Théorie et Histoire

Une interprétation de l'évolution économique et sociale

Première édition :Yale University Press, 1957. Réédité (et mis en ligne) par le Ludwig von Mises Institute

par Ludwig von Mises

traduit par Hervé de Quengo

 

Quatrième partie : Le cours de l'Histoire

Chapitre 15. Les interprétations philosophiques de l'Histoire

 

1. Les philosophies de l'Histoire et des interprétations philosophiques de l'Histoire

Les tentatives de donner une interprétation philosophique de l'Histoire ne doivent pas être confondues avec l'un des divers projets de philosophies de l'Histoire. Elles ne visent pas découvrir fin vers laquelle tendrait le déroulement de l'histoire humaine. Elles essaient de mettre en relief des facteurs jouant un rôle considérable dans la détermination du cours des événements historiques. Elles traitent des fins que recherchent les individus et les groupes d'individus, mais s'abstiennent de toute opinion sur la fin et la signification du processus historique dans son ensemble ou sur la destinée préétablie de l'humanité. Elles reposent non pas sur l'intuition mais sur une étude de l'Histoire. Elles essaient de démontrer la justesse de leur interprétation en se référant aux faits historiques. On peut dire en ce sens qu'elles sont discursives et scientifiques.

Il est inutile de lancer un débat sur les mérites et démérites d'un type particulier de philosophie de l'Histoire. Une philosophie de l'Histoire doit être acceptée dans sa totalité ou rejetée dans sa totalité. Aucun argument logique et aucune référence aux faits ne peuvent être avancés soit pour soit contre une philosophie de l'Histoire. Il n'est nulle question de raisonnement à ce propos ; ce qui compte c'est uniquement la croyance ou l'incrédulité. Il est possible que dans quelques années la terre entière soit dominée par le socialisme. Si cela se passait, cela ne confirmerait en rien la variante marxiste de la philosophie de l'Histoire. Le socialisme ne serait pas le résultat d'une loi opérant "indépendamment de la volonté des hommes" avec "le caractère inexorable d'une loi de la nature". Ce serait précisément le résultat des idées qui se seraient emparées de la tête des hommes, de la conviction partagée par la majorité selon laquelle le socialisme leur serait plus bénéfique que le capitalisme.

Une interprétation philosophique de l'Histoire peut facilement être mal utilisée pour la propagande politique. Il est cependant facile de séparer le noyau scientifique de la doctrine de ses adaptations et modifications politiques.

2. L'environnementalisme

L'environnementalisme est la doctrine qui explique les changements historiques comme produit par l'environnement dans lequel vivent les gens. Il existe deux variantes de cette doctrine : la doctrine de l'environnementalisme physique ou géographique et celle de l'environnementalisme social ou culturel.

La première doctrine affirme que les caractéristiques essentielles de la civilisation d'un peuple seraient engendrées par des facteurs géographiques. Les conditions physiques, géologiques et climatiques ainsi que la flore et la faune d'une région détermineraient les pensées et les actions de ses habitants. Dans la forme la plus radicale de leur thèse, les auteurs anthropogéographiques sont empressés à faire remonter toutes les différences entre les races, les nations et les civilisations à l'effet du milieu naturel de l'homme.

La méprise inhérente à cette interprétation vient de ce qu'elle considère la géographie comme un facteur actif et l'action humaine comme un facteur passif. L'environnement géographique n'est cependant qu'un des éléments de la situation dans laquelle se trouve l'homme à sa naissance et qui le met mal à l'aise, le conduisant ainsi à utiliser sa raison et ses forces physiques pour se débarrasser de son malaise du mieux qu'il le peut. La géographie (la nature) lui fournit d'une part une incitation à agir et d'autre part les moyens à utiliser pour agir, tout en imposant des limites insurmontables à cette recherche humaine de l'amélioration. Elle lui donne un stimulus mais pas la réponse. La géographie pose un problème mais c'est à l'homme de le résoudre. L'homme vit dans un environnement géographique donné et est obligé d'adapter son action aux conditions de son milieu. Mais la façon dont il s'adapte, ses méthodes d'adaptation sociale, technique et morale ne sont pas déterminées par des facteurs physiques externes. Le continent nord-américain n'a produit ni la civilisation des aborigènes indiens ni celle des Américains de souche européenne.

L'action humaine est une réaction consciente au stimulus offert par les conditions dans lesquelles l'homme évolue. Comme certains éléments de la situation dans laquelle il vit et est appelé à agir varient avec les différentes régions du globe, il y a aussi des différences géographiques entre les civilisations. Les sabots de bois des pêcheurs hollandais ne seraient pas utiles aux montagnards suisses. Les manteaux de fourrure sont pratiques au Canada mais moins à Tahiti.

La doctrine de l'environnementalisme social et culturel souligne seulement le fait qu'il y a — nécessairement — une continuité dans la civilisation humaine. La génération montante ne crée pas une nouvelle civilisation à partir de rien. Elle se développe dans un milieu social et culturel créé par les générations précédentes. L'individu naît à une date précise de l'Histoire dans une situation précise déterminée par la géographie, l'Histoire, les institutions sociales, les moeurs et les idéologies. Il doit affronter quotidiennement la modification de la structure de ce cadre traditionnel, consécutive aux actions de ses contemporains. Il ne vit pas simplement dans le monde, il vit dans un endroit circonscrit. Il est à la fois favorisé et entravé dans son action par tout ce qui est propre à cet endroit. Mais il n'est pas déterminé par lui.

La vérité contenue dans l'environnementalisme est la reconnaissance que tout individu vit à une époque donnée dans un espace donné et agit dans les conditions déterminées par cet environnement. Ce dernier fixe la situation mais pas la réponse. Dans une même situation différents modes de réaction sont envisageables et possibles. Celui que retiennent les acteurs dépend de leur individualité.

3. L'interprétation de l'Histoire par les égalitaristes

La plupart des biologistes affirment qu'il n'y a qu'une espèce humaine. Le fait que l'on puisse croiser tous les peuples et engendrer une descendance féconde est considéré comme une preuve de l'unité zoologique de l'humanité. Il existe cependant au sein de l'espèce Homo Sapiens diverses variations qui rendent nécessaire la distinction en sous-espèces ou en races.

Il existe des différences physiques considérables entre les membres des diverses races ; il existe aussi des différences notables quoique moins capitales entre les membres d'une même race, sous-race, tribu ou famille, même entre frères et soeurs, même entre faux jumeaux. Chaque individu est dès la naissance physiquement différent de tous les autres représentants de l'espèce et se caractérise par des traits individuels propres. Mais aussi grandes soient ces différences, elle ne concernent pas la structure logique de l'esprit humain. Il n'existe pas la moindre preuve en faveur de la thèse développée par diverses écoles de pensée et soutenant que la logique et le mode de pensée des différentes races sont différentes sur le plan des catégories.

L'étude scientifique des différences innées entre individus et de leur héritage biologique et physique a été énormément brouillée et déformée par les préjugés politiques. La psychologie béhavioriste prétend que toutes les différences de caractéristiques intellectuelles entre les hommes sont dues à des facteurs environnementaux. Elle nie toute influence de l'inné sur les performances intellectuelles. Elle soutient que l'égalisation des conditions extérieures de la vie et de l'éducation humaines pourrait éliminer toutes les différences culturelles entre individus, quelle que puisse être leur appartenance raciale ou familiale. L'observation contredit ces affirmations. Elle montre qu'il existe une corrélation entre la structure physique et les traits intellectuels. Un individu hérite de ses parents et indirectement des ancêtres de ses parents non seulement les caractéristiques biologiques de son corps mais aussi un ensemble de capacités mentales qui limitent les potentialités de ses réalisations intellectuelles et de sa personnalité. Certaines personnes sont dotées d'un talent inné pour certains types d'activité alors que d'autres ne disposent pas du tout de ce don ou ne le possède qu'à un degré moindre.

La doctrine béhavioriste a été utilisée pour soutenir le programme d'un socialisme de type égalitariste. Le socialisme égalitariste combat le principe de l'égalité devant la loi du libéralisme classique. Les inégalités de revenu et de richesse existant dans une économie de marché n'ont pas selon lui une source et une importance sociale différentes de celles qu'elles ont dans une société de statut. Elles seraient le résultat d'usurpations et d'expropriations ainsi que de l'exploitation des masses découlant de l'usage d'une violence arbitraire. Les bénéficiaires de cette violence constitueraient une classe dominante dont l'État ne serait qu'un instrument pour maîtriser par la force les exploités. Ce qui distinguerait le "capitaliste" de "l'homme ordinaire" serait le fait qu'il ait rejoint la bande des exploiteurs sans scrupules. La seule qualité requise pour être entrepreneur serait la bassesse. Son travail, explique Lénine, serait un travail de comptabilité et de distribution, et ces points auraient été "simplifiés à l'extrême par le capitalisme, qui les a réduits aux opérations les plus simples de surveillance et d'inscription et à la délivrance de reçus correspondants, toutes choses à la portée de quiconque sait lire et écrire et connaît les quatre règles d'arithmétique." [1] Ainsi les "privilèges de la propriété" des "capitalistes" sont tout aussi superflus et donc parasitaires que l'étaient les privilèges statutaires des propriétaires aristocratiques à la veille de la révolution industrielle. En établissant une égalité factice devant la loi et en préservant le plus injustes de tous les privilèges, la propriété privée, la bourgeoisie aurait ainsi trompé des gens qui ne se méfiaient de rien et leur auraient volé les fruits de la révolution.

Cette doctrine, déjà vaguement présente dans les écrits de certains auteurs plus anciens et popularisés par Jean-Jacques Rousseau et Gracchus Babeuf, se transforma dans la doctrine marxiste de la lutte des classes en une interprétation par l'usurpation de tout le processus historique. Dans le cadre de la philosophie marxiste de l'Histoire, l'émergence des distinctions de statut et de classe était le produit nécessaire et historiquement inévitable de l'évolution des forces productives matérielles. Les membres des castes et des classes dominantes n'étaient pas individuellement responsables des actes d'oppression et d'exploitation. Ils n'étaient pas pires sur le plan moral que ceux qu'ils asservissaient. Ils étaient seulement les hommes qu'un destin insondable avait choisis pour accomplir une tâche socialement, économiquement et historiquement nécessaire. Comme l'état des forces productives matérielles détermine le rôle de chacun dans le déroulement du processus historique, il leur revenait de faire ce qu'ils ont accompli.

Mais on trouve une tout autre description de la marche des affaires humaines dans les écrits de Marx et Engels traitant des problèmes historiques ou des questions politiques de leur propre époque. Dans ceux-ci ils épousaient sans réserve la doctrine populaire de la corruption morale intrinsèque des "exploiteurs". L'histoire humaine y apparaît comme un processus de corruption morale progressive, ayant commencé lorsque la condition merveilleuse des communautés de village primitives fut interrompue par la cupidité d'individus égoïstes. La propriété privée des terres serait le péché originel ayant amené petit à petit tous les désastres qui ont frappé l'humanité. Ce qui place un "exploiteur" au-dessus de son semblable ne serait que la scélératesse. Dans les trois volumes du Capital, le manque de scrupules est la seule qualité nécessaire pour être un "exploiteur" à laquelle il est fait allusion. L'amélioration technique et l'accumulation de richesse que Marx considère comme préalables à l'avènement du socialisme sont décrites comme le résultat d'une évolution spontanée des mythiques forces productives matérielles. Les "capitalistes" ne tirent aucun mérite de ces réalisations. Tous ce que ces vauriens font est d'exproprier ceux qui devraient récolter de droit les fruits de l'action des forces productives matérielles. Ils s'approprient la "plus-value". Ils ne sont que des parasites et l'humanité pourrait s'en passer.

Cette interprétation de l'Histoire du point de vue égalitariste constitue la philosophie officielle de notre époque. Elle suppose qu'un processus d'évolution historique automatique tend à améliorer les méthodes techniques de production, à accumuler les richesses et à fournir les moyens pour élever le niveau de vie des masses. Lorsqu'ils analysent après coup la situation de l'Occident capitaliste telle qu'elle s'est développée au cours des cent ou deux cents dernières années, les statisticiens y voient une tendance à l'augmentation de la productivité et présument joyeusement que cette tendance persistera quelle que puisse être l'organisation économique de la société. D'après eux, une tendance de l'évolution historique est quelque chose qui se situe à un niveau supérieur aux actions humaines, un fait établi de manière "scientifique", qui ne peut être modifié ni par les hommes ni par le système social. Aucun désagrément ne peut dès lors résulter d'institutions — comme la législation fiscale contemporaine — visant en fin de compte à supprimer les inégalités de revenu et de richesse.

La doctrine égalitariste est manifestement contraire à tous les faits établis par la biologie et par l'Histoire. Seuls des partisans fanatiques de cette théorie peuvent prétendre que ce qui distingue le génie de l'idiot est uniquement l'effet d'influences postnatales. L'idée que la civilisation, le progrès et l'amélioration émaneraient de l'action d'un facteur mythique — les forces productives matérielles dans la philosophie marxiste — façonnant les esprits humains de manière que tour à tour certaines idées y naissent au même moment, est une fable absurde.

Il y a eu beaucoup de discours creux sur l'absence de différences entre les hommes. Mais il n'y a jamais eu de tentatives en vue organiser la société selon le principe égalitaire. L'auteur d'un tract égalitariste et le chef d'un parti égalitariste contredisent par leur activité même le principe auquel ils prétendent adhérer. Le rôle historique du credo égalitariste était de camoufler les formes les plus abjectes d'oppression despotique. En Union soviétique l'égalitarisme est brandi comme l'un des principaux dogmes de la pensée officielle. Mais Lénine fut déifié après sa mort et Staline fut adulé de son vivant comme aucun dirigeant ne l'avait été depuis les jours de l'Empire romain déclinant.

Les fables égalitaristes n'expliquent pas le cours de l'histoire passée, n'ont aucune place dans une analyse des problèmes économiques et sont sans aucune utilité pour planifier l'action politique future.

4. L'interprétation raciale de l'Histoire

C'est un fait historique que les civilisations développées par les diverses races sont différentes. Il était autrefois possible d'établir cette vérité sans chercher à créer une distinction entre civilisations inférieures et supérieures. Chaque race, pouvait-on affirmer, développe une culture conforme à ses souhaits, à ses besoins et à ses idéaux. Le caractère d'une race trouve son expression adéquate dans ses réalisations. Une race peut imiter les réalisations et les institutions développées par d'autres races, mais n'a pas hâte d'abandonner totalement son propre modèle culturel pour le remplacer par un système importé de l'étranger. Si, il y a environ deux mille ans, les Gréco-romains et les Chinois avaient pris connaissance les uns des autres, aucune race n'aurait admis la supériorité de l'autre.

Il en va cependant différemment à notre époque. Les non caucasiens peuvent détester et mépriser l'homme blanc, ils peuvent comploter en vue de le détruire et prendre plaisir à chanter de façon extravagante les louanges de leurs propres civilisations. Mais ils aspirent aux réalisations tangibles de l'Occident, à sa science, à sa technologie, à sa médecine, à ses méthodes d'administration et de gestion industrielle. Beaucoup de leurs porte-parole déclarent qu'ils désirent seulement imiter la culture matérielle de l'Occident et ne faire de même que dans la mesure où cela ne s'oppose pas à leurs idéologies indigènes et ne compromet pas leurs croyances et pratiques religieuses. Ils n'arrivent pas à voir que l'adoption de ce qu'ils appellent de façon désobligeante les réalisations purement matérielles de l'Occident n'est pas compatible avec la préservation de leurs rites et tabous traditionnels, ni avec celle de leur mode de vie habituel. Ils se bercent d'illusions en croyant que leurs peuples pourraient emprunter la technologie occidentale et atteindre un niveau de vie matériel plus élevé sans s'être auparavant dépouillés, dans une Kulturkampf [*], de la vision du monde et des moeurs héritées de leurs ancêtres. La doctrine socialiste les conforte dans cette erreur, elle qui n'arrive pas non plus à comprendre que les réalisations matérielles et techniques de l'Occident sont le résultat des philosophies du rationalisme, de l'individualisme et de l'utilitarisme et qu'elles seraient vouées à disparaître si des principes collectivistes et totalitaires devaient remplacer le capitalisme par le socialisme.

Quoi que disent les gens sur la civilisation occidentale, il demeure que tous les peuples regardent ses réalisations avec envie, veulent les reproduire et admettent ainsi implicitement sa supériorité. C'est cette situation qui a engendré la doctrine moderne des différences raciales et son corollaire politique, le racisme.

La doctrine des différences raciales affirme que certaines races ont mieux réussi que d'autres dans la poursuites des buts que tous les hommes ont en commun : tous les hommes veulent résister à l'effet des facteurs préjudiciables à la préservation de la vie, de la santé et du bien-être. On ne peut pas nier que la civilisation occidentale moderne a mieux réussi dans ces tentatives. Elle a augmenté la durée de vie moyenne et élevé le niveau de vie moyen comme jamais auparavant. Elle a mis à la portée de l'homme ordinaire des réalisations humaines supérieures — philosophie, science, art — qui n'étaient accessibles par le passé qu'à une faible minorité, comme c'est encore le cas aujourd'hui hors des pays capitalistes occidentaux. Les râleurs peuvent accuser la civilisation occidentale de matérialisme et affirmer qu'elle n'a profité qu'à une petite classe de farouches exploiteurs. Mais leurs lamentations ne peuvent pas effacer les faits. Des millions de mères ont été rendues plus heureuses par la baisse de la mortalité infantile. Les famines ont disparu et les épidémies ont été maîtrisées. L'homme moyen vit dans des conditions plus satisfaisantes que ses ancêtres ou que ses contemporains des pays non capitalistes. Et l'on ne peut pas rejeter une civilisation en la qualifiant de purement matérialiste quand elle permet à presque tout le monde de goûter une symphonie de Beethoven jouée par un orchestre dirigé par un chef éminent.

La thèse selon laquelle certaines races ont connu plus de succès que d'autres dans les efforts qu'ils ont faits pour développer une civilisation est inattaquable en tant que constat de l'expérience historique. Si l'on souhaite résumer ce qui s'est produit par le passé, il est juste d'affirmer que la civilisation moderne est une réalisation de l'homme blanc. Toutefois, établir ce fait ne justifie ni la suffisance raciale de l'homme blanc ni les doctrines politiques du racisme.

De nombreuses personnes tirent fierté du fait que leurs ancêtres ou leur famille aient accompli de grandes choses. Certains trouvent un plaisir spécial à savoir qu'ils appartiennent à une famille, à un clan, à une nation ou à une race qui s'est distinguée par le passé. Mais cette vanité inoffensive se transforme facilement en mépris envers ceux qui n'appartiennent pas à ce même groupe distingué et en tentatives de les humilier et de les insulter. Tous les diplomates, soldats, bureaucrates et hommes d'affaires des nations occidentales qui ont fait montre, dans leurs contacts avec les races de couleur, d'une arrogante effronterie n'avaient absolument aucun titre à se vanter des actes de la civilisation occidentale. Ils n'avaient pas créé cette culture qu'ils mettaient en péril par leur comportement. L'insolence qui trouvait son expression dans des inscriptions comme "Entrée interdite aux chiens et aux autochtones" a empoisonné les relations entre les races pour les temps à venir. Mais nous n'avons pas à étudier ces tristes vérités dans une analyse des doctrines raciales.

L'expérience historique nous donne le droit de dire que dans le passé les efforts de certaines branches de la race caucasienne en vue de développer une civilisation ont éclipsé ceux des membres des autres races. Cela ne nous autorise pas à affirmer quoi que ce soit quant à l'avenir. Cela ne nous permet pas de supposer que cette supériorité de la souche blanche continuera dans le futur. L'expérience historique ne nous permet pas de prédire quoi que ce soit avec une "vraisemblance" [**] qui puisse être comparée avec la probabilité des prédictions faites par les sciences de la nature sur la base de faits établis lors d'expériences de laboratoires. En 1760, un historien aurait eu raison de déclarer que la civilisation occidentale était principalement l'oeuvre des peuples latins et britanniques et que les peuples germaniques y avaient peu contribué. Il était acceptable à cette époque de dire que la science, la technique, la philosophie, la littérature et l'art allemands étaient insignifiants comparés aux réalisations des membres de certaines autres nations. On pouvait honnêtement affirmer que les Allemands qui s'étaient distingués dans ces disciplines — au premier rang desquels les astronomes Copernic [2] et Kepler ainsi que le philosophe Leibniz — n'avaient réussi que parce qu'ils avaient pleinement assimilé les contributions de non Allemands, qu'intellectuellement ils ne faisaient pas partie de l'Allemagne, qu'ils n'eurent pendant longtemps pas de successeurs allemands, et que les premiers à avoir apprécié leurs doctrines étaient en majorité des non Allemands. Mais si quelqu'un en avait déduit que les Allemands étaient culturellement inférieurs et allaient se retrouver dans l'avenir loin derrière les Français et les Britanniques, ses conclusions auraient été démenties par le déroulement ultérieur de l'Histoire.

Une prédiction sur le comportement futur des races qui sont aujourd'hui considérées comme culturellement arriérées ne pourrait être faite que par la science biologique. Si la biologie devait découvrir quelques traits anatomiques chez les membres des races non caucasiennes qui limiteraient nécessairement leurs facultés mentales, on pourrait alors s'aventurer à une telle prédiction. Mais la biologie n'a jusqu'à présent découvert aucun trait de ce type.

Il ne revient pas à cet essai de traiter des questions biologiques de la doctrine raciale. Il doit donc s'abstenir d'analyser les problèmes sujets à controverse concernant la pureté raciale et le croisement des races. Il ne nous revient pas non plus d'étudier les mérites du programme politique du racisme. Ce point ressortit à la praxéologie et à l'économie.

Tout ce que l'on peut dire des questions raciales sur la base de l'expérience historique se réduit à deux affirmations. Premièrement, les différences actuelles entre les différentes races biologiques d'hommes se retrouvent dans les réalisations de leurs membres en matière de civilisation. Deuxièmement, à notre époque les principales réalisations de la civilisation de certaines branches de la race blanche caucasienne sont considérées par l'immense majorité des membres de toutes les autres races comme préférables aux caractéristiques de la civilisation produite par les représentants de leurs propre race.

5. La laïcité de la civilisation occidentale

Une interprétation presque universellement reconnue de la civilisation moderne distingue les aspects spirituels et matériels. Cette distinction est suspecte car elle a pour origine le ressentiment et non une observation impartiale des faits. Chaque race, nation ou groupe linguistique met en avant les réalisations de ses membres dans les questions spirituelles, même quand il ou elle admet son retard dans les questions matérielles. On suppose qu'il n'existerait qu'un faible rapport entre les deux aspects d'une civilisation, que l'aspect spirituel serait davantage sublime, méritoire et louable que l'aspect "purement" matériel, et que se préoccuper de l'amélioration matérielle empêcherait un peuple d'accorder une attention suffisante aux questions spirituelles.

Telles étaient au dix-neuvième siècle les idées des dirigeants des peuples de l'Est qui désiraient ardemment reproduire dans leurs propres pays les réalisations de l'Occident. L'étude de la civilisation occidentale les amena inconsciemment à mépriser les institutions et les idéologies de leurs propres pays et à se sentir inférieurs. Ils rétablir leur équilibre mental par le biais d'une doctrine réduisant la civilisation occidentale à son seul aspect matérialiste. Les Roumains et les Turcs qui avaient très envie que des capitaux occidentaux permettent de construire des chemins de fer et des usines se consolaient en exaltant la culture spirituelle de leur propre nation. Les Hindous et les Chinois avaient bien entendu des arguments plus solides lorsqu'ils se référaient à la littérature et à l'art de leurs ancêtres. Mais il ne leur est pas apparu que plusieurs centaines d'années les séparaient des générations qui avaient excellé en philosophie ou en poésie et que leurs nations, à l'époque de ces illustres ancêtres, étaient, sur le plan matériel de leur civilisation, si ce n'est en avance du moins certainement pas à la traîne par rapport à leurs contemporains.

Dans les dernières décennies la doctrine consistant à réduire la civilisation occidentale moderne à son simple aspect matériel a été presque universellement acceptée par les nations à l'origine de cette civilisation. Les Européens y trouvent un réconfort quand ils comparent la prospérité économique des États-Unis avec la situation actuelle de leurs pays. Les socialistes américains s'en servent comme d'un argument majeur dans leur tentative de présenter le capitalisme américain comme un fléau pour l'humanité. Obligés à contrecoeur d'admettre que le capitalisme déverse une corne d'abondance sur la population et que la prédiction marxiste d'un appauvrissement progressif des masses a été démentie de façon spectaculaire par les faits, ils essaient de sauver leur critique du capitalisme en décrivant la civilisation contemporaine comme purement matérialiste et sans valeur.

De violentes attaques contre la civilisation moderne sont lancées par des auteurs qui pensent plaider la cause de la religion. Ils reprochent à notre époque d'être laïque. Ils déplorent la disparition d'un mode de vie où, à ce qu'ils voudraient nous faire croire, les gens ne se préoccupaient pas de la poursuite des ambitions terrestres mais se souciaient au premier chef de la stricte observance de leurs devoirs religieux. Ils attribuent tous les maux à la diffusion du scepticisme et de l'agnosticisme et prônent avec passion un retour à l'orthodoxie d'époques révolues.

Il est difficile de trouver une doctrine qui déforme plus grandement l'Histoire que cet anti-laïcisme. Il y a toujours eu des hommes dévots, au coeur pur et se consacrant à une vie pieuse. Mais la piété de ces croyants sincères n'a rien à voir avec le système de dévotion en place. C'est un mythe que de croire que les institutions politiques et sociales des époques ayant précédé la philosophie individualiste et le capitalisme moderne aient été imprégnées d'un authentique esprit chrétien. Les enseignements des Évangiles ne déterminaient pas l'attitude officielle des gouvernements vis-à-vis de la religion. Ce furent au contraire les préoccupations de ce monde des dirigeants séculiers — rois absolus et oligarchies aristocratiques, mais parfois aussi paysans en révolte et masses urbaines — qui transformèrent la religion en un instrument au service d'ambitions politiques profanes.

Rien ne pourrait être moins compatible avec la véritable religion que la persécution sans merci des hérétiques et que les horreurs des croisades et des guerres de religion. Aucun historien n'a jamais nié que l'on trouvait très peu de l'esprit du Christ dans les Églises du seizième siècle que les théologiens de la Réforme ont critiquées ou dans celles du dix-huitième siècle que les philosophes des Lumières ont attaquées.

L'idéologie de l'individualisme et de l'utilitarisme qui ouvrit la voie au capitalisme moderne apporta également la liberté aux aspirations religieuses de l'homme. Elle ruina la prétention des gens au pouvoir à imposer leur propre foi à leurs sujets. La religion n'est plus l'observation d'articles que font respecter des policiers et des bourreaux. Elle est ce qu'un homme, guidé par sa conscience, choisit spontanément comme sa foi. La civilisation occidentale moderne est de ce monde. Mais c'est précisément son aspect laïc et son indifférence religieuse qui donnent libre cours à la renaissance d'un authentique sentiment religieux. Ceux qui font aujourd'hui leurs dévotions dans un pays libre ne sont pas poussés par le bras séculier mais par leur conscience. En respectant les principes de leur religion ils ne cherchent pas à éviter une punition de la part des autorités terrestres mais le salut et la tranquillité d'esprit.

6. Le rejet du capitalisme par l'anti-laïcisme

L'hostilité dont ont fait preuve les champions de l'anti-laïcisme envers les modes de vie modernes se manifeste dans la condamnation du capitalisme en tant que système injuste.

De l'avis des socialistes comme de celui des interventionnistes l'économie de marché entraverait la pleine utilisation des réalisations de la technique, enrayant ainsi l'évolution de la production et restreignant la quantité de biens produits et disponibles à la consommation. Au début, les critiques du capitalisme ne niaient pas qu'une égale distribution du produit social entre tous n'entraînerait probablement aucune amélioration notable de la condition matérielle de l'immense majorité de la population. La distribution égalitaire jouait dans leurs projets un rôle subalterne. Ils promettaient la prospérité et l'abondance pour tous, et celles-ci devaient venir selon eux d'une libération des forces productives des fers que leur imposait prétendument l'égoïsme des capitalistes. Le but des réformes qu'ils suggéraient était de remplacer le capitalisme par un système de production plus efficace et par là d'inaugurer un âge de richesses pour tous.

Maintenant que l'analyse économique a montré les illusions et les sophismes contenus dans la condamnation du capitalisme par les socialistes et les interventionnistes, ils essaient de sauver leurs programmes en ayant recours à une autre méthode. Les marxistes ont développé la doctrine de l'inévitabilité du socialisme et les interventionnistes, dans leur sillage, parlent de l'irréversibilité de la tendance vers une intervention toujours plus grande du gouvernement dans les affaires économiques. Il est évident que ces expédients sont simplement destinés à cacher leur défaite intellectuelle et à détourner l'attention du public des conséquences désastreuses des politiques socialistes et interventionnistes.

Des motifs similaires poussent ceux qui préconisent le socialisme et l'interventionnisme pour des raisons morales et religieuses. Ils considèrent surérogatoire d'examiner les problèmes économiques en jeu et essaient de déplacer la discussion sur le pour et le contre d'une économie de marché du terrain de l'analyse économique vers ce qu'ils appellent une sphère supérieure. Ils rejettent le capitalisme, système jugé injuste, et prônent le socialisme ou l'interventionnisme, estimés conformes à leurs principes moraux ou religieux. Il est vil, disent-ils, de considérer les affaires humaines du point de vue de la productivité, des profits et des préoccupations matérialistes concernant la richesse et une quantité abondante de biens matériels. L'homme devrait rechercher la justice, pas la richesse.

Ce type d'argumentation serait cohérent s'il attribuait ouvertement une valeur morale intrinsèque à la pauvreté et condamnait pareillement tout effort fait en vue d'élever le niveau de vie au-dessus de celui de la simple subsistance. La science ne pourrait rien objecter à un tel jugement de valeur, car les jugements de valeurs sont les choix ultimes de l'individu qui les émet.

Toutefois, ceux qui rejettent le capitalisme d'un point de vue moral et religieux ne préfèrent pas la pénurie au bien-être. Ils racontent au contraire à leurs ouailles qu'ils cherchent à améliorer le bien-être matériel de l'homme. Pour eux la principale faiblesse du capitalisme serait de ne pas donner aux masses le degré de bien-être que, croient-ils, le socialisme ou l'interventionnisme pourraient apporter. Leur condamnation du capitalisme et leur recommandation de réformes sociales sous-entendent la thèse selon laquelle le socialisme ou l'interventionnisme conduiraient à augmenter, et non à diminuer, le niveau de vie de l'homme ordinaire. Ces critiques du capitalisme approuvent ainsi complètement les enseignements des socialistes et des interventionnistes sans se soucier d'examiner attentivement ce que les économistes ont avancé pour les discréditer. La seule erreur qu'ils trouvent dans les principes des socialistes marxistes et des partis laïcs interventionnistes est leur adhésion à l'athéisme ou au laïcisme.

Il est évident que la question de savoir si le bien-être matériel est mieux assuré par le capitalisme, le socialisme ou l'interventionnisme, ne peut être tranchée que par une analyse soigneuse du fonctionnement de chacun de ces systèmes. C'est ce que fait l'économie. Il n'y a aucun intérêt à discuter de ces questions sans prendre pleinement en compte ce que l'économie a à en dire.

Il est justifiable que l'éthique et la religion disent aux gens qu'ils devraient faire un meilleur usage du bien-être que leur procure le capitalisme ; qu'elles essaient de conduire le fidèle à substituer de meilleures façons de dépenser son argent à ces habitudes répréhensibles que sont la fête, la boisson et le jeu ; qu'elles condamnent le mensonge et la tricherie et vantent les valeurs morales contenues dans le maintien de la pureté du lien familial et dans la charité envers les nécessiteux. Mais il est irresponsable de condamner un système social et de préconiser son remplacement par un autre sans avoir pleinement étudié les conséquences économiques de chacun.

Il n'y a rien dans une doctrine éthique ou dans les enseignements de l'un des principes basés sur les Dix Commandements qui puisse justifier la condamnation d'un système économique qui a multiplié la population et qui offre aux masses vivant dans les pays capitalistes le niveau de vie le plus élevé jamais atteint dans l'Histoire. Du point de vue religieux également, la baisse de la mortalité infantile, l'allongement de la durée de vie moyenne, la lutte victorieuse contre les fléaux et les maladies, la disparition des famines, de l'analphabétisme et de la superstition parlent en faveur du capitalisme. Les Églises ont raison de se plaindre du dénuement dans lequel vivent les masses des pays économiquement arriérés. Mais elles se trompent lourdement quand elles s'imaginent que l'on pourrait éliminer la pauvreté de ces malheureux par quelque chose d'autre que l'adoption sans condition du système de la recherche du profit de la grande industrie, c'est-à-dire de la production de masse en vue de satisfaire les besoins du plus grand nombre.

Un moraliste consciencieux ou un ecclésiastique ne s'aviseraient pas de prendre part à des controverses concernant des méthodes techniques ou thérapeutiques sans s'être suffisamment familiarisés avec tous les problèmes physiques, chimiques et physiologiques en jeu. Et pourtant beaucoup d'entre eux pensent que l'ignorance de l'économie ne les empêche pas de traiter des questions économiques. Ils sont même fiers de leur ignorance. Ils considèrent que les problèmes de l'organisation économique de la société doivent être analysés exclusivement du point de vue d'une idée préconçue de la justice et sans tenir compte de ce qu'ils qualifient de pauvre préoccupation matérialiste en vue d'une vie aisée. Ils recommandent certaines politiques, en rejettent d'autres, et ne se soucient pas des effets qui doivent résulter de l'adoption de leurs suggestions.

Ce désintérêt vis-à-vis des effets des politiques, qu'elles soient rejetées ou recommandées, est absurde. Car les moralistes et les partisans catholiques de l'anticapitalisme ne s'intéressent pas à l'organisation économique de la société par pur caprice. Ils cherchent à réformer la situation actuelle parce qu'ils veulent obtenir certains effets bien déterminés. Ce qu'ils appellent l'injustice du capitalisme est le fait présumé que celui-ci répandrait misère et pauvreté. Ils préconisent des réformes qui, selon leurs voeux, devraient éliminer cette misère et cette pauvreté. Ils sont par conséquent, du point de vue de leur propre jugements de valeur et des fins qu'ils désirent eux-mêmes atteindre, incohérents en ne parlant que de quelque chose qu'ils appellent la norme supérieure de la justice et de la morale et en ignorant l'analyse économique du capitalisme et des politiques anticapitalistes. Qualifier d'injuste le capitalisme et de justes les mesures anticapitalistes est parfaitement arbitraire car sans aucun rapport avec les effets de chacun de ces ensembles de politiques économiques.

La vérité est que ceux qui combattent le capitalisme en tant que système contraire aux principes de la moralité et de la religion ont adopté sans esprit critique et le coeur léger toutes les leçons économiques proférées par les socialistes et les communistes. Ils attribuent, comme les marxistes, tous les maux — crises économiques, chômage, pauvreté, crime et de nombreux autres — à l'action du capitalisme et tous les bienfaits — niveau de vie plus élevé des pays capitalistes, progrès technique, baisse des taux de mortalité infantile, etc. — à l'action du gouvernement et des syndicats. Ils ont embrassé sans le savoir les principes du marxisme, moins son athéisme — purement accessoire. Cette démission de l'éthique philosophique et de la religion devant les enseignements anticapitalistes est le plus grand triomphe de la propagande socialiste et interventionniste. Elle va certainement rabaisser l'éthique philosophique et la religion à de simples auxiliaires des forces visant à détruire la civilisation occidentale. En disant que le capitalisme est injuste et en déclarant que son abolition instaurera la justice, les moralistes et les ecclésiastiques rendent un service inestimable à la cause des socialistes et des interventionnistes et les soulagent de leur plus grand embarras : l'impossibilité de réfuter la critique économique de leurs plans par le raisonnement discursif.

Il faut répéter qu'aucun raisonnement reposant sur les principes de l'éthique philosophique ou de la foi chrétienne ne peut rejeter comme fondamentalement injuste un système économique qui réussit à améliorer la condition matérielle de tout le monde et attribuer l'épithète "juste" à un système qui tend à répandre la pauvreté et la famine. L'évaluation d'un système économique doit se faire par une analyse consciencieuse de ses effets sur le bien-être de la population, et non en en appelant à un concept arbitraire de justice qui néglige de tenir pleinement compte de ces effets.

 

Notes

[*] La Kulturkampf fait référence à une lutte contre l'ultramontanisme sous Bismarck. NdT.

[**] Mises emploie ici le terme "likelihood" pour l'opposer à celui de "probability". Cf. plus haut.

[1]. Lénine, State and Revolution (New York, International Publishers, 1932), pp. 83 et suivante [L'État et la révolution, Chapitre V, point 4 : "Phase supérieure de la société communiste"].

[2] Nous n'avons pas besoin de rentrer dans la querelle sur la question de savoir si Copernic était allemand ou polonais. Voir, Mises, Omnipotent Gouvernement, p. 15 [Le Gouvernement omnipotent]. (Notons au passage que Copernic avait aussi écrit un ouvrage de théorie monétaire. NdT)


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