Liberté économique et interventionnisme

par Ludwig von Mises

traduit par Hervé de Quengo

 

2. L'individu dans la société

 

Extraits de L'Action humaine, publiés dans la brochure édité par la Foundation for Economic Education en 1952.

(Chapitre XV. Le marché — 6. Liberté)

Les mots de liberté et d'autonomie (« liberty and freedom ») signifiaient pour les représentants les plus éminents de l'humanité l'un des biens les plus précieux et les désirables. Il est aujourd'hui à la mode de les dénigrer. Ce serait, trompète l'époque moderne, des idées « insaisissables » et des préjugés « bourgeois ».

La liberté et l'autonomie ne se trouvent pas dans la nature. Dans cette dernière il n'est pas de phénomène pour lequel l'application de ces termes aurait un sens. Quoi que l'homme fasse, il ne peut jamais se libérer des contraintes que la nature lui impose. S'il veut réussir dans ses actions, il doit se soumettre sans conditions aux lois de la nature.

La liberté et l'autonomie se réfèrent toujours à des relations entre les hommes. Un homme n'est libre que dans la mesure où il peut vivre et se comporter sans être à la merci des décisions arbitraires d'autres personnes. Dans le cadre de la société tout le monde dépend de ses concitoyens. L'homme social ne peut pas devenir indépendant sans abandonner les avantages de la coopération sociale. a

(Chapitre VIII. La Société humaine — 3. La division du travail)

Le phénomène social fondamental est la division du travail, et sa contrepartie la coopération humaine.

L'expérience apprend à l'homme que l'action en coopération est plus efficace et plus fructueuse que l'action isolée d'individus autarciques. Les conditions naturelles déterminant l'existence et l'effort de l'homme sont telles que la division du travail accroît le résultat matériel de chaque unité de travail fournie. Ces faits naturels sont :

Premièrement, l'inégalité innée des hommes en ce qui concerne leur aptitude à accomplir des travaux de nature diverse. Deuxièmement, l'inégale distribution dans le monde des facteurs de production naturels, autres qu'humains. L'on peut aussi bien considérer que ces deux faits n'en font qu'un, à savoir la multiplicité de la nature qui fait de l'univers un complexe d'innombrables variantes.

L'inégalité innée

(Chapitre VIII. La société humaine — 5. Les effets de la division du travail)

La division du travail est le résultat de la réaction consciente de l'homme à la multiplicité des conditions naturelles. D'autre part, elle est elle-même un facteur de nouvelles différenciations. Elle assigne aux diverses aires géographiques des fonctions spécifiques dans l'ensemble ramifié des processus de production. Elle fait des unes des zones urbaines, d'autres des régions rurales ; elle localise les diverses branches d'activités manufacturières, minières et rurales, en des endroits différents. Plus important cependant est le fait qu'elle intensifie l'inégalité innée des hommes. L'entraînement, la pratique de tâches spécifiques ajustent mieux les individus aux exigences de leur activité; les hommes développent certaines de leurs facultés originelles et en laissent d'autres s'émousser. Des types vocationnels apparaissent, les gens deviennent des spécialistes.

La division du travail dissèque les divers processus de production en tâches minuscules, dont beaucoup peuvent être accomplies par des procédés mécaniques. C'est cela qui a rendu possible l'emploi des machines, et entraîné les stupéfiantes améliorations dans les méthodes techniques de production. La mécanisation est le fruit de la division du travail, sa réussite la plus féconde, et non pas son motif et sa source première. La machinerie spécialisée, mue par l'énergie, n'a pu être mise en œuvre que dans un milieu de vie caractérisé par la division du travail. Chaque pas en avant sur la route vers l'utilisation de machines plus spécialisées, plus raffinées et plus productives, exige une spécialisation plus poussée des tâches.

Au sein de la société

(Chapter VIII. La société humaine — 6. L'individu au sein de la société)

Considérée du point de vue de l'individu, la société est le grand moyen pour atteindre toutes ses fins. La préservation de la société est une condition essentielle de n'importe quel plan qu'un individu puisse désirer réaliser, par quelque action que ce soit. Même le délinquant réfractaire qui ne peut ajuster sa conduite aux exigences de la vie dans un système social de coopération, n'entend se passer d'aucun des avantages qui découlent de la division du travail. Il ne vise pas consciemment à la destruction de la société. Il veut mettre la main sur une portion de la richesse produite ensemble, plus grande que celle que lui assigne l'ordre social. Il se trouverait fort déconfit si le comportement antisocial se répandait universellement, entraînant comme résultat inévitable le retour à l'indigence primitive.

(Chapitre XV. Le marché — 6. Liberté)

Liberté et autonomie sont les conditions assurées à l'homme dans une société de contrats. La coopération sociale, en régime de propriété privée des moyens de production, signifie que dans le cadre du marché l'individu n'a pas à obéir et servir un suzerain. Dans la mesure où il donne quelque chose ou rend un service à autrui, il le fait de son propre gré en vue de recevoir en retour et d'être servi par les bénéficiaires. Il échange des biens et des services, il ne fournit pas de corvées ni ne paie de tribut. Il n'est assurément pas indépendant. Il dépend des autres membres de la société. Mais leur dépendance est mutuelle. L'acheteur dépend du vendeur, et le vendeur de l'acheteur.

L'intérêt personnel

La grande préoccupation de beaucoup d'écrivains aux XIXe et XXe siècles a été de caricaturer et fausser cet évident état de choses. Les travailleurs, disaient-ils, sont à la merci des employeurs. Or, il est exact que l'employeur a le droit de renvoyer l'employé. Mais s'il use de ce droit pour céder à un caprice, il va contre son propre intérêt. C'est à ses dépens qu'il renvoie quelqu'un pour embaucher un moins capable. Le marché n'empêche pas directement que l'on inflige un dommage arbitraire à ses concitoyens ; il attache seulement une pénalité à un tel comportement. Le boutiquier est libre d'être malgracieux avec ses clients, à condition d'être prêt à en supporter les conséquences. Les consommateurs sont libres de ne pas acheter à un fournisseur, à condition de payer les frais de leur boycott. Ce qui, dans le marché, oblige chaque individu à faire vraiment tous ses efforts pour servir ses congénères, et qui réprime les tendances innées à l'arbitraire et à la méchanceté, ce n'est pas la contrainte et répression par les gendarmes, les bourreaux et les juridictions pénales ; c'est l'intérêt personnel. Le membre d'une société contractuelle est libre parce qu'il ne sert les autres qu'en se servant lui-même. Ce qui le contraint n'est rien d'autre que le phénomène naturel de rareté. Pour le reste, il est libre dans le cadre du marché.

(Chapitre XXVII. Le gouvernement et le marché — 4. La moralité comme critère suprême des actions individuelles)

Dans l'économie de marché, l'individu est libre d'agir à l'intérieur de l'orbite de la propriété privée et du marché. Ses choix sont sans appel. Pour ses semblables, ses actions sont des faits dont ils n'ont qu'à tenir compte dans leur propre activité. La coordination des actions autonomes de tous les individus est assurée par le fonctionnement du marché. La société ne dit pas à quelqu'un ce qu'il a à faire ou ne pas faire. Il n'est pas besoin de rendre la coopération obligatoire par des ordres et prohibitions spécifiques. La non-coopération se pénalise elle-même. L'ajustement aux exigences de l'effort productif en société et la poursuite des objectifs propres de l'individu ne sont pas en conflit. Donc cela ne demande pas d'arbitrage. Le système peut marcher et remplir son rôle sans l'intervention d'une autorité qui émette ordres et interdictions et qui punisse les récalcitrants.

Contrainte et répression

En dehors de la sphère de la propriété privée et du marché, s'étend celle de la contrainte et répression ; là sont les digues que la société organisée a édifiées pour la protection de la propriété privée et du marché contre la violence, la malveillance et la fraude. C'est le domaine de la force contraignante, en tant que distinct du domaine de la liberté. Là sont les règles faisant le tri entre ce qui est légal et illégal, ce qui est permis et ce qui est prohibé. Et là se trouve le sévère appareil des armes, des prisons, des potences et des gens qui les manœuvrent, prêt à écraser ceux qui osent désobéir.

Il importe de se rappeler que l'intervention du gouvernement signifie toujours, soit l'action violente, soit la menace d'y recourir. Les fonds qu'un gouvernement dépense pour n'importe quel but sont levés par le fisc. Impôts et taxes sont payés parce que les payeurs craignent de résister au percepteur. Ils savent que toute désobéissance ou résistance est sans espoir. Aussi longtemps que tel est l'état de choses, le gouvernement est en mesure de prélever l'argent qu'il veut dépenser. Gouverner est en dernière analyse se servir d'hommes en armes, policiers, gendarmes, soldats, gardiens de prison et exécuteurs. L'aspect essentiel du pouvoir, c'est qu'il peut imposer ses volontés en matraquant, tuant et emprisonnant. Ceux qui réclament davantage de gouvernement réclament en fin de compte plus de contrainte et moins de liberté.

(Chapitre XV. Le marché — 6. Liberté)

La liberté et l'autonomie sont des termes employés pour décrire les conditions sociales des membres de la société de marché dans laquelle le lien hégémonique indispensable, celui de l'État, est maîtrisé de peur que le fonctionnement du marché ne soit mis en péril. Dans un système totalitaire il n'y a aucune chose à laquelle l'attribut « libre » pourrait être attaché en dehors de l'arbitraire du dictateur. b

Il n'y aurait pas lieu de s'attarder sur ce fait, évident, si les partisans de l'abolition de la liberté n'avaient pas intentionnellement provoqué une confusion de vocabulaire. Ils se rendaient compte qu'il était pour eux sans espoir de combattre ouvertement et sincèrement en faveur de la contrainte et de l'asservissement. Les notions de liberté et d'autonomie personnelle avaient un tel prestige que nulle propagande ne pourrait ébranler leur popularité. De temps immémorial, dans tout le domaine de la civilisation occidentale, la liberté a été considérée comme le bien le plus précieux. Ce qui a fait l'éminence de l'Occident fut précisément sa préoccupation de liberté, idéal social étranger aux peuples orientaux. La philosophie sociale de l'Occident est essentiellement une philosophie de liberté. Le principal de l'histoire de l'Europe, et des communautés fondées par des émigrants européens et leurs descendants dans d'autres parties du monde, a été la lutte pour la liberté. Un « rugueux » individualisme est la marque de fabrique de notre civilisation. Nulle attaque de front contre la liberté de l'individu n'avait la moindre chance de succès.

De nouvelles définitions

Aussi les partisans du totalitarisme choisirent-ils d'autres tactiques. Ils détournèrent le sens des mots. Ils appellent liberté véritable ou authentique la situation des individus dans un système où ils n'ont d'autre droit que d'obéir aux ordres. (Aux États-Unis c) Ils se qualifient de véritables « libéraux » parce qu'ils tendent à un tel régime. Ils appellent démocratie les méthodes de gouvernement dictatoriales de Russie. Ils appellent « démocratie industrielle » les méthodes de violence et d'intimidation des syndicats ouvriers. Ils appellent liberté de la presse un état de choses où seul le pouvoir est libre de publier livres et journaux. Ils définissent la liberté comme la faculté de faire ce qui est « légitime », et, bien entendu, s'arrogent de déterminer ce qui l'est ou ne l'est pas. A leurs yeux, c'est lorsque le gouvernement peut tout faire, qu'il y a liberté entière. Affranchir de toute entrave le pouvoir de police, tel est le sens véritable de leur combat pour la liberté.

L'économie de marché, disent ces soi-disant libéraux, ne fournit de liberté qu'à une classe parasite d'exploiteurs, la bourgeoisie. Cette racaille jouit de la liberté de réduire les masses à l'esclavage. Le salarié n'est pas libre ; il doit trimer pour le seul profit de ses maîtres, les employeurs. Les capitalistes s'approprient ce qui, selon les droits inaliénables de l'homme, devrait appartenir au travailleur. Dans le socialisme le travailleur jouira de la liberté et de la dignité parce qu'il ne sera plus l'esclave d'un capitaliste. Le socialisme signifie l'émancipation de l'homme ordinaire, il signifie liberté pour tous. Il signifie, en outre, richesse pour tous.

Ces doctrines ont pu triompher parce qu'elles n'ont pas rencontré de critique rationnelle efficace. [...] Il est inopérant de se fonder sur un droit prétendu « naturel » des individus à avoir la propriété de leurs biens, si les autres affirment que le droit le plus « naturel » de tous est celui de l'égalité des revenus. De telles disputes ne peuvent jamais être réglées. C'est manquer la cible que de critiquer des aspects non essentiels ou mineurs du programme socialiste. L'on ne réfute pas le socialisme en attaquant ses positions sur la religion, le mariage, le contrôle des naissances et sur l'art. [...].

Un nouveau subterfuge

En dépit de ces sérieuses déficiences des défenseurs de la liberté économique, il n'était pas possible de tromper tout le monde tout le temps, quant aux aspects essentiels du socialisme. Les planistes les plus fanatiques ont été forcés d'admettre que leurs projets impliquent la suppression de nombre de franchises dont les gens bénéficient sous le capitalisme et la « ploutodémocratie ». Poussés dans leurs retranchements, ils recoururent à un nouveau subterfuge. La liberté qu'il faut supprimer, soulignent-ils, est seulement l'illégitime liberté « économique » des capitalistes qui nuit à l'homme ordinaire. En dehors du « domaine économique », la liberté sera non seulement maintenue, mais considérablement accrue. La « planification pour la liberté » a récemment été le slogan le plus populaire des chefs de file des partisans du pouvoir totalitaire et de la russification de toutes les nations.

La fausseté de cet argument dérive de la distinction fallacieuse entre deux domaines de l'existence et de l'agir humains, (entièrement séparés l'un de l'autre et d) qui seraient la sphère « économique » et la sphère « non économique ».

(Chapitre XIV. Domaine et méthode de la catallactique — 1. La délimitation des problèmes catallactiques)

A strictement parler, les gens ne désirent pas des objets tangibles en eux-mêmes, mais les services que ces biens sont aptes à leur rendre. Ils cherchent à obtenir l'accroissement de bien-être que ces services sont susceptibles de procurer. [...] C'est un fait que les gens opérant sur le marché sont mus non seulement par le désir de se procurer nourriture, abri et satisfactions sexuelles, mais aussi par de multiples besoins d'ordre « idéal ». L'homme qui agit est toujours préoccupé de choses à la fois « matérielles » et « idéales ». Il choisit entre diverses alternatives, sans considérer si elles sont cataloguées matérielles ou idéales. Dans les échelles de valeurs effectives, choses matérielles et idéales sont enchevêtrées.

(Chapitre XV. Le marché — 6. Liberté)

La liberté, telle qu'en ont joui les gens dans les pays démocratiques de civilisation occidentale dans les années où triomphait le vieux libéralisme, n'était pas le produit des constitutions, des déclarations des droits, des lois et règlements publics. Ces documents ne visaient qu'à sauvegarder la liberté et l'autonomie personnelles, fermement établies par le fonctionnement de l'économie de marché, contre les empiétements des détenteurs des pouvoirs publics. Aucun gouvernement, aucun droit civil ne peut garantir et procurer la liberté autrement qu'en soutenant et défendant les institutions fondamentales de l'économie de marché. Le pouvoir implique toujours contrainte et répression et, par nécessité, il est le contraire de la liberté. Le pouvoir n'est un garant de liberté, et n'est compatible avec elle, que si son champ d'action est adéquatement limité à la préservation de ce qu'on appelle la liberté économique. Là où il n'y a pas d'économie de marché, les stipulations les mieux intentionnées des Constitutions et des lois restent lettre morte.

La concurrence

La liberté de l'homme en régime capitaliste est un effet de la concurrence. Le travailleur ne dépend pas du bon plaisir d'un employeur. Si son employeur le renvoie, il en trouve un autre. Le consommateur n'est pas à la merci du marchand. Il peut, s'il le veut, porter ailleurs sa clientèle. Personne ne doit baiser la main d'autres gens ou craindre leur défaveur. Les relations interpersonnelles relèvent du donnant, donnant. L'échange de biens et services est bilatéral ; ce n'est pas accorder une faveur que de vendre ou d'acheter ; c'est une transaction dont le mobile est intéressé de part et d'autre.

Il est vrai que, dans sa qualité de producteur, tout homme dépend soit directement (par exemple l'entrepreneur), soit indirectement (par exemple le travailleur salarié) de la demande des consommateurs. Néanmoins cette dépendance vis-à-vis du consommateur souverain n'est pas illimitée. Si quelqu'un a un motif sérieux de défier la souveraineté du consommateur, il peut le tenter. Il y a dans le cadre du marché un droit très substantiel et efficace de résistance à l'oppression. Personne n'est forcé d'entrer dans l'industrie des spiritueux, ou des armes à feu, si sa conscience y répugne. Il est possible qu'il ait à payer le prix de ses convictions ; il n'y a en ce monde aucun objectif qui se puisse obtenir gratis. Mais il est laissé à la décision propre de l'homme, de choisir entre l'avantage matériel et l'appel de ce qu'il croit être son devoir. En économie de marché, l'individu seul est l'arbitre suprême lorsqu'il s'agit de sa propre satisfaction .

Ce sont les consommateurs qui choisissent

La société capitaliste n'a aucun autre moyen de forcer un homme à changer d'occupation ou de lieu de travail, que de récompenser en les payant davantage ceux qui se conforment aux désirs des consommateurs. C'est précisément ce genre de pression que beaucoup de gens trouvent intolérable, et qu'ils espèrent voir abolie par un régime socialiste. Ils sont trop obtus pour comprendre que la seule alternative est de remettre aux autorités le pouvoir sans appel de déterminer à quelle tâche et à quel endroit un homme doit travailler.

En sa qualité de consommateur l'homme n'est pas moins libre. Lui seul décide ce qui pour lui est plus important et moins important. Il choisit comment dépenser son argent, selon sa propre volonté.

La substitution de la planification économique à l'économie de marché écarte toute liberté et ne laisse à l'individu que le droit d'obéir. L'autorité qui régit toutes les questions économiques contrôle tous les aspects de l'existence et de l'activité d'un homme. Elle est le seul employeur. Tout travail devient travail forcé parce que l'employé doit accepter ce que le chef daigne lui offrir. Le tsar économique détermine en qualité et quantité ce que chaque consommateur a le droit de consommer. Il n'est aucun secteur de la vie humaine où une décision soit laissée aux jugements de valeur de l'individu. L'autorité lui assigne une tâche, le forme pour l'accomplir, et l'emploie à tel endroit et de telle manière qu'elle juge bons.

La vie « planifiée » n'est pas une vie libre

Dès que, la liberté économique que l'économie de marché fournit à ses membres est écartée, toutes les libertés politiques et toutes les déclarations de droits deviennent balivernes. Habeas corpus et procès devant jury deviennent de simples décors si, sous prétexte de convenance économique, l'autorité a tout pouvoir pour reléguer tout citoyen qui lui déplaît dans les glaces polaires ou un désert, et lui assigne des « travaux pénibles » pour le reste de sa vie. La liberté de la presse n'est qu'un écran, si le pouvoir détient toutes les imprimeries et fabriques de papier. Et il en va de même de tous les droits de l'homme.

Un homme est libre pour autant qu'il modèle son existence selon ses propres plans. Un homme dont le sort est fixé par les plans d'une autorité supérieure détentrice du pouvoir absolu de planification n'est pas libre au sens où ce terme de « libre » a été employé et compris de tout le monde, jusqu'à ce que la révolution sémantique de notre époque provoque la confusion des langues.



Notes

a. Les trois premiers paragraphes de ces extraits ont été supprimés et remplacés par d'autres dans la deuxième édition de L'Action humaine (plus souvent citée comme troisième édition, car la deuxième avait fait l'objet d'un sabotage de la part de l'éditeur [les presses de Yale]). « Liberté et autonomie » pour traduire « liberty and freedom » (les deux termes signifiant liberté) reprend le choix de la traduction de Raoul Audouin, choix qui figure ailleurs dans le texte. NdT.

b. Ce paragraphe a été supprimé de la deuxième édition. NdT

c. L'ajout « Aux États-Unis » a été ajouté lors de la deuxième édition. NdT.

d. La précision « entièrement séparés l'un de l'autre » a été oubliée dans les extraits. NdT.


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