par Ludwig von Mises
traduit par Hervé de Quengo
Publié pour la première fois dans Relativism and the Study of Man,
édité par Helmut Schoeck et James W. Wiggins. (Princeton, N.J. : D. Van Nostrand, 1962).
Jusqu'au XVIIIe siècle, les historiens prêtaient peu ou pas d'attention aux problèmes épistémologiques de leur discipline. Lorsqu'ils traitaient de l'objet de leurs études, ils se référaient toujours à certaines régularités qui — comme eux-mêmes et leur public le pensaient — seraient valable pour tout type d'action humaine, quels que soient l'époque et le lieu géographique de cette action et quelles que soient les qualités et les idées personnelles des agents. Mais ils ne se posaient pas la question de savoir si ces régularités avaient une origine extérieure ou si elles étaient inhérentes à la nature même de l'action humaine. Ils savaient très bien que l'homme n'est pas capable d'atteindre tout ce qu'il veut atteindre. Mais ils ne se demandaient pas si les limites du pouvoir d'un homme étaient entièrement fixées par les lois de la nature et une intervention divine miraculeuse d'une part, et par le pouvoir supérieur d'hommes plus forts d'autre part.
Comme tout le monde, les historiens faisaient eux aussi une distinction entre un comportement compatible avec la loi morale et un comportement la violant. Mais, comme tout le monde, ils étaient parfaitement conscients du fait que le non respect des lois de l'éthique ne conduisaient pas nécessairement — dans cette vie terrestre — à l'échec dans la quête des fins poursuivies. Quoi qu'il puisse arriver au pécheur dans l'autre vie et au jour du Jugement Dernier, l'historien ne pouvait s'empêcher de s'apercevoir que sur terre le pécheur pouvait parfois s'en tirer très bien, et bien mieux que de nombreux contemporains très pieux.
Des perspectives entièrement nouvelles se sont ouvertes quand les économistes ont découvert qu'une régularité prévaut dans l'enchaînement et l'interdépendance des phénomènes du marché. Ce fut le premier pas vers une théorie générale de l'action humaine, de la praxéologie. Pour la première fois les gens prirent conscience du fait que pour réussir l'action humaine ne devait pas seulement se conformer à ce que l'on appelle les lois de la nature, mais aussi à certaines lois spécifiques de l'action humaine. Il existe des choses que même la police la plus efficace d'un gigantesque gouvernement ne pourrait pas faire arriver, bien qu'elles ne semblent pas impossibles du point de vue des sciences de la nature.
Il était évident que les affirmations de cette nouvelle science ne pouvaient pas manquer de froisser trois points de vue. Il y a tout d'abord tous les gouvernements. Les despotes tout comme les majorités ne sont pas heureux d'apprendre que leur pouvoir n'est pas absolu. Ils se lancent sans arrêt dans des politiques vouées à l'échec et échouent parce qu'ils ne tiennent pas compte des lois de l'économie. Mais ils n'apprennent pas la leçon. Au lieu de cela ils employent des nuées de pseudo-économistes pour discréditer ce qui est « abstrait » c'est-à-dire, dans leur terminologie, les vains enseignements de la bonne économie.
Il y a ensuite des doctrines éthiques qui accusent l'économie de matérialisme éthique. Selon elles l'économie enseigne que l'homme devrait exclusivement ou avant tout chercher à satisfaire les appétits de ses sens. Ils refusent obstinément d'apprendre que l'économie est neutre vis-à-vis du choix des fins ultimes car elle ne traite que des méthodes pour parvenir aux fins choisies, quelles que puissent être ces dernières.
Il y a enfin des auteurs qui rejettent l'économie en raison de sa prétendue « approche non historique ». Les économistes affirment que ce qu'ils appellent les lois de l'économie ont une validité absolue, ils disent qu'il existe dans le déroulement des affaires humaines quelque chose qui demeure inchangé dans le flot des événements historiques. De l'avis de nombreux auteurs il s'agit d'une thèse injustifiée, dont l'acceptation compliqueraient énormément le travail des historiens.
En traitant de cette variété du relativisme, nous devons tenir compte du fait que sa popularité n'est pas due à des considérations épistémologiques mais à des considérations pratiques. L'économie a indiqué que beaucoup de politiques appréciées ne pouvaient pas aboutir aux résultats poursuivis par les gouvernements qui y avaient recours, mais engendraient des effets encore moins satisfaisants — du point de vue de ceux qui préconisent et font appliquer ces politiques — que la situation qu'elles étaient destinées à altérer. Aucune autre conclusion ne peut être tirée de ces enseignement que de dire que ces mesures étaient contraires au but recherché et que leur abrogation feraient du bien aux intérêts bien compris ou à long terme de tout le monde. Ceci explique pourquoi tous ceux dont les intérêts à court terme étaient favorisés par ces mesures critiquaient sévèrement la « science lugubre ». Les doutes épistémologiques de certains philosophes et historiens reçurent un écho enthousiaste de la part des aristocrates et des propriétaires terriens qui voulaient préserver leurs anciens privilèges et de la part des petites entreprises et des employés qui désiraient en acquérir de nouveaux. Les « écoles historiques » européennes et l'institutionnalisme américain ont gagné le soutien politique et populaire généralement refusé aux doctrines théoriques.
Cependant, établir ce point ne doit pas nous conduire à minimiser le sérieux et l'importance des problèmes sous-jacents. Le relativisme épistémologique tel qu'il est exprimé dans les écrits de certains historicistes, par exemple Karl Knies et Max Weber, n'était pas motivé par un zèle politique. Ces deux éminents représentants de l'historicisme étaient, autant qu'il était humainement possible de l'être dans le milieu des universités allemandes de leur époque, libres de toute préférence affective pour une politique interventionniste et de tout préjugé contre la science économique étrangère, c'est-à-dire britannique, française et autrichienne. En outre Knies 1 a écrit un ouvrage remarquable sur la monnaie et le crédit et Weber a donné le coup de grâce aux méthodes utilisées par les écoles de Schmoller 2 et Brentano 3 en démontrant le caractère non scientifique des jugements de valeur. Il y avait certainement dans l'argumentaire des partisans du relativisme historique des points qui méritent des éclaircissements.
Avant de commencer l'analyse des objections faites à « l'absolutisme » de l'économie, il est nécessaire de faire remarquer que le rejet de l'économie par le relativisme épistémologique n'a rien à voir avec le rejet positiviste des méthodes effectivement pratiquées par les historiens.
Selon le positivisme le travail des historiens ne serait que bavardage ou au mieux accumulation d'une grande quantité de matériaux qu'ils ne savent pas utiliser. Ce qu'il faudrait c'est une science des lois déterminant ce qui se passe dans l'Histoire. Une telle science devrait être développée avec les mêmes méthodes de recherche que celles qui ont permis de développer la science physique à partir de l'expérience.
La réfutation de la doctrine positiviste concernant l'Histoire a été faite par plusieurs philosophes allemands, en premier lieu Wilhelm Windelband et Heinrich Rickert. Ils ont attiré l'attention sur ce qui constitue la différence fondamentale entre l'Histoire, récit de l'action humaine, et les sciences de la nature. L'action humaine est intentionnelle, elle cherche à atteindre certaines fins choisies et ne peut pas être étudiée sans faire référence à ces fins, et l'Histoire est en ce sens — nous devons insister, uniquement en ce sens— finaliste. Alors que pour les sciences de la nature le concept de fins et de causes finales leur est étranger.
Il y a ensuite une deuxième différence fondamentale. Dans les sciences de la nature l'homme est capable d'observer au cours d'une expérience de laboratoire les effets du changement d'un seul facteur, tous les autres facteurs susceptibles de produire des effets demeurant inchangés. Ceci permet de trouver ce que les sciences de la nature appellent des faits établis par l'expérience. Ce type de technique de recherche n'est pas disponible dans le domaine de l'action humaine. Toute expérience concernant l'action humaine est historique, c'est-à-dire est une expérience de phénomènes complexes, de changements produits par l'opération conjointe d'une multitude de facteurs. Une telle expérience ne peut pas établir de « faits » au sens où ce terme est employé dans les sciences de la nature. Elle ne peut ni vérifier ni réfuter aucun théorème. Si l'on ne pouvait pas l'interpréter à l'aide d'une théorie découlant de sources autres que l'expérience historique, elle resterait une énigme inexplicable.
Certes bien sûr, ni Rickert et les autres auteurs du groupe auquel il appartenait, celui des « philosophes allemands du sud-ouest », ni les historiens qui partageaient leur analyse n'allaient aussi loin. Pour eux, professeurs dans les universités allemandes à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, l'idée même qu'il puisse y avoir une science affirmant que ses thèses auraient une validité générale pour toutes les actions humaines, quels que soient l'époque, le lieu et les caractères raciaux ou nationaux de la population restait une idée inconnue. Pour les hommes vivant dans le climat intellectuel du Deuxième Reich allemand, c'était une chose entendue que les prétentions de la théorie économique « abstraite » étaient futiles et que les wirtschaftliche Staatswissenschaften (aspects économiques de la science politique) allemandes, discipline exclusivement historique, avaient remplacé la généralisation inepte de l'école de Hume, Adam Smith et Ricardo. Selon eux l'action humaine — en dehors de la théologie, de l'éthique et de la jurisprudence — ne pouvait être étudiée scientifiquement que par l'Histoire. Leur empirisme radical les empêchait de prêter la moindre attention à la possibilité d'un science a priori de l'action humaine.
Le dogme positiviste que Dilthey, Windelband, Rickert et leurs successeurs ont démoli n'était pas relativiste. Il postulait une science — la sociologie — qui déduirait du traitement des données empiriques fournies par l'Histoire un ensemble de connaissances censé rendre à l'esprit les mêmes services pour l'action humaine que la physique rend pour ce qui concerne les événements de la sphère de la nature. Ces philosophes allemands ont démontré qu'une telle science générale de l'action ne peut pas être élaborée par un raisonnement a posteriori. L'idée qu'elle puisse être le produit d'un raisonnement a priori ne les effleurait pas.
L'insuffisance des travaux des économistes classiques venait de leur tentative d'établir une ligne de démarcation nette entre « les activités purement économiques » et toutes les autres préoccupations et actions humaines. Leur grand exploit fut de découvrir qu'une régularité prévalait dans l'enchaînement des phénomènes du marché, régularité pouvant être comparée à la régularité dans l'enchaînement des événements naturels. Cependant, en traitant du marché et ses rapports d'échange, ils furent déroutés par leur incapacité à résoudre le problème de la valeur. Dans les transactions commerciales entre individus on n'accorde pas de valeur aux objets en fonction de leur utilité, pensaient-ils, parce que sinon « le fer » aurait davantage de valeur que « l'or ». Ils ne voyaient pas que ce paradoxe apparent n'était dû qu'à la mauvaise façon dont ils formulaient la question. Les jugements de valeur des agents ne portent pas sur « le fer » ou « l'or » en tant que tels, mais toujours sur des quantités finies de chacun de ces métaux entre lesquels l'agent est forcé de choisir parce qu'il ne peut pas avoir les deux. Les économistes classiques n'arrivèrent pas à découvrir la loi de l'utilité marginale. Ce défaut les empêcha de faire remonter les phénomènes du marché aux décisions des consommateurs. Ils ne pouvaient traiter que des actions des hommes d'affaires, pour qui les jugements de valeur des consommateurs ne constituent que des données. La fameuse formule « acheter au prix le plus bas et vendre au prix le plus élevé » n'a de sens que pour un homme d'affaires. Elle n'a pas de sens pour le consommateur.
Forcés ainsi de limiter leur analyse aux activités commerciales, les économistes classiques élaborèrent le concept d'une science de la richesse ou de la production et de la distribution des richesses. La richesse, d'après cette définition, était tout ce qui pouvait être acheté ou vendu. Les tentatives visant à acquérir des richesses étaient considérées comme une sphère d'activités séparée. Toutes les autres préoccupations humaines semblaient n'être aux yeux de la science que des éléments perturbateurs.
En fait peu d'économistes classiques étaient satisfaits de cette restriction du domaine de l'économie. Mais leur quête d'un concept plus satisfaisant ne pouvait pas réussir avant que les marginalistes ne substituent la théorie de la valeur subjective aux divers essais avortés des économistes classiques et de leurs épigones. Tant que l'étude de la production et de la distribution des richesses fut considérée comme le sujet de l'analyse économique, il fallut distinguer entre les actions économiques et non économiques des hommes. L'économie apparaissait alors comme une branche de la connaissance ne traitant que d'une partie de l'action humaine. Il y avait, en dehors de ce domaine, des actions sur lesquelles les économistes n'avaient rien à dire. C'était précisément le fait que les adeptes de la nouvelle science ne traitaient pas de toutes ces préoccupations de l'homme qu'ils qualifiaient d'extra-économiques, qui semblaient à de nombreux observateurs extérieurs représenter une dépréciation de ces sujets dictée par un préjugé matérialiste insolent.
Les choses sont différentes pour l'économie moderne et sa doctrine de l'interprétation subjectiviste de la valeur. Dans son contexte la distinction entre fins économiques et fins prétendument non économiques n'a plus de sens. Les jugements de valeur des consommateurs finaux expriment non seulement la quête d'un nombre plus grand de biens matériels tangibles, mais aussi la quête d'autres intérêts humains. Le point de vue étroit d'une science de la richesse — matérielle — est dépassé. A parti de la discipline de la richesse se développe une théorie générale de tous les choix faits par les agents, théorie générale de tous les types d'action humaine : la praxéologie. Par leur comportement sur le marché, les gens montrent non seulement leurs désirs d'acquérir davantage de biens matériels, mais tout autant leurs autres préférences. Les prix du marché ne reflètent pas uniquement le « côté matérialiste » de l'homme mais aussi ses idées philosophiques, éthiques et religieuses. L'observance des commandements religieux — construire et entretenir des lieux de culte, arrêter de travailler pendant les jours saints, éviter certains aliments soit tous les jours soit certains jours et semaines, s'abstenir des boissons enivrantes et du tabac, aider les gens dans le besoin, et beaucoup d'autres — est l'un des facteurs qui déterminent l'offre et la demande des biens de consommation et donc la conduite des affaires. La praxéologie est neutre vis-à-vis des fins ultimes que les individus veulent atteindre. Elle ne traite pas des fins ultimes mais des moyens choisis pour y parvenir. Elle ne s'intéresse qu'à la question de savoir si les moyens retenus sont ou non adaptés pour atteindre les buts recherchés.
L'énorme quantité de littérature anti-économique publiée au cours des cent cinquante dernières années ne tourne qu'autour d'un argument. Ses auteurs répètent sans cesse que l'homme tel qu'il est et agit ne poursuit pas seulement des réjouissances matérielles mais également d'autres buts — supérieurs, ou plus nobles, ou idéaux. De ce point de vue la soi-disant École historique attaqua ce qu'elle appelait l'absolutisme de la doctrine économique et préconisa une approche relativiste. Le thème de ce papier n'est pas de chercher à savoir si les économistes de l'école classique et leurs épigones étaient réellement coupables d'avoir négligé d'accorder suffisamment d'attention aux préoccupations non matérialistes de l'homme. Mais il faut souligner que toutes les objections levées par l'École historique, par exemple par Knies dans son fameux livre 4, sont inutiles et ne valent pas en ce qui concerne les enseignements de l'économie moderne.
Il est habituel dans la littérature politique allemande de faire une distinction entre une ancienne École historique et une jeune École historique 5. Parmi les champions de l'ancienne école on peut citer Roscher, Bruno Hildebrand et Knies. La jeune école est constituée des partisans de Schmoller, qui après l'établissement du Reich en 1870 occupèrent les chaires d'économie dans les universités allemandes. Cette façon de diviser l'histoire des idées en sous-périodes résulte d'un esprit de clocher qui conduisait les auteurs allemands à minimiser tout ce qui avait été fait à l'étranger. Ils n'arrivaient pas à comprendre que l'opposition « historique » à ce que l'on appelait l'absolutisme de l'économie avait été inauguré hors de l'Allemagne. Son représentant le plus éminent était plus Sismondi 6 que Roscher et Hildebrand. Mais il est bien plus important de se rendre compte du fait que tous ceux qui, en Allemagne comme dans les autres pays, critiquaient la doctrine économique en raison de son prétendu matérialisme après la publication des livres de Jevons, Menger et Walras se battaient contre des moulins à vent.
Le concept de Max Weber d'une science générale de l'action humaine — à laquelle il donne le nom de sociologie — ne fait plus référence à la distinction entre action économique et autres activités. Mais Weber acceptait en pratique toutes les objections faites par l'historicisme à l'encontre de l'économie en faisant une distinction entre une action authentiquement rationnelle et les autres types d'action. Sa doctrine est si étroitement liée à des particularités intraduisibles de la langue allemande qu'il est plutôt difficile de les exposer en anglais.
La distinction que fait Weber entre « l'action sociale » et une autre action a, du point de vue de notre problème, peu d'importance. Le point principal est que Weber distingue de manière tout à fait correcte entre la sinnhaftes Handeln [action réfléchie, ayant un sens] et les réactions purement physiologiques du corps humain. La sinnhaftes Handeln est gouvernée par le Sinn [sens] que l'agent individuel lui donne ; nous devrions le traduire ainsi : par le sens que l'agent lui donne et par la fin qu'il veut atteindre avec elle. Cette définition semble constituer une distinction claire entre d'une part l'action humaine, la quête d'une fin donnée, et d'autre part les réactions physiologiques — quasi-automatiques — des nerfs et des cellules du corps humain. Mais Weber continue ensuite en distinguant quatre sous-classes au sein de la classe de la sinnhaftes Handeln. La première de ces sous-classe est appelée zweckrationales Handeln [action ayant un but rationnel] et est définie comme une action poursuivant une fin donnée. La deuxième sous-classe est appelée wertrationales Handeln [action ayant une valeur rationnelle] et est définie comme une action déterminée par la croyance en la valeur intrinsèque inconditionnelle (unbedingter Eigenwert) d'une certaine façon de se conduire en tant que telle, sans considération de succès, du point de vue de l'éthique, de l'esthétique ou d'autres principes. Ce que Weber n'a pas vu, c'est que chercher à se conformer à des idées éthiques, esthétiques et religieuses n'est pas moins une fin que toute autre fin que les hommes cherchent à atteindre. Un catholique qui se signe, un juif qui s'abstient de manger et de boire le jour de l'expiation, un amoureux de la musique qui saute un dîner pour écouter une symphonie de Beethoven, poursuivent tous des fins qui de leur point de vue sont plus désirables que ce à quoi ils doivent renoncer en vue d'obtenir ce qu'ils veulent. Seul un jugement de valeur personnel peut nier à leurs actions le qualificatif de zweckrationales, c'est-à-dire de recherche d'une fin donnée. Et que veulent dire dans la définition de Weber les mots « sans considération de succès » ? Le catholique se signe parce qu'il considère qu'un tel comportement fait partie d'une conduite d'ensemble devant le mener vers ce qui pour lui est le plus important succès du pèlerinage terrestre de l'homme. Il est tragique que Max Weber, l'éminent historien de la religion, l'homme qui a essayé de libérer la pensée sociologique allemande de sa soumission naïve à certains jugements de valeur, n'ait pas réussi à voir les contradictions de sa doctrine 7.
D'autres tentatives pour distinguer entre action rationnelle et action non rationnelle ou irrationnelle étaient également basées sur de grossiers malentendus et ont échoué. La plupart qualifiaient d' « irrationnelle » une conduite guidée par des idées et des attentes erronées concernant les effets de certaines méthodes. Les pratiques magiques sont ainsi aujourd'hui dites irrationnelles. Elles n'étaient certainement pas adaptées à l'atteinte des fins poursuivies. Toutefois les gens qui y avaient recours croyaient qu'elles constituaient la bonne technique de la même façon que les médecins crurent jusqu'au milieu XIXe siècle que la saignée était une méthode prévenant et soignant diverses maladies. En parlant d'action humaine, nous avons à l'esprit la conduite qui, d'après l'agent, est la plus appropriée pour parvenir à une vie qu'il souhaite atteindre, que son avis soit ou non partagé par un spectateur ou un historien mieux informé. La façon dont les médecins contemporains traitent le cancer n'est pas irrationnelle, bien que nous espérions découvrir un jour des méthodes thérapeutiques et prophylactiques plus efficaces. Un récit concernant les actions d'autres personnes est trompeur s'il utilise le terme irrationnel pour décrire les activités d'individus dont les connaissances étaient moins bonnes que celles de l'auteur du récit. Comme aucun auteur ne peut revendiquer pour lui l'omniscience, il devrait au moins ajouter, en qualifiant une action d'irrationnelle, la restriction « de mon point de vue ».
Une autre façon dont l'épithète « irrationnel » est souvent employé se réfère non pas aux moyens mais aux objectifs de certains modes de conduite. Certains auteurs appellent ainsi, soit en l'approuvant soit en de le désapprouvant, « irrationnel » le comportement de gens préférant les préoccupations religieuses, l'indépendance nationale ou d'autres buts communément qualifiés de non économiques à une quantité plus abondante de satisfactions matérielles. Face à cette terminologie particulièrement inadéquate et trompeuse, il est inutile de souligner sans cesse le fait qu'aucun homme n'est invité à donner son avis sur les jugements de valeur des autres concernant les fins ultimes. Quand les Huguenots préférèrent perdre tous leurs biens terrestres, les punitions les plus cruelles et l'exil à l'adoption d'une foi qui à leur avis était idolâtre, leur comportement n'était pas « irrationnel ». Louis XIV n'était pas non plus « irrationnel » quand il priva son territoire d'un grand nombre de ses citoyens de la plus haute valeur afin de se conformer aux préceptes de sa conscience. L'historien peut être en désaccord avec les fins ultimes que poursuivaient les persécuteurs et leurs victimes. Mais cela ne l'autorise pas à qualifier d'irrationnels les moyens auxquels ils eurent recours pour parvenir à leurs fins. Les termes « rationnel » et « irrationnel » sont tout autant hors sujet quand on les applique aux fins que lorsqu'on les applique aux moyens. En ce qui concerne les fins ultimes, tout ce qu'un mortel peut affirmer est son approbation ou sa désapprobation du point de vue de ses propres jugements de valeur. En ce qui concerne les moyens il n'y a qu'un question : sont-ils oui ou non adaptés pour atteindre les fins recherchées.
La plupart de nos contemporains ont pour idée que le pire de tous les crimes est de forcer un homme, par le recours à la violence, à se comporter selon les commandements d'une doctrine religieuse ou politique qu'il méprise. Mais l'historien doit rapporter le fait qu'il y eut des époques où seule une minorité partageait cette conviction et où des horreurs indescriptibles furent commises par des princes et des majorités fanatiques. Il a raison de souligner que Louis XIV, en condamnant le protestantisme, infligea des torts irréparables à la nation française. Mais il ne doit pas oublier d'ajouter que le Roi n'avait pas conscience des conséquences de sa politique et que, même s'il avait pu les anticiper, il aurait peut-être néanmoins considéré que l'uniformité religieuse était un bien pour lequel le prix à payer n'était pas trop élevé.
Les chirurgiens qui accompagnaient les armées des temps passés faisaient de leur mieux pour sauver les vies des soldats blessés. Mais leurs connaissances thérapeutiques était lamentablement inadaptées. Ils saignaient l'homme blessé que seule une transfusion de sang aurait pu sauver et en fait ils le tuaient ainsi. En raison de leur ignorance, leur traitement était contraire à leur but. Il serait trompeur et inopportun de le qualifier d'irrationnel. Les docteurs d'aujourd'hui ne sont pas irrationnels, bien que les praticiens probablement mieux informés de l'avenir qualifieront certaines de leurs techniques thérapeutiques de nuisibles et contraires à leurs buts.
A chaque fois que l'on applique la distinction entre rationnel et irrationnel aux fins ultimes, cela veut dire que les jugements de valeur sous-tendant le choix de la fin en question rencontrent l'approbation ou la désapprobation de la part de l'orateur ou de l'auteur. Or la promulgation de jugements de valeur ne relève pas du travail d'un homme en tant que praxéologue, économiste ou historien. Cela relève plutôt de la religion, de la métaphysique ou de l'éthique. L'histoire des religions n'est pas la théologie et la théologie n'est pas l'histoire des religions.
Quand la distinction entre rationnel et irrationnel porte sur les moyens, cela veut dire que l'orateur ou l'auteur affirme que les moyens en question ne servent pas leurs buts, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas faits pour atteindre les fins recherchées par les gens qui y ont recours. C'est certainement l'une des tâches principales de l'Histoire que de traiter de l'adéquation des moyens employés par les hommes dans leurs tentatives de parvenir aux fins recherchées. Il est également certain que le principal but pratique de la praxéologie et donc de sa branche la mieux développée, l'économie, est de faire une distinction entre les moyens permettant d'atteindre les fins poursuivies et ceux qui ne le permettent pas. Mais, comme cela a été indiqué, il n'est pas opportun et plutôt trompeur d'utiliser les termes « rationnel » et « irrationnel » à cette distinction. Il est plus approprié de parler de moyens répondant au but recherché et de moyens n'y répondant pas.
Ceci vaut également à propos de la façon dont les termes « rationnel » et « irrationnel » sont employés par les psychanalystes. Ils appellent « comportement irrationnel ce qui est principalement émotionnel ou instinctif » ainsi que « toutes les fonctions inconscientes » et font en ce sens une distinction en définissant « l'action irrationnelle (instinctive ou émotionnelle) qui s'oppose à l'action rationnelle, et la pensée irrationnelle qui s'oppose à la pensée rationnelle. » 8 Que cette terminologie soit adaptée au traitement des problèmes thérapeutiques de la psychanalyse ou non, nous pouvons laisser les psychanalystes en décider. Du point de vue praxéologique les réactions spontanées des organes du corps humain et l'activité des pulsions instinctives ne constituent pas une action. A l'inverse c'est manifestement le résultat d'un jugement de valeur que de qualifier d'irrationnelles les actions émotionnelles — par exemple l'action par laquelle un homme peut réagir à la prise de conscience de la détresse de ses semblables. Il est de plus évident qu'aucun autre sens ne peut être attribué au terme de « pensée irrationnelle » que de dire qu'il s'agit d'une pensée logiquement fausse menant à des conclusions erronées.
La philosophie du relativisme historique — l'historicisme — n'a pas réussi à comprendre qu'il existe quelque chose de constant qui, d'une part, constitue le domaine de l'Histoire ou des événements historiques, domaine distinct de ceux des autres événements et qui, d'autre part, permet à l'homme de traiter de ces événements, c'est-à-dire de raconter leur succession en essayant de trouver leur enchaînement, en d'autres termes de les comprendre. Ce phénomène constant est le fait que l'homme n'est pas indifférent à l'état de son environnement (comprenant la condition de son propre corps) et qu'il essaie, dans la mesure où il peut le faire, de substituer par une action intentionnelle un état qu'il aime mieux à un état qu'il aime moins. En bref : l'homme agit. Ce point différencie à lui seul l'histoire humaine de l'histoire des changements se produisant hors du champ de l'action humaine, de l'étude de « l'histoire de la nature » et de ses diverses subdivisions comme par exemple la géologie ou l'évolution des différentes espèces d'êtres vivants. Dans l'histoire humaine nous traitons des fins poursuivies par les agents, c'est-à-dire des causes finales 9. Dans l'histoire de la nature, comme dans toutes les autres branches des sciences de la nature, nous ne savons rien des causes finales.
Toute sagesse, science ou connaissance humaine ne traite que de la partie de l'univers qui peut être perçue et étudiée par l'esprit humain. En parlant d'action humaine comme de quelque chose de constant, nous faisons référence à cette seule partie de l'univers. Il y a des auteurs qui supposent que l'état de l'univers — le cosmos — pourrait changer et se transformer en un état dont nous ne savons absolument rien et que tous ce que nos sciences de la nature disent du comportement du sodium et des leviers, par exemple, serait faux dans ce nouvel état. Ils nient en ce sens « tout type d'universalité aux énoncés chimiques et mécaniques » et suggèrent de les traiter comme des énoncés « historiques » 10. Face à cette variante d'hyperhistoricisme agnostique qui parle dans ses énoncés de conditions visionnaires sur lesquelles — comme ils l'admettent ouvertement — nous ne connaissons et ne pouvons rien connaître, la raison et la science n'ont rien à dire.
L'homme qui pense ne considère pas le monde avec un esprit qui serait, pour ainsi dire, une feuille de papier lockéenne sur laquelle la réalité écrirait sa propre histoire. La feuille de papier de son esprit est d'une qualité spéciale qui permet à l'homme de transformer la matière première de la sensation en perception et les données perceptives en une image de la réalité C'est précisément cette qualité spécifique du pouvoir de son intellect — la structure logique de son esprit — qui fournit à l'homme la faculté de voir davantage dans le monde que ne voient les êtres non humains. Ce pouvoir est un outil pour le développement des sciences de la nature. Mais à lui seul il ne permettrait pas à l'homme de découvrir dans le comportement de ses semblables plus qu'il ne peut voir dans le comportement des étoiles ou des pierres, dans celui des amibes ou dans celui des éléphants.
Lorsqu'il a affaire à ses semblables l'individu n'a pas seulement recours à l'a priori de la logique, mais aussi à l'a priori praxéologique. Étant lui même un être agissant, il sait ce que veut dire poursuivre des fins choisies. Il voit plus de choses dans l'agitation et dans le mouvement de ses semblables que dans les changements se produisant sans son environnement non humain. Il peut chercher à connaître les fins que leur comportement essaie d'atteindre. Il y a quelque chose qui caractérise à ses yeux les mouvements des microbes dans un liquide observé sous microscope des mouvements des individus dans la foule qu'il peut observer à l'heure de pointe dans le terminal de la grande gare centrale de New York. Il sait qu'il y a une certaine « raison » au fait qu'un homme coure partout ou reste tranquille. Il observe son environnement humain avec un outil intellectuel qui n'est pas nécessaire ou, plus exactement, qui est franchement une gêne lorsqu'il tente d'explorer l'état de son environnement non humain. Cet outil intellectuel est l'a priori praxéologique.
L'empirisme radical des historicistes s'est égaré en ignorant ce point. Aucun récit d'un comportement humain ne peut se passer de faire référence à l'a priori praxéologique. Il y a quelque chose qui vaut de manière absolue pour toute action humaine quels que soient l'époque, le lieu et les caractéristiques raciales, nationales et culturelles des agents. Il n'y a pas d'action humaine qui puisse être traitée sans faire référence aux concepts catégoriels de la fin et des moyens, du succès et de l'échec, des coûts, de la perte et du profit. Ce que la loi d'association de Ricardo, plus connue sous le nom de loi des avantages comparatifs, décrit vaut de manière absolue pour tout type de coopération humaine volontaire dans le cadre de la division du travail. Ce que les lois économiques tant raillées décrivent est précisément ce qui doit toujours et partout se passer à condition que les conditions particulières qu'elles supposent soient présentes.
Bon gré mal gré, les gens comprennent qu'il y a des choses qu'ils ne peuvent pas obtenir parce qu'elles sont contraires aux lois de la nature. Mais ils répugnent à admettre qu'il y a des choses que même les gouvernements les plus puissants ne peuvent pas obtenir parce qu'elles sont contraire à une loi praxéologique.
Le cas des auteurs qui appartiennent aux diverses écoles historiques, « réalistes » et institutionnelles d'économie est différent de celui des historiens qui répugnent à reconnaître l'a priori praxéologique. Si ces savants étaient cohérents ils limiteraient leurs études à ce qu'on appelle l'histoire économique : ils s'intéresseraient exclusivement au passé et s'abstiendraient soigneusement d'affirmer quoi que ce soit sur le futur. La prédiction concernant les événements à venir ne peut être faite que sur la base de la connaissance d'une régularité dans la succession des événements qui vaille pour toute action, quels que soient l'époque, le lieu et les conditions culturelles où elle a lieu. Quoi que fassent les économistes soutenant l'historicisme ou l'institutionnalisme, qu'ils conseillent leur propre gouvernement ou ceux des pays étrangers arriérés, cela est contradictoire. S'il n'existe pas de loi universelle décrivant les effets nécessaires de certaines manières d'agir, rien ne peut être prédit et aucune mesure destinée à donner le moindre résultat ne peut être recommandée ou rejetée.
Il en va de même pour les auteurs qui, tout en rejetant l'idée qu'il y ait des lois économiques valant pour tous les temps, partout et pour tous les peuples, supposent que chaque période de l'histoire a ses propres lois économiques, qui devraient être découvertes a posteriori par l'étude de l'histoire de la période concernée. Ces auteurs peuvent nous dire qu'ils ont réussi à découvrir les lois gouvernant les événements jusqu'à hier. Mais — du point de vue de leur propre doctrine épistémologique — ils n'ont pas le droit de supposer que ces mêmes lois détermineront ce qui se passera demain. Tout ce qu'ils ont le droit d'affirmer est ceci : l'expérience du passé montre que A a entraîné B ; mais nous ne savons pas si demain A n'entraînera pas d'autres effets que B.
Une autre variante du rejet de l'économie est la doctrine des tendances. Ses partisans supposent joyeusement que les tendances de l'évolution qui se sont manifestées dans le passé se poursuivront. Ils ne peuvent toutefois pas nier que dans le passé les tendances ont changé et qu'il n'y a aucune raison de croire que les tendances actuelles ne changeront pas elles aussi un jour. Ceci devient ainsi particulièrement évident quand les hommes d'affaires, qui s'intéressent à la continuation des tendances actuelles, consultent des économistes et des statisticiens. La réponse qu'ils reçoivent est toujours la suivante : les statistiques montrent que la tendance qui vous intéresse continuait encore le jour de nos données statistiques les plus récentes ; si aucun facteur perturbateur n'apparaît, il n'y a pas de raison pour que cette tendance se modifie ; nous ne savons toutefois rien nous permettant de dire si de nouveaux facteurs de ce type apparaîtront oui ou non.
Le relativisme épistémologique, doctrine essentielle de l'historicisme, doit être clairement distingué du relativisme éthique des autres écoles de pensée. Il y a des auteurs qui combinent relativisme praxéologique et relativisme éthique. Mais il y a aussi des auteurs qui font montre d'un absolutisme éthique tout en rejetant le concept de lois praxéologiques universellement valables. De nombreux adeptes de l'École historique et de l'institutionnalisme jugent ainsi le passé historique du point de vue de ce qu'ils considèrent comme étant des principes moraux indiscutables, immuables, par exemple l'égalité de la richesse et des revenus. Aux yeux de certains d'entre eux la propriété privée est moralement condamnable en tant que telle. Ils accusent les économistes de l'éloge prétendu de la richesse matérielle et du dénigrement de préoccupations plus nobles. Ils condamnent le système de l'entreprise privée comme immorale et préconisent le socialisme en raison de sa valeur morale prétendument plus grande. D'après eux la Russie soviétique se conforme davantage aux principes immuables de l'éthique que les nations de l'Occident pratiquant le culte de Mammon.
Face à tout ce discours émotionnel il est nécessaire de le souligner une nouvelle fois : la praxéologie et l'économie, qui est sa branche jusqu'à présent la mieux développée, sont neutres vis-à-vis des principes moraux. Elles ne traitent que de la poursuite de fins choisies par les agents sans chercher à savoir si ces fins sont approuvées ou condamnées d'un certain point de vue. Le fait que l'immense majorité des hommes préfèrent une quantité plus grande de biens matérielle à une quantité moins forte est une donnée de l'histoire : elle ne tient aucune place dans la théorie économique. L'économie ne défend pas le capitalisme et ne rejette pas le socialisme. Elle essaie simplement de montrer les effets inéluctables de chacun de ces deux systèmes. Celui qui n'est pas d'accord avec les enseignements de l'économie devrait essayer de les réfuter par le raisonnement discursif et non par l'insulte, par les insinuations et en en appelant à des normes arbitraires, prétendument éthiques.
Notes
1. Karl Knies, Geld und Kredit, 3 volumes (Berlin : Weidmann, 1873-79). Note de l'édition américaine.
2. Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft volume 1 de Grundriss der Sozialökonomik (Tübingen, 1922). Traduction anglaise de A.M. Henderson et Talcott Parsons : The Theory of Social and Economic Organization. (Glencoe, Ill.: Free Press, 1947). Note de l'édition américaine.
3. Gustav Schmoller était le fondateur de la « jeune » école « historique allemande » ou école « historico-éthique ». Son programme combinait une approche historique des phénomènes économiques avec la poursuite de politiques économiques et sociales fondées sur des « principes moraux ». Lujo Brentano était un éminent partisan et disciple de Schmoller avec lequel il était cependant en désaccord sur des questions de méthodologie. Note de l'édition américaine.
4. La première édition fut publiée en 1853 sous le titre Die politische Ökonomie vom Standpunkte der geschichtlichen Methode. La deuxième édition fut publiée en 1883 sous le titre Die politische Ökonomie vom geschichtlichen Standpunkte. Il s'agit en majeure partie d'une réimpression de l'édition originale augmentée de plusieurs ajouts.
5. Les partisans de « l'ancienne » École historique ne défendaient pas l'idée de faire de la politique un moyen d'intervention ou une base du raisonnement économique, au contraire de ce que préconisaient les partisans de la « jeune » École historique. Note de l'édition américaine.
6. Jean Charles Léonard Sismondi était un économiste et historien suisse. Il pensait que l'objet de l'économie devait être l'homme et la réforme sociale et non la richesse et le laissez-faire. Sismondi fut le premier à pratiquer l'analyse moderne par périodes en 1819. Note de l'édition américaine.
7. Il est inutile de se plonger dans une analyse des deux autres sous-classes énumérées par Weber. Pour une critique détaillée de la doctrine de Weber, voir mon essai « Sociologie und Geschichte », dans Archiv für Sozialwissenschaft vol. 61 [1929], repris dans mon livre Grundprobleme der Nationalökonomie (Iéna : Gustav Fischer, 1933), pp. 64-121.
8. H. Hartmann, « On Rational and Irrational Action, » dans Psychoanalysis and the Social Sciences, volume 1 (1947), p. 371.
9. Quand les sciences de l'action humaine font référence aux fins, elles parlent toujours des fins que poursuit l'agent. Ceci les distingue des doctrines métaphysiques connues sous le nom de « philosophie de l'Histoire », qui prétendent savoir les fins vers lesquelles une entité surhumaine — les « forces productives matérielles » par exemple, dans le contexte du marxisme — dirige le cours de événements indépendamment des fins que les agents veulent atteindre.
10. Otto Neurath, « Foundations of the Social Sciences, » International Encyclopedia of Unified Science, volume 2, numéro 1 (Chicago : University of Chicago Press, 1956). p. 9.