Liberté économique et interventionnisme

par Ludwig von Mises

traduit par Hervé de Quengo

 

41. La liberté est de retour

 

Allocution prononcée du meeting des Young Americans for Freedom, Madison Square Garden, 7 mars 1962.
Publié pour la première fois dans
The New Guard, mars 1962.

L'un des traits caractéristiques de la période qui a connu davantage d'effusions de sang, de guerres et de destructions qu'aucune autre auparavant était l'acceptation naïve de pronostics quasi prophétiques sur le cours de l'histoire future et les objectifs derniers de l'évolution de l'humanité. Dans le sillage de la philosophie hégélienne, Marx déclara qu'une puissance mystérieuse, jamais définie ou clairement décrite, appelée « forces matérielles de production » menait inévitablement les peuples vers la félicité d'un paradis terrestre éternel, vers le socialisme. Le socialisme, affirmait-il, transformerait de manière radicale toutes les questions humaines et terrestres. Dans son cadre il n'y aurait plus de besoin ou de souffrance. Travailler ne causerait pas de peine mais du plaisir et tout le monde obtiendrait tout ce dont il aurait besoin. Quel confort de savoir que l'avènement de ce état de choses parfait était inévitable !

Considéré du point de vue de ces fables, qui furent paradoxalement qualifiées de socialisme scientifique, le principal devoir de tout bon camarade était de combattre jusqu'à la mort les dissidents ne croyant pas au message marxiste et de se préparer à la vie au sein de l'utopie. Le rôle de l'éducation progressiste, annonçaient les experts, est d'adapter la génération montante aux conditions de leur futur milieu socialiste.

Il y a encore quelques années seulement les partisans de ces dogmes pouvaient penser avoir réussi dans cet effort pédagogique. Leurs innovations sémantiques étaient acceptées par presque tout le monde. Progrès voulait dire progrès sur la route menant au socialisme et toute tentative de préserver la liberté était qualifiée de réaction. « Pas d'ennemis à gauche » était un cri de bataille rapidement suivi par le slogan encore plus honteux : « Plutôt rouges que morts ».

Mais un miracle se produisit alors, le réveil du bon sens de personnes saines et honnêtes. Une opposition sortit des rangs des jeunes gens et des jeunes filles. Il y eut de nouveau sur les campus des amis de la liberté et ils eurent le courage de dire ce qu'ils pensaient. Le collectivisme fut remis en question par l'individualisme. La liberté n'était plus condamnée comme préjugé bourgeois, on n'insultait plus le gouvernement représentatif et constitutionnel ou l'État de droit en les traitant d'astucieux expédients inventés par quelques privilégiés pour opprimer le plus grand nombre. L'idée de liberté était de retour.

Il se trouve des sceptiques trop prudents qui nous demandent de ne pas attacher trop d'importance à ces histoires universitaires. Je pense que ces critiques ont tort. Le fait qu'un nouveau mouvement en faveur des grands idéaux de l'individualisme et de la liberté soit sorti de la jeunesse des collèges universitaires est certainement d'une importance souveraine. Le sortilège de l'épouvantable conformisme qui menaçait de transformer notre pays en un désert spirituel est brisé. Il existe de nouveau des jeunes gens et des jeunes filles pour réfléchir aux problèmes fondamentaux de la vie et de l'action. C'est une authentique résurrection morale et intellectuelle, un mouvement qui nous évitera d'être victime de la tyrannie arbitraire des dictateurs. En tant que vieil homme, je salue la jeune génération des libérateurs.


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