette quotité de ma vie et de ma puissance est perdue sans retour ; je ne la recouvrerai jamais ; la voici comme déposée dans le résultat de mes efforts ; lui seul représente donc ce que je possédais légitimement, et ce que je n’ai plus. Je n’usais pas seulement de mon droit naturel en pratiquant cette substitution, j’obéissais à l’instinct conservateur, je me soumettais à la plus impérieuse des nécessités : mon droit de propriété est là ! Le travail est donc le fondement certain, la source pure, l’origine sainte du droit de propriété ; ou bien le moi n’est point propriété primordiale et originelle, ou bien les facultés, expansion du moi, et les organes mis à son service ne lui appartiennent pas, ce qui serait insoutenable.
Employer son temps, le perdre, en user bien ou mal ; se tuer pour vivre ; donner une heure, un jour : voilà des paroles familières proférées depuis des siècles, parties intégrantes de tout langage humain, qui lui-même est la pensée visible. Le moi a donc conscience parfaite de la consommation folle ou sage, utile ou improductive de sa propre puissance, et, comme il sait aussi que cette puissance lui appartient, il en conclut sans peine un droit exclusif et virtuel sur les résultats utiles de cette inévitable extinction, quand elle s’est laborieusement et fructueusement accomplie. La conscience publique va droit et d’elle-même à ces graves principes, à ces vérités éclatantes d’évidence, sans se livrer apparemment aux longues dissertations auxquelles nous nous croyons obligés nous autres.
Oui, ma vie m’appartient avec le droit d’en faire librement le généreux sacrifice à l’humanité, à ma patrie, à mon semblable, à mon ami, à ma femme, à mon enfant ! Ma vie m’appartient ; j’en consacre une portion pour obtenir ce qui doit la prolonger ; ce que j’ai obtenu est donc à moi, et je puis également en faire l’abandon aux chers objets de ma tendresse. Si l’effort est heureux, ce que la religion explique par la faveur divine ; si l’effort est habile, ce que l’économiste peut attribuer au jeu plus parfait des facultés ; s’il arrive que le résultat dépasse le besoin, de toute évidence cet excédant m’appartient encore. J’ai donc le droit d’en user pour ajouter d’autres satisfactions à celle de vivre ; j’ai droit de le mettre en réserve pour l’enfant qui peut me naître, et pour l’époque terrible de l’impuissante vieillesse. Que je transforme l’excédant, que je l’échange, utilité contre utilité, valeur contre valeur, toujours, c’est toujours mien, car, on ne saurait trop insister, c’est toujours la représentation manifeste d’une portion de mon existence, de mes facultés, de mes organes, usés dans le travail, qui produit cet excédant. Pour posséder à titre honorable et légitime ce qu’en fermant les yeux je lègue à ceux que j’aime, le vêtement, le meuble, la marchandise, la maison, la terre, le contrat, l’argent, qu’importe ! n’ai-je point dépensé partie du temps que j’avais à vivre sur la terre ? N’est-ce point, en réalité, léguer à ceux que j’aime ma vie et mes facultés ? Je pouvais m’épargner quelque effort ou me le rendre moins pénible, ou bien accroître mes satisfactions ; ah ! combien il m’est plus doux de reporter sur mes bien-aimés ce qui était de mon droit ! Pensée généreuse et consolante, qui soutient le courage, charme le cœur, inspire et sauvegarde la vertu, dispose aux nobles dévouements, unit les générations et conduit à l’amélioration du sort de l’humanité, par l’accroissement graduel des capitaux.
(L. LECLERC. — Simple observation sur le droit de propriété. — Journal des Économistes, n° du 16 octobre 1848.)