Grandeur et décadence de la guerre


par M. Gustave de Molinari.

Correspondant de l’Institut, rédacteur en chef du Journal des Économistes


III. Appendice

Note F.

P. 126. — Le traité d’arbitrage anglo-américain.


Le Bureau international de la Paix de Berne a publié la traduction suivante du texte officiel du traité d’arbitrage anglo-américain, signé à Washington par MM. Olney, secrétaire d’État, et Pauncefote, ambassadeur de la Grande-Bretagne, et rejeté par le Sénat américain.

« Les gouvernements de la Grande-Bretagne et des États-Unis, désirant consolider les relations d’amitié qui existent entre les deux États et consacrer par un traité le principe de l’arbitrage international, ont conclu la convention suivante :

Article premier. Les hautes parties contractantes conviennent de soumettre à l’arbitrage, sous les réserves ci-après, toutes les questions litigieuses qui surgiront entre elles et qui ne pourront être réglées par la voie diplomatique.

Art. 2. Les réclamations pécuniaires, ou les groupes de réclamations pécuniaires, dont le total n’excède pas la somme de 100 000 livres sterling et qui n’ont pus en même temps le caractère de réclamations territoriales, seront soumises au jugement d’un tribunal arbitral constitué comme il est dit à l’article suivant.

L’expression « groupe de réclamations pécuniaires » mentionné dans le présent article et dans l’art. 4, signifie les réclamations d’argent faites par une ou plusieurs personnes à raison des mêmes transactions ou résultant des mêmes positions de droit ou de fait.

Art. 3. Chacune des hautes parties contractantes désignera un arbitre dans la personne d’un juriste de renom ; ces deux arbitres choisiront, dans le délai de deux mois à partir de leur nomination, un surarbitre. Dans le cas où ils négligeraient de le faire dans le délai prescrit, le surarbitre sera désigné d’un commun accord par les membres de la cour suprême des États-Unis et par les membres de la commission judiciaire du conseil privé de la Grande-Bretagne, la nomination incombant à chacun de ces corps ayant lieu à la majorité. Si ceux-ci ne peuvent s’entendre sur le choix du surarbitre dans le délai de trois mois à partir du jour où ils auront été invités par les hautes parties contractantes ou par l’une d’elles à procéder à cette nomination, le surarbitre sera désigné de la manière prévue à l’article 10.

La personne désignée remplira les fonctions de président du tribunal et la sentence rendue par la majorité des membres sera définitive.

Art. 4. Les réclamations pécuniaires ou groupes de réclamations pécuniaires dont le total excède 100 000 livres sterling, de même que tous autres différends au sujet desquels l’une des hautes parties contractantes peut invoquer contre l’autre des droits résultant d’un traité ou de toute autre cause, pourvu que ces différends n’aient pas le caractère de réclamations territoriales, seront soumises au jugement d’un tribunal arbitral constitué comme il est dit à l’article suivant.

Art. 5. Les litiges mentionnés à l’art. 4 seront soumis au jugement d’un tribunal constitué comme il est dit à l’art. 3. Si le jugement de ce tribunal est rendu à l’unanimité des voix, il sera définitif ; dans le cas contraire, chacune des parties contractantes pourra en demander la revision dans les six mois de sa date. Dans ce cas, le différend sera soumis à un tribunal arbitral, composé de cinq juristes de renom, à l’exclusion de ceux dont la sentence doit être revisée ; chacune des hautes parties contractantes nommera deux arbitres et les quatre réunis désigneront un surarbitre dans le délai de trois mois à partir du jour de leur nomination.

Dans le cas où ils négligeraient de le désigner dans le délai prescrit, le surarbitre sera choisi d’un commun accord par les corps mentionnés à l’art. 3, comme il est expliqué à cet article.


Si ceux-ci ne peuvent s’entendre sur le choix du surarbitre dans le délai de trois mois à partir du jour où ils auront été invités par les hautes parties contractantes, ou par l’une d’elles, à procéder à cette nomination, le surarbitre sera désigné de la manière prévue à l’art. 10.

La personne désignée remplira les fonctions de président du tribunal et la sentence rendue par la majorité des membres sera définitive.

Art. 6. Tout différend ayant le caractère d’une réclamation territoriale sera soumis à un tribunal de six membres dont trois seront désignés par le président des États-Unis, sous réserve de ce qui est dit à l’art. 8, parmi les juges de la Cour suprême des États-Unis ou des Cours d’arrondissement, et les trois autres, sous la même réserve, par S. M. la reine de la Grande-Bretagne, parmi les juges de la Cour suprême britannique ou les membres de la Commission judiciaire du Conseil privé. La sentence du tribunal sera définitive, pourvu qu’elle ait été rendue à l’unanimité ou par cinq voix contre une.

Dans le cas de majorité insuffisante, le jugement sera également définitif, à moins qu’une des puissances ne déclare, dans les trois mois de sa date, le considérer comme faux, laquelle déclaration annule le jugement.

Lorsqu’un jugement, rendu à une majorité insuffisante, a été déclaré nul comme il vient d’être dit, ou lorsque les voix des membres du tribunal arbitral se sont partagées par moitié, les parties contractantes ne recourront à aucune mesure d’hostilité de quelle nature que ce soit avant d’avoir, ensemble ou séparément, requis la médiation d’une ou de plusieurs puissances amies.

Art. 7. La compétence du tribunal arbitral constitué conformément aux dispositions du présent traité ne pourra être attaquée que dans le cas suivant.

Lorsque, avant la clôture de l’instruction d’une réclamation soumise à un tribunal arbitral constitué conformément aux articles 3 ou 5, ce tribunal reconnaît, à la demande de l’une des hautes parties contractantes, que la qualification de cette réclamation entraînera nécessairement une décision sur une question de principe contestée d’une importance grave et générale concernant des droits nationaux, la partie qui les revendique n’agissant pas en réalité pour la poursuite des droits privés, mais plutôt comme agent international, le tribunal arbitral sera incompétent pour statuer sur cette réclamation et celle-ci sera soumise à l’arbitrage prévu à l’article 6.

Art. 8. Lorsque le différend concerne un des États ou territoires des États-Unis, le président pourra désigner comme arbitre un officier judiciaire de cet État ou territoire. Lorsque le différend concerne une colonie ou possession britannique, Sa Majesté pourra désigner comme arbitre un officier judiciaire de celte colonie ou possession.

Art. 9. Les réclamations territoriales comprennent, aux termes du présent traité, outre celles concernant un territoire, toute question de servitude, de droit de navigation, de pêcherie, et tous les droits et intérêts dont l’exercice est nécessaire pour la surveillance ou la jouissance du territoire réclamé par l’une des hautes parties contractantes.

Art. 10. Lorsque les corps désignés aux articles 3 et S ne pourront s’entendre au sujet de la nomination du surarbitre, celui-ci sera désigné par S. M. le roi de Suède et de Norvège.

Chacune des hautes parties contractantes pourra toutefois aviser en tout temps l’autre État, qu’à raison de la modification matérielle des circonstances sous l’empire desquelles le présent traité est conclu, elle estime qu’il est opportun de désigner un remplaçant à Sa Majesté. Le remplaçant pourra être consulté à ce sujet.

Art. 11. En cas de décès, etc., d’un arbitre, il sera pourvu à son remplacement de la même manière que pour sa nomination.

Art. 12. Chaque gouvernement payera son conseil et ses arbitres. Cependant, dans les cas importants soumis à l’arbitrage, une partie pourra accepter des actes de désaveu, de défense ou de défaut sans que ses charges au sujet des dépenses s’en trouvent aggravées. Le tribunal arbitral décidera, dans sa sentence finale, si et dans quelles proportions les frais de la partie qui obtient gain de cause seront mis à la charge de la partie adverse.

Art. 13. Le tribunal fixera lui-même l’époque et le lieu de ses séances ; il arrêtera également le mode d’instruction, ainsi que toutes les questions de procédure. La sentence du tribunal sera rendue si possible dans le délai de trois mois après la clôture de l’instruction ; elle sera écrite, datée et signée par les arbitres qui y ont adhéré.

Art. 14. Le présent traité restera en vigueur pendant cinq années à partir du jour où il en sera fait application et continuera aussi longtemps que l’une des hautes parties contractantes n’aura pas signifié à l’autre État, douze mois à l’avance, qu’elle désire le résilier.

Art. 15. Le présent traité sera ratifié par le président des États-Unis et par S. M. la reine de la Grande-Bretagne et d’Irlande. L’échange des ratifications aura lieu à Washington ou à Londres dans les six mois de sa date, ou plus tôt si possible.


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