Planifier la liberté et autres essais

Traduction des articles du recueil Planning For Freedom, and sixteen other essays and adresses,

Quatrième édition publiée par Libertarian Press.

par Ludwig von Mises

traduit par Hervé de Quengo

Essai 11 : L'enseignement économique dans les universités

The Freeman, 7 avril 1952

 

Il y a quelques années, une sous-commission de la Chambre des députés concernant la publicité et la propagande des services de l'exécutif, sous la présidence du député Forest A. Harnes, étudia les opérations de propagande fédérale. La commission eut un jour comme témoin un médecin employé par le gouvernement. Quand on lui demanda si ses discours publics prononcés à travers le pays présentaient les deux thèses du débat portant sur le système d'assurance maladie nationale obligatoire, ce témoin répondit : "Je ne vois pas ce que vous voulez dire par les deux thèses".

Cette réponse naïve éclaire l'état d'esprit des gens qui se disent fièrement intellectuels progressistes. Ils n'imaginent simplement pas qu'on puisse avancer le moindre argument contre les divers projets qu'ils proposent. Pour eux, tout le monde doit soutenir sans se poser de questions tout projet visant à encore plus de contrôle gouvernemental sur tous les aspects de la vie et du comportement des citoyens. Ils n'essaient jamais de réfuter les objections faites à l'encontre de leurs doctrines. Ils préfèrent, comme Mme Eleanor Roosevelt l'a fait dans un récente article, traiter de malhonnêtes les gens avec lesquels ils sont en désaccord.

De nombreux citoyens éminents tiennent les institutions scolaires pour responsables de la diffusion de ce sectarisme. Ils critiquent sévèrement la façon dont l'économie, la philosophie, la sociologie, l'Histoire et les sciences politiques sont enseignées dans la plupart des universités et collèges américains. Ils accusent de nombreux professeurs d'endoctriner leurs étudiants avec les idées de la planification intégrale, du socialisme et du communisme. Certains accusés essaient de nier toute responsabilité. D'autres, comprenant la futilité de ce mode de défense, crient à la "persécution" et à la transgression de la "liberté de l'enseignement".

Cependant, ce qui n'est pas satisfaisant dans la situation universitaire actuelle — non seulement aux États-Unis mais dans la plupart des nations étrangères — n'est pas le fait que de nombreux enseignants acceptent de façon aveugle les erreurs de Veblen, Marx et Keynes et essaient de convaincre leurs étudiants qu'aucune objection ne peut être faite à l'encontre de ce qu'ils appellent des politiques progressistes. Le mal se voit plutôt dans le fait que les affirmations de ces enseignants ne soient pas contestées par la moindre critique au sein de la sphère universitaire. Les pseudo-libéraux ["liberals" voulant dire "de gauche" aux États-Unis, NdT.] monopolisent les postes d'enseignement dans de nombreuses universités. Seuls ceux qui sont d'accord avec eux sont nommés à des postes de professeurs et de maîtres-assistants dans le domaine des sciences sociales, et seuls les manuels soutenant leurs idées sont utilisés. La question essentielle n'est pas de savoir comment se débarrasser d'enseignants stupides et de mauvais manuels. Elle est de savoir comment donner aux étudiants l'occasion d'entendre quelque chose sur les idées des économistes qui rejettent les principes des interventionnistes, des inflationnistes, des socialistes et des communistes.

1. Les méthodes des enseignants "progressistes"

Illustrons ce sujet en étudiant un livre récemment publié. Un professeur de Harvard édite, avec le soutien d'un comité consultatif dont les membres sont tous comme lui professeur d'économie à Harvard, une série de cours, intitulée "Economics Handbook Series". Dans cette collection, on trouve un volume traitant du socialisme. Son auteur, Paul M. Sweezy, commence sa préface en déclarant que le livre "est écrit du point de vue d'un socialiste". Le directeur de la collection, le professeur Seymour E. Harris, va un peu plus loin dans son introduction en disant que le point de vue de l'auteur "est plus proche du groupe qui détermine la politique soviétique que de celui qui tient aujourd'hui [1941] entre ses mains les rênes du gouvernement britannique." C'est une présentation clémente pour dire que le volume est de la première à la dernière page un panégyrique dépourvu d'esprit critique du système soviétique.

Le Docteur Sweezy a certes parfaitement le droit d'écrire un tel livre et des professeurs de l'éditer et de le publier. Les États-Unis sont un pays libre — un des rares pays libre restant dans le monde — et la Constitution ainsi que ses amendements donne à tout le monde le droit de penser comme il le veut et de publier ce qu'il pense. Sweezy a en fait sans le vouloir rendu un grand service au public doué de discernement. Car son volume montre clairement à tout lecteur intelligent et connaissant l'économie que les plus éminents défenseurs du socialisme ne savent plus quoi dire, ne savent plus comment avancer le moindre argument convaincant en faveur de leurs principes et sont totalement incapables de réfuter une seule des objections sérieuses qu'on leur fait.

Mais le livre n'est pas destiné aux savants perspicaces, bons connaisseurs des sciences sociales. Il est écrit, comme le souligne l'introduction des éditeurs, pour le grand public, en vue de populariser les idées, et aussi plus particulièrement pour être utilisé dans les salles de classe. Les profanes et les étudiants qui ne savent rien ou très peu de choses des problèmes traités tireront tout leur savoir sur le socialisme de ce livre. Ils ne sont pas assez familiers des théories et des faits qui leur permettraient de se faire une opinion personnelle indépendante sur les différentes doctrines présentées par l'auteur. Ils accepteront toutes ses thèses et toutes ses descriptions comme étant la science et la sagesse indiscutables. Comment pourraient-ils être suffisamment présomptueux pour douter de la fiabilité d'un livre écrit, comme le dit l'introduction, par une "autorité" du domaine et patronné par un comité de professeurs de cette vénérable institution qu'est Harvard !

Le défaut de ce comité ne vient pas du fait qu'il ait publié un tel livre, mais du fait que leur série ne contient que ce livre sur le socialisme. S'ils avaient, en même temps que le livre du docteur Sweezy, publié un autre volume analysant de manière critique les idées communistes et les réalisations des gouvernements socialistes, personne ne pourrait les accuser de propager le communisme. La décence aurait dû les pousser à donner aux critiques du socialisme et du communisme la même chance qu'au Dr. Sweezy de présenter leur points de vue aux étudiants des universités et des collèges.

A chaque page du livre du Dr. Sweezy, on trouve des affirmations réellement surprenantes. Ainsi, en traitant du problème des droits civiques dans un régime socialiste, il met sur le même pied la Constitution soviétique et la Constitution américaine. Les deux, selon lui, sont

généralement considérées comme la formulation d'idéaux qui devraient guider les actions de l'État et du citoyen individuel. Que ces idéaux ne se soient pas toujours montrés à la hauteur des espérances — soit en Union soviétique soit aux États-Unis — est certainement à la fois vrai et important. Mais cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas ou qu'ils puissent être ignorés, encore moins qu'ils puissent être transformés en leur contraire.

Même en laissant de côté la plupart de ce qui peut être avancé pour détruire ce raisonnement, il faut comprendre que la Constitution américaine n'est pas seulement un idéal mais la loi en vigueur dans le pays. Pour empêcher qu'elle reste lettre morte, il existe une justice indépendance avec la Cour suprême à son sommet. Sans un tel gardien de la loi et de la législation, toute loi peut être et est ignorée ainsi que transformée en son contraire. Le Dr. Sweezy n'a-t-il jamais pris conscience de cette nuance ? Croit-il vraiment que les millions d'individus languissant dans les prisons et camps de travail soviétiques peuvent invoquer l'Habeas corpus ?

Répétons-le : le Dr. Sweezy a le droit — précisément parce que déclaration de droits américaine n'est pas uniquement un idéal mais aussi la loi en vigueur — de transformer chaque fait en son contraire. Mais les professeurs qui distribuent de telles louanges aux soviétiques devant leurs étudiants sans les informer des idées des adversaires du socialisme ne doivent pas crier à la chasse aux sorcières quand ils sont critiqués.

Le professeur Harris affirme dans son introduction que "ceux qui craignent l'influence excessive de ce volume peuvent se réjouir d'un manuel à paraître, dans cette collection, sur le capitalisme et écrit par quelqu'un d'aussi attaché à l'initiative privée que le Dr. Sweezy l'est au socialisme." Ce volume, écrit par le professeur David McCord Wright de l'Université de Virginie, a été publié entre-temps. Il traite aussi de façon secondaire du socialisme et essaie de réfuter certaines erreurs socialistes mineures, telle que la doctrine de l'élimination de l'État, que même les auteurs soviétiques les plus fanatiques ont aujourd'hui reléguée à un rang insignifiant. Mais cela ne peut certainement pas être considéré comme un substitut satisfaisant, voire comme un substitut tout court, à un examen critique de l'ensemble des idées socialistes et communistes et de l'échec lamentable des toutes les expériences socialistes.

Certains enseignants essaient de réfuter les accusations d'intolérance idéologique lancées contre leurs universités et essaient de démontrer leur propre impartialité en invitant à l'occasion un dissident à s'adresser devant leurs étudiants. Ce n'est que poudre aux yeux. Une heure d'économie sérieuse contre plusieurs années d'endoctrinement par des erreurs ! L'auteur de ces lignes peut citer une lettre où il déclinait une telle invitation :

Ce qui ne me permet pas de présenter le fonctionnement de l'économie de marché en une ou plusieurs brèves conférences — que ce soit cinquante minutes ou deux fois cinquante minutes — est le fait que les gens, influencés par les idées dominantes en matière économique, sont remplis d'idées erronées sur ce système. Ils sont convaincus que les dépressions économiques, le chômage de masse, le monopole, l'impérialisme agressif et les guerres, ainsi que la pauvreté de la majorité de l'humanité, sont causés par le fonctionnement libre du mode de production capitaliste.

Si un conférencier ne dissipe pas chacun de ces dogmes, l'impression qu'il laisse à l'auditoire n'est pas satisfaisante. Or, réfuter le moindre d'entre eux réclame bien plus de temps que vous ne m'en accordez dans votre programme. Les auditeurs penseront : "Il ne parle pas du tout de ceci" ou "Il n'a fait que quelques remarques fortuites sur cela" Ma conférence les conforterait plutôt dans leur mauvaise compréhension du système. [...] S'il était possible d'exposer le fonctionnement du capitalisme en un ou deux petits discours, ce serait une perte de temps que de garder les étudiants en économie pendant plusieurs années dans les universités. Il serait difficile d'expliquer pourquoi de volumineux manuels doivent être écrits sur ce sujet. [...] Ce sont ces raisons qui m'oblige à décliner à regret votre aimable invitation.

2. La prétendue impartialité des universités

Les enseignants pseudo-progressistes défendent leur politique consistant à barrer l'accès aux postes d'enseignement à ceux qu'ils insultent en les traitant de réactionnaires ringards sous prétexte que ces derniers seraient partiaux.

Parler de partialité est assez déplacé quand l'accusateur n'est pas en position de démontrer clairement en quoi consistent les défauts de la doctrine de l'auteur calomnié. La seule chose qui compte est de savoir si une doctrine est juste ou fausse. Et il faut l'établir par des faits et par le raisonnement déductif. Si aucun argument défendable ne peut être avancé pour invalider une théorie, cela n'enlève rien à sa justesse de traiter son auteur de tous les noms. Si, d'un autre côté, la fausseté d'une doctrine a déjà été clairement démontrée par une chaîne de raisonnement irréfutable, il n'est nul besoin de dire que son auteur est partial.

Un biographe peut essayer d'expliquer les erreurs clairement réfutées de la personne sur laquelle il écrit en les faisant remonter à un parti pris. Mais une telle interprétation psychologique est sans importance lors de discussions concernant la justesse ou la fausseté d'une théorie. Les professeurs qui disent que ceux avec lesquels ils sont en désaccord sont partiaux ne font que confesser leur incapacité à découvrir une faute dans les théories de leurs adversaires.

De nombreux professeurs "progressistes" ont servi pendant un temps dans l'une des diverses agences gouvernementales. Les tâches qui leur étaient confiées dans ces services étaient en règle générale seulement auxiliaires. Ils compilaient des statistiques et écrivaient des notes que leurs supérieurs, politiciens ou anciens directeurs de sociétés commerciales, classaient sans les lire. Les professeurs n'insufflaient pas l'esprit scientifique dans ces services. Mais les services leur inculquaient la mentalité de l'autoritarisme. Ils se méfiaient du peuple et considéraient l'État (avec une grande majuscule) comme le gardien, envoyé par Dieu, des pauvres sous-fifres. Seul le gouvernement est impartial et sans préjugés. Quiconque est opposé à l'accroissement des pouvoirs du gouvernement est de ce fait démasqué comme ennemi du bien public. Il est évident qu'il "déteste" l'État.

Or, si un économiste est opposé à la socialisation des industries cela ne veut pas dire qu'il "déteste" l'État. Il affirme simplement que le bien public est mieux servi par la propriété privée des moyens de production que par la propriété publique. Personne ne peut prétendre que l'expérience des entreprises nationalisées contredit cette idée.

Un autre préjugé typiquement bureaucratique que les professeurs acquièrent à Washington consiste à parler de "négativisme" à propos des attitudes de ceux qui sont opposés aux contrôles gouvernementaux et à la mise en place de nouveaux services du gouvernement. A la lumière de cette terminologie, tous les succès du système américain d'entreprise individuelle ne seraient que "négatifs" ; seuls les services du gouvernement seraient "positifs".

Il y a, de plus, la fausse antithèse "plan ou pas de plan". Seule la planification totalitaire du gouvernement, qui réduit les citoyens à de simples pions dans les projets de la bureaucratie est appelée planification. Les plans de citoyens individuels ne sont pas des plans. Drôle de sémantique !

3. Comment on enseigne l'Histoire moderne

L'intellectuel progressiste considère le capitalisme comme le plus affreux de tous les maux. L'humanité, prétend-il, vivait de façon plutôt heureuse au bon vieux temps. Mais alors, comme le dit un historien britannique, la révolution industrielle "tomba comme la guerre ou la peste" sur la population. La "bourgeoisie" transforma l'abondance en pénurie. Quelques gros hommes d'affaires jouissaient de tout le luxe. Alors que, comme Marx lui-même l'observa, l'ouvrier "descend toujours plus bas" parce que la bourgeoisie "est incapable d'assurer l'existence de son esclave dans le cadre de son esclavage".

Pires encore seraient les effets intellectuels et moraux du mode de production capitaliste. Or il n'y a qu'un moyen, croit le progressiste, de libérer l'humanité de la misère et de la déchéance engendrées par le laissez-faire et l'individualisme impitoyable, à savoir d'adopter la planification centralisée, le système que les Russes ont expérimenté avec succès. Il est vrai que les résultats obtenus par les soviétiques ne sont pas encore totalement satisfaisants. Mais ces défauts n'étaient causés que par les conditions particulières de la Russie. L'Occident évitera les embûches des Russes et réalisera l'État-providence sans les caractéristiques purement accidentelles qui l'ont défiguré en Russie et dans l'Allemagne hitlérienne.

Telle est la philosophie enseignée dans la plupart des écoles actuelles et propagée dans les romans et les pièces de théâtre. C'est cette doctrine qui guide les actions de presque tous les gouvernements contemporains. Le "progressiste" américain se sent honteux de ce qu'il appelle le retard de son pays. Il considère comme un devoir des États-Unis d'aider sans compter les gouvernements socialistes étrangers afin de leur permettre de continuer leurs ruineuses aventures socialistes. A ses yeux le véritable ennemi du peuple américain est le Grande Capital, c'est-à-dire les entreprises qui fournissent à l'Américain ordinaire le niveau de vie le plus élevé jamais atteint dans l'Histoire. Il salue comme un progrès chaque pas effectué dans la direction du contrôle intégral de l'industrie. Il traite de réactionnaires, de royalistes économiques et de fascistes ceux qui font allusion aux effets nuisibles du gaspillage, du déficit budgétaire et de la décumulation du capital. Il ne mentionne jamais les produits nouveaux ou améliorés que l'industrie rend accessibles aux masses presque chaque année. Mais il s'extasie sur les réalisations plutôt discutables de la Tennessee Valley Authority, dont le déficit est comblé par les impôts payés par le Grand Capital.

Les partisans les plus entichés de cette idéologie se trouvent dans les départements d'histoire, de sciences politiques, de sociologie et de littérature. Les professeurs de ces départements jouissent de l'avantage, en discutant des questions économiques, de parler d'un sujet qu'ils ne connaissant pas du tout. Ceci est particulièrement flagrant dans le cas des historiens. La façon dont on a traité l'histoire des deux cents dernières années est véritablement un scandale. Ce n'est que récemment que d'éminents savants ont commencé à dévoiler les erreurs grossières de Lujo Brentano, des Webbs, des Hammonds, de Tawney, d'Arnold Toynbee, d'Élie Halévy, des Beards et d'autres auteurs. Au cours de la dernière réunion de la Société du Mont Pèlerin, le titulaire de la chaire d'histoire économique de la London School of Economics, le professeur T.S. Ashton, a présenté un papier où il soulignait que les idées communément acceptées sur les développements économiques du dix-neuvième siècle "ne montrent pas la moindre lueur de sens économique." Les historiens ont dénaturé les faits quand ils concoctèrent la légende selon laquelle "la forme dominante d'organisation dans le cadre du capitalisme industriel, à savoir l'usine, survint des demandes, non pas des gens ordinaires mais des riches et des dirigeants."

La vérité, c'est que la caractéristique du capitalisme était et est toujours la production de masse pour répondre aux besoins des masses. A chaque fois que l'usine, avec ses méthodes de production de masse à l'aide de machines électriques, prit place dans une nouvelle branche de la production, elle commença par des biens bon marché destinés à la grande masse. Les usines ne se tournèrent vers la production de marchandises plus raffinées et donc plus chères que plus tard, quand l'amélioration sans précédent qu'elles avaient engendrées en ce qui concerne le niveau de vie des masses permettait d'appliquer également les méthodes de production de masse à des articles de meilleur qualité. La grande industrie pourvoit aux besoins du grand nombre. Elle dépend exclusivement de la consommation de masse. En sa qualité de consommateur, l'homme de la rue est le souverain qui, en achetant ou en n'achetant pas, décide du destin des activités entrepreneuriales. Le "prolétaire" est le client dont on parle tant et qui a toujours raison.

La méthode la plus populaire pour dénigrer le capitalisme est de le rendre responsable de toute chose jugée insatisfaisante. La tuberculose et, jusqu'à il y a quelques années, la syphilis, étaient appelées maladies du capitalisme. La misère de plusieurs millions d'individus dans des pays comme l'Inde, qui n'a pas adopté le capitalisme, est de la faute du capitalisme. Il est triste que les gens s'affaiblissent avec l'âge et finissent par mourir. Mais cela n'est pas seulement vrai pour les marchands. Il en est de même pour les employés et la situation n'était pas moins tragique dans les époques précapitalistes qu'elle ne l'est avec le capitalisme. La prostitution, l'alcoolisme et l'usage de drogue sont tous traités de vices capitalistes.

Quand on discute des prétendus méfaits des capitalistes, un éminent professeur ou un artiste sophistiqué parlent toujours des hauts revenus des stars de cinéma, des boxeurs et des catcheurs. Mais qui contribue le plus à ces revenus, les millionnaires ou les "prolétaires" ?

Il faut admettre que les pires excès de cette propagande ne sont pas commis par des professeurs d'économie mais par les enseignants des autres sciences sociales, par des journalistes, par des écrivains et même parfois par des ministres. Mais la source de tous les slogans de cet intense fanatisme se trouve dans les enseignements issus de l'École "institutionnaliste" de politique économique. On peut faire remonter tous ces dogmes et toutes ces erreurs à des doctrines prétendument économiques.

4. La proscription de la bonne économie

Les partisans de Marx, Keynes et Veblen ainsi que les autres "progressistes" savent très bien que leurs doctrines ne peuvent pas résister à l'analyse critique. Ils sont pleinement conscients du fait qu'un seul partisan de la bonne économie au sein de leur département détruirait tous leurs enseignements. C'est pourquoi ils tiennent beaucoup à interdire à tout "orthodoxe" l'accès aux bastions de leur "hétérodoxie".

La pire conséquence de cette proscription de la bonne économie est le fait que de jeunes diplômés doués évitent la carrière d'économiste universitaire. Ils ne veulent pas être boycottés par les universités, les critiques de livres et les maisons de publication. Ils préfèrent partir pour l'industrie ou être hommes de loi, là où leurs talents seront appréciés à leur valeur. C'est surtout ceux qui acceptent les compromis, qui ne veulent pas trouver les défauts des doctrines officielles, que l'on voit aspirer aux postes d'enseignement. Il reste peu d'hommes compétents pour prendre la place des éminents savants qui meurent ou qui partent à la retraite. Parmi la génération montante des maîtres-assistants, on voit mal de dignes successeurs à de économistes comme Frank A. Fetter et Edwin W. Kemmerer de Princeton, Irving Fisher de Yale et Benjamin M. Anderson de Californie.

Il n'y a qu'une façon de remédier à cette situation. Les véritables économistes doivent avoir les mêmes chances dans nos facultés que les défenseurs du socialisme et de l'interventionnisme. Ce n'est sûrement pas trop demander tant que ce pays n'est pas encore devenu totalitaire.

 


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