De l'Enseignement obligatoire

 

 

Troisième partie : appendice

Notes et documents à l'appui de l'opinion de M. de Molinari

Note D.

(extrait de l'Économiste du 1er septembre.)

L'instruction obligatoire en Écosse.

Article de M. Adolphe le Hardy de Beaulieu.

 

M. T.-B. Macaulay, aujourd'hui lord Macaulay, décrit, dans les lignes suivantes, les effets de l'acte législatif par lequel le Parlement d'Écosse établit, en 1697, le système national d'éducation qui y a été en vigueur jusqu'à ce jour :

"Mais l'événement qui fut de beaucoup le plus important de cette courte session fut la loi pour l'établissement des écoles. Par cet acte mémorable il fut statué, d'après la manière écossaise de parler, que chaque paroisse (commune) du royaume établirait une école commode et paierait les honoraires d'un maître d'école."

"L'effet de cette loi ne pouvait pas être immédiatement senti. Mais avant qu'une génération fut passée il commença à devenir évident, pour tout le monde, que le peuple d'Écosse (common-people) était supérieur en intelligence au peuple des autres pays d'Europe. Dans quelque contrée où l'Écossais pût être jeté, à quelque profession qu'il pût s'adonner, en Amérique ou dans l'Inde, dans le commerce ou dans la guerre, l'avantage qu'il avait reçu par l'éducation dans ses premières années l'élevait rapidement au-dessus des ses compétiteurs. S'il entrait dans un magasin comme homme de peine, il y devenait bien vite contre-maître. S'il s'engageait dans l'armée, il devenait bientôt sergent : tandis que l'Écosse, en dépit de la pauvreté de son sol et de la sévérité de son rude climat, fit des progrès dans l'agriculture, dans le commerce, dans l'industrie, dans les lettres, dans les sciences et dans tout ce qui constitue la civilisation, tels que l'ancien monde n'a jamais pu les égaler et qu'à peine s'ils ont été surpassés par les efforts du nouveau monde."

"Ce changement extraordinaire doit être attribué, non uniquement, mais certes principalement, au système d'éducation nationale. Mais la postérité ne doit aucune gratitude aux hommes qui ont établi ce système. Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Ils étaient les instruments passifs par lesquels l'intelligence et le coeur de millions d'êtres humains furent éclairés et humanisés. Mais leur propre intelligence était aussi obscure et leurs coeurs étaient aussi endurcis que pouvaient l'être ceux des familiers de l'Inquisition à Lisbonne... [1]."

Certes, on pourra reprocher au Parlement d'Écosse d'avoir empiété que peu sur la liberté du père de famille qui a été obligé d'envoyer, malgré lui peut-être, son fils ou sa fille à l'école au loin, à travers les gorges isolées de ses montagnes abruptes ; sur celle du célibataire forcé de contribuer comme les pères de famille eux-mêmes au soutien de ces écoles [2] ; mais je doute que malgré ces imperfections l'Écosse ait à se plaindre aujourd'hui de la contrainte qu'on lui a fait subir il y a un siècle et demi.

 

Notes

[1] T. VIII, p. 240

[2] Que le Parlement d'Écosse ait obligé les pères de famille à envoyer leurs enfants à l'école, rien de plus juste à notre avis ; car l'enseignement est une dette naturelle que tout homme contracte envers l'être auquel il a donné l'existence. Lorsqu'il néglige de s'en acquitter on peut légitimement l'y contraindre, comme s'il s'agissait de toute autre dette. Mais que l'on oblige les célibataires à participer aux frais d'éducation de la génération nouvelle qu'ils n'ont point contribué, officiellement du moins, à mettre au monde, cela nous paraît aussi injuste que de les obliger à payer une partie de ses frais de nourrice. Suum cuique. (N. de la R.)


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