Liberté économique et interventionnisme

par Ludwig von Mises

traduit par Hervé de Quengo

 

22. L'inflation doit se terminer par une récession

 

Publié pour la première fois dans le New York World Telegram & Sun, 28 août 1951.

Les États-Unis et avec eux la majorité du monde occidental traversent actuellement une période d'inflation et d'expansion du crédit. Comme la quantité de monnaie en circulation et de dépôts permettant de tirer de chèques s'accroît, il prévaut une tendance générale à la hausse des prix des biens et des services. Les affaires prospèrent.

Mais un tel boom, obtenu artificiellement par une expansion de la monnaie et du crédit, ne peut pas durer pour l'éternité. Il doit se terminer tôt ou tard. Car la monnaie de papier et les dépôts bancaires ne sont pas un substitut adéquat à des biens du capital inexistants.

La théorie économique a démontré de manière irréfutable qu'une prospérité créée par une politique monétaire et une politique de crédit expansionnistes est illusoire et doit se terminer par une récession, par une crise économique. Cela s'est sans arrêt produit par le passé et se produira également à l'avenir.

Si l'on veut éviter la récurrence des périodes de dépressions économiques, il faut commencer par empêcher l'apparition de booms artificiels. Il faut empêcher les gouvernements de s'embarquer dans une politique de taux d'intérêts faibles, de déficits budgétaires et d'emprunts auprès des banques commerciales.

Ceci est bien entendu très difficile. Les gouvernements sont à ce sujet très têtus. Ils souhaitent la popularité que les conditions économiques d'un boom ne manquent presque jamais d'apporter au parti au pouvoir. L'inévitable krach ne se produira que plus tard, pensent-ils, et alors ce sera l'autre parti qui sera au pouvoir et qui devra rendre des comptes aux électeurs quant aux maux que leurs prédécesseurs auront semés.

Il n'y a ainsi aucun doute que nous devrons un jour faire face à nouveau à une récession économique, bien qu'il soit impossible de déterminer la date de son déclenchement et sa gravité. Ce sera certes une mauvaise chose. Mais pires que la crise elle-même, pourraient être les conséquences psychologiques et idéologiques d'une interprétation erronée de ses causes.

En effet, les porte-parole de la politique d'expansion artificielle s'emploient à nier que les crises économiques soient l'effet inévitable de la politique expansionniste précédente. Ils s'évertuent à exonérer les gouvernements. Selon eux, ce sont des défauts inhérents du mode de production capitaliste qui causent la récurrence périodique des mauvaises affaires. Il n'existe pas d'autre moyen, concluent-ils, d'éviter une crise que de mettre le système économique sous la tutelle absolue d'un comité de planification centrale.

C'est fondamentalement la doctrine de Karl Marx. Ceux qui la soutiennent, ceux qui attaquent avec passion l'idée que c'est la politique d'inflation et d'expansion du crédit qui engendre les dépressions économiques, servent — parfois involontairement — la cause communiste. Quand la récession arrive, les gens endoctrinés par leurs enseignements raisonneront précisément comme l'escompte Staline. Ils penseront : les efforts faits pour préserver le capitalisme se sont révélés vains ; le capitalisme conduit nécessairement à la réapparition de catastrophes économiques ; si nous voulons la stabilité, il faut nous tourner vers le communisme.

Dans l'antagonisme entre la doctrine des économistes, qui attribue l'émergence des crises économiques à la politique d'expansion du crédit, et la doctrine officielle, qui l'attribue à de prétendus défauts inhérents au capitalisme, il y a bien plus en jeu qu'une simple querelle doctrinale. La façon dont réagiront les gens à la baisse des affaires — malheureusement difficilement évitable — qui suivra la fin du boom actuel dans l'armement peut décider du sort de notre civilisation.

Les gens doivent apprendre à temps quelles sont les conséquences inévitables des politiques monétaires et des politiques de crédit adoptées par le gouvernement actuel. Ils doivent comprendre que l'effondrement de l'essor artificiel ne sera pas le signe d'un défaut du capitalisme, de l'entreprise privée et de l'économie de marché, mais l'échec des méthodes de financement des dépenses publiques qu'ont pratiquées le New Deal et le Fair Deal.

Comprendre la nature du boom rendra aussi les gens plus prudents dans leurs affaires. Ils ne seront pas victime de l'illusion d'un boom qui continuera pour toujours.


Texte 21  |  Texte 23  |  Table des matières  |  Page Ludwig von Mises  |  Page d'accueil