Le Chaos du planisme

Éditions Génin — Librairie de Médicis — Paris (1956)

par Ludwig von Mises

traduit par J.-P. Hamilius, Jr.

 

4. L'agressivité de la Russie

 

Les nationalistes allemands, italiens et japonais justifièrent leur politique agressive par leur manque d'espace vital. Leur pays sont relativement surpeuplés. Ils ont été pauvrement dotés par la nature et dépendent de l'importation de produits alimentaires et de matière premières. Pour payer ces importations, dont ils ont un besoin vital, ils doivent exporter des produits manufacturés. Mais la politique protectionniste pratiquée par les pays qui produisent un surplus de biens alimentaires et de matières premières ferme leurs frontières à l'importation de produits manufacturés. Il est manifeste que chaque nation du monde tend vers un état d'entière autarcie économique. Quel est, dans un monde pareil, le sort des nations qui ne peuvent ni nourrir, ni vêtir leurs citoyens avec leurs ressources domestiques ?

La doctrine de l'espace vital des peuples qui se plaisent à se nommer « les peuples n'ayant rien », s'appuie sur le fait qu'il y a en Amérique et en Australie des millions d'hectares de terres non cultivées et beaucoup plus fertiles que la terre stérile cultivée par les paysans des nations n'ayant rien. De même, les conditions naturelles pour industries minières et manufacturières y sont beaucoup plus favorables que dans les pays de ceux qui n'ont rien. Mais les paysans et les travailleurs allemands, italiens et japonais n'ont pas accès à ces régions si favorisées par la nature. Les lois d'immigration des pays relativement sous-peuplés empêchent leurs immigrations. Ces lois augmentent la productivité marginale du travail et par là même, les taux de salaire dans les pays surpeuplés. Le haut niveau de vie des États-Unis et des Dominions Britanniques est compensé par un abaissement du niveau de vie dans les pays surpeuplés d'Europe et d'Asie.

Selon les nationalistes allemands, italiens et japonais, les vrais agresseurs ce sont les nations qui, au moyen d'entraves contre le commerce et les migrations, se sont arrogé la part du lion dans les richesses naturelles de la terre. Le pape lui-même n'a-t-il pas déclaré que les causes principales des guerres mondiales sont « cet égoïsme froid et calculateur qui tend à amasser les ressources économiques et matérielles, destinées à être employées par tous, à un tel point que les nations moins favorisées par la nature n'ont pas la permission d'y accéder ? » 1. La guerre, déclenchée par Hitler, Mussolini et Hirohito, fut à ce point de vue une guerre juste, car son seul but était de donner à ceux qui n'avaient rien ce qui leur appartient en vertu du droit naturel et divin.

Les Russes ne peuvent pas oser justifier leur politique agressive par de tels arguments. La Russie est un pays relativement sous-peuplé. Son sol a été mieux doté par la nature que celui de n'importe quelle autre nation. Il offre les conditions les plus avantageuses à la culture de toutes sortes de céréales, de fruits, de semences et de plantes. La Russie possède d'immenses pâturages et des forêts presque inépuisables. Elle a les ressources les plus riches pour la production de l'or, de l'argent, du platine, du fer, du cuivre, du nickel, du manganèse et de tous les autres métaux, ainsi que du pétrole. Sans le despotisme des czars et sans l'incompétence lamentable du système communiste, sa population pourrait, depuis longtemps, jouir du plus haut standard de vie. Ce n'est certainement pas le manque de ressources naturelles qui pousse la Russie vers la conquête.

L'agressivité de Lénine résultait de sa conviction qu'il était le chef de la révolution mondiale finale. Il se considérait comme le successeur légitime de la Première Internationale, destiné à accomplir la tâche dans laquelle Marx et Engels avaient échoué. Il ne croyait pas que son côté une action fût nécessaire pour accélérer l'avènement de la révolution. Le glas du capitalisme avait sonné et aucune machination capitaliste ne pouvait retarder plus longtemps l'expropriation des expropriateurs. Ce qui manquait seulement, c'était le dictateur du nouvel ordre social. Lénine était prêt à prendre le fardeau sur ses épaules.

Depuis le temps des invasions mongoles, l'humanité n'a pas eu à faire face à une aspiration aussi inébranlable et aussi résolue vers la suprématie mondiale illimitée. Dans tous les pays, les émissaires russes et les cinquièmes colonnes communistes travaillaient fanatiquement à l' « Anschluss » à la Russie. Mais Lénine ne possédait pas les quatre premières colonnes. A cette époque, les forces militaires russes étaient méprisables. Lorsqu'elles franchirent les frontières russes, elles furent arrêtées par les Polonais. Elles ne purent avancer plus loin en direction de l'ouest. La grande campagne pour la conquête du monde avait pris fin.

Ce n'étaient que des paroles en l'air que de discuter si le communisme était possible ou désirable dans un seul pays. Les communistes avaient subi un échec total au dehors des frontières russes. ils étaient forcés de rester chez eux.

Staline consacrait toute son énergie à l'organisation d'une armée permanente d'une étendue telle que le monde n'en avait jamais vu auparavant. Mais il n'obtint pas plus de succès que Lénine et Trotzky n'en avaient eu avant lui. Les nazis battirent facilement son armée et occupèrent la partie la plus importante du territoire russe. La Russie fut sauvée par les forces britanniques et surtout par les forces américaines. Le prêt-bail américain permit aux Russes de poursuivre sans arrêt les Allemands au moment où le manque d'équipement et la menace de l'invasion américaine forcèrent ceux-ci à se retirer de Russie. De temps en temps, les Russes purent même battre les arrière-gardes des nazis en retraite. Ils purent conquérir Berlin et Vienne, lorsque l'aviation américaine avait écrasé les défenses allemandes. Après que les Américains eurent écrasé les Japonais, les Russes pouvaient tranquillement leur mettre le poignard dans le dos.

Cependant, les communistes à l'intérieur et en dehors de la Russie ainsi que les « communisants » affirmaient passionnément que c'était la Russie qui avait vaincu les nazis et libéré l'Europe. Ils passaient sous silence le fait que les nazis n'avaient pu écraser les défenseurs de Stalingrad pour la seule raison qu'ils manquaient de munitions d'avions et d'essence. Ce fut le blocus qui mettait les nazis dans l'impossibilité de fournir à leurs armées l'équipement nécessaire et de construire dans le territoire russe occupé un système de transport qui aurait permis d'amener cet équipement au front le plus éloigné. La bataille de l'Atlantique fut la bataille décisive de la guerre. Les grands événements stratégiques de la guerre contre l'Allemagne furent la conquête de l'Afrique et de la Sicile ainsi que la victoire en Normandie. Comparée aux gigantesques exploits de cette guerre, a victoire de Stalingrad ne fut à peine plus qu'un succès tactique. Dans les combats contre les Italiens et les Japonais la part de la Russie fut nulle.

Mais les fruits de la victoire allaient à la Russie seule. Alors que les autres Nations Unies ne cherchaient nullement à agrandir leur territoire, les Russes s'y adonnaient éperdument. Ils ont annexé les trois républiques baltiques, la Bessarabie, la province de la Russie-Carpatique en Tchécoslovaquie 2, une partie de la Finlande, une grande partie de la Pologne et de gigantesques territoires en Extrême Orient. Ils revendiquent comme leur sphère d'influence exclusive le reste de la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Corée et la Chine. Ils s'efforcent d'établir et de soutenir dans ces pays des gouvernements « amis », c'est-à-dire des gouvernements de marionnettes. Si les États-Unis et la Grande-Bretagne ne s'y étaient pas opposés, ils gouverneraient aujourd'hui dans toute l'Europe continentale, dans toute l'Asie continentale et dans l'Afrique du Nord. Seules les garnisons militaires américaines et britanniques en Allemagne barrent aux Russes la route vers les rivages de l'Atlantique.

De nos jours, pas plus qu'après la première guerre mondiale, la vraie menace pour l'occident n'est pas la force militaire de la Russie. La Grande-Bretagne 3 pourrait repousser aisément une attaque russe et ce serait pure folie de la part des Russes que de vouloir entreprendre une guerre contre les États-Unis. Ce ne sont pas les armées russes, mais les idéologies communistes qui menacent l'occident. Les Russes ne le savent que trop bien et, de ce fait, ils ont pleine confiance non en leur propre armée, mais en leurs partisans étrangers. Ils désirent bouleverser les démocraties non de l'extérieur, mais de l'intérieur. Les machinations pro-russes de leurs cinquièmes colonnes sont leur arme principale et ces colonnes constituent les divisions de choc de bolchévisme.

Les écrivains et les politiciens communistes à l'intérieur et hors de la Russie expliquent la politique agressive de la Russie comme étant uniquement un moyen de défense. D'après eux, ce n'est nullement la Russie qui projette une agression, mais, au contraire, ce sont les démocraties capitalistes décadentes. La Russie ne désire que défendre sa propre indépendance. C'est une vieille méthode et bien éprouvée pour justifier les agressions. Louis XIV et Napoléon Ier, Guillaume II et Hitler ont été les hommes les plus paisibles. C'était uniquement dans le but de défendre leur pays qu'ils ont envahi des pays étrangers. La Russie était menacée autant par l'Esthonie ou la Lettonie que l'Allemagne l'avait été par le Luxembourg ou le Danemark.

La légende du cordon sanitaire a pris son origine dans cette fable de la propre défense. On prétend que l'indépendance politique des petits pays voisins de la Russie est uniquement un subterfuge capitaliste destiné à empêcher que les démocraties européennes ne soient infectées par les germes du communisme. De là on conclut que ces petites nations sont déchues de leur droit d'indépendance. Car la Russie a le droit inaliénable de revendiquer que ses voisins ainsi que les voisins de ses voisins — soient dirigés uniquement par des gouvernements « amis », c'est-à-dire strictement communistes. Que deviendrait le monde si toutes les grandes puissances venaient à faire valoir les mêmes prétentions ?

En réalité, ce ne sont pas les gouvernements des nations démocratiques qui visent à renverser le système russe actuel. Ils n'encouragent pas de cinquièmes colonnes en Russie et n'incitent pas les masses russes contre leurs gouvernements. Mais les Russes sont occupés nuit et jour à fomenter des troubles dans les pays.

L'intervention vraiment inefficace et hésitante des nations alliées dans la guerre civile russe n'était pas une entreprise pro-capitaliste et anti-communiste. Aux yeux des nations alliées, engagées dans leur combat de vie et de mort avec les Allemands, Lénine n'était à ce moment qu'un instrument de leurs ennemis mortels. Ludendorff avait envoyé Lénine en Russie afin que celui-ci renversât le régime de Kerensky et amenât la défection de la Russie. Les bolchévistes combattaient par la force des armes tous les Russes qui désiraient continuer l'alliance avec la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis et les autres nations démocratiques. Du point de vue militaire il était impossible aux nations occidentales de rester neutres alors que les alliés russes se défendaient désespérément contre les bolchévistes. Pour les nations alliées le front de l'est était en jeu. La cause des généraux « blancs » était leur propre cause.

A peine la guerre contre l'Allemagne fut-elle terminée en 1918 que les Alliés perdirent tout intérêt dans les affaires russes. On n'avait plus besoin d'un front à l'est. Ils ne s'inquiétaient pas le moins du monde des problèmes intérieurs de la Russie. Ils désiraient la paix et s'appliquaient à se retirer des combats. Ils étaient cependant bien embarrassés, parce qu'ils ne savaient pas comment liquider leur aventure avec élégance. Leurs généraux avaient honte d'abandonner des compagnons d'armes qui avaient combattu de leur mieux pour une cause commune. Laisser ces hommes dans l'embarras, c'était à leur avis que de la lâcheté et une désertion honteuse. Ces considérations d'honneur militaire retardaient pour quelque temps le retrait des détachements alliés peu importants et la cessation du ravitaillement des blancs. Cela étant accompli à la longue, les hommes d'État alliés se sentaient soulagés. A partir de maintenant ils adoptèrent à l'égard des affaires russes une politique de stricte neutralité.

Ce fut en effet un vrai malheur que les nations alliées eussent été mêlées de gré ou de force à la guerre civile russe. Il aurait mieux valu que la situation militaire de 1917 et de 1918 ne les eût pas forcées d'intervenir. Mais il ne faut pas perdre de vue le fait que l'abandon de l'intervention en Russie équivalait à l'échec final de la politique du président Wilson. Les États-Unis étaient entrés en guerre afin « de faire du monde un lieu sûr pour la démocratie ». La victoire avait écrasé le Kaiser et substitué à l'autocratie impériale relativement douce et limitée un gouvernement républicain. D'autre part, elle avait amené en Russie l'établissement d'une dictature en comparaison de laquelle le despotisme des czars pouvait passer pour libéral. Mais les Alliés ne s'empressèrent pas de faire de la Russie un lieu sûr pour la démocratie comme ils avaient essayé de le faire pour l'Allemagne. Après tout, l'Allemagne du Kaiser avait des parlements, des ministres responsables aux parlements, des cours d'assises, une liberté de pensée, de religion et de presse à peine moins grande qu'à l'occident et beaucoup d'autres institutions démocratiques. Mais la Russie soviétique représentait un despotisme illimité.

Les Américains, les Français et les Anglais avaient manqué de considérer les choses sous cet angle de vue. Mais les forces antidémocratiques en Allemagne, en Italie, en Pologne, en Hongrie et dans les Balkans avaient des idées différentes. telles qu'elle fut interprétée par les nationalistes de ces pays, la neutralité des forces alliées à l'égard de la Russie prouvait que le souci qu'ils semblaient porter à la démocratie n'était qu'un masque. Et ces nationalistes de conclure que les Alliés avaient combattu l'Allemagne parce qu'ils enviaient à l'Allemagne sa prospérité économique et qu'ils ménageaient la nouvelle autocratie russe, parce qu'ils ne craignaient pas la puissance économique russe. En conséquence, ces nationalistes furent convaincus que la démocratie n'était pas plus qu'un grand mot pratique pour tromper des hommes crédules. Et ils redoutaient que l'attrait affectif de ce slogan ne servît un jour à camoufler des assauts insidieux contre leur propre indépendance.

Depuis que les grandes puissances occidentales avaient abandonné leur intervention, la Russie n'avait plus de raison de les craindre. Les soviets de même n'avaient pas peur d'une agression nazie. Les affirmations contraires, très en vogue en Europe occidentale et en Amérique, résultèrent d'une ignorance complète des affaires allemandes. Mais les Russes connaissaient l'Allemagne et les nazis. Ils avaient lu Mein Kampf. De ce livre ils apprenaient que Hitler convoitait l'Ukraine et que son idée stratégique fondamentale était de ne se lancer à la conquête de la Russie qu'après avoir anéanti définitivement et pour toujours la France. Les Russes étaient convaincus que Hitler s'était trompé dans Mein Kampf et qu'il espérait en vain que la Grande-Bretagne et les États-Unis se tiendraient hors de la guerre et permettraient tranquillement que la France fut détruite. D'après eux, il ne faisait pas de doute qu'une telle guerre mondiale nouvelle, dans laquelle ils avaient l'intention de demeurer neutres, se terminerait par une nouvelle défaite allemande. Et de là ils concluaient que cette défaite rendrait toute l'Allemagne — et éventuellement toute l'Europe — mûre pour le bolchévisme. Guidé par cette opinion, Staline soutenait déjà au temps de la république de Weimar le réarmement, alors secret, de l'Allemagne. Les communistes allemands aidaient les nazis, autant qu'ils le pouvaient, dans leurs efforts pour ruiner le régime de Weimar. En août 1939, Staline adhéra finalement à une alliance ouverte avec Hitler afin de lui donner main libre contre l'ouest.

Staline — comme tous les autres gens — n'avait pas prévu le succès foudroyant des armées allemandes en 1940. En 1941, Hitler attaquait la Russie parce qu'il était pleinement convaincu que la Grande-Bretagne tout comme la France étaient à bout et que les États-Unis menacés dans leur dos par le japon, ne seraient pas assez forts pour intervenir dans les affaires européennes.

La désintégration de l'empire des Habsbourg en 1918 et la défaite nazie en 1945 ont ouvert les portes de l'Europe à la Russie. De nos jours, la Russie est la seule puissance militaire du continent européen. Mais pourquoi les Russes s'acharnent-ils tellement à conquérir et à l'annexer ? Ils n'ont certainement pas besoin des ressources de ces pays. De même, Staline n'était pas mû par l'idée que de telles conquêtes pourraient accroître sa popularité auprès des masses russes. Ses sujets étaient différents à l'égard de la gloire militaire.

Ce ne sont pas les masses que Staline désirait concilier par sa politique agressive, mais ce sont les intellectuels. Car leur orthodoxie marxiste, le vrai fondement de la puissance soviétique, était en jeu.

Ces intellectuels marxistes avaient l'esprit assez étroit pour absorber des modifications de la foi marxiste qui étaient en réalité un abandon des théories essentielles du matérialisme dialectique, du moment que ces modifications flattaient leur chauvinisme russe. Ils avalèrent la doctrine que leur sainte Russie pouvait franchir d'un bond l'une des étapes indispensables de l'évolution économique décrite par Marx. Ils s'enorgueillirent d'être l'avant-garde du prolétariat et de la révolution mondiale, avant-garde qui, en réalisant le socialisme d'abord dans un pays seulement, était un exemple glorieux pour toutes les autres nations. Mais il est impossible de leur expliquer pourquoi les autres nations ne rejoignent pas finalement la Russie. Dans les écrits de Marx et d'Engels que l'on ne peut pas leur enlever, ces intellectuels découvrent que les pères du marxisme avaient considéré la Grande-Bretagne et la France, et même l'Allemagne, comme les pays les plus avancés au point de vue de la civilisation et de l'évolution du capitalisme. Ces étudiants des universités marxistes sont peut-être trop bornés pour comprendre les doctrines philosophiques et économiques de l'évangile marxiste. Mais ils ne sont pas trop bornés pour voir que Marx considérait ces pays occidentaux comme plus avancés que la Russie.

Quelques-uns de ces étudiants de politique économique et de statistique commencent ensuite à soupçonner que le niveau de vie des masses est plus élevé dans les pays capitalistes que dans leur propre pays. Comment expliquer cela ? POurquoi les conditions sont-elles beaucoup plus avantageuses aux États-Unis qui, — bien que les premiers dans le domaine de la production capitaliste — sont les plus arriérés pour ce qui est du réveil de la conscience de classe des prolétaires ?

On ne peut pas échapper aux déduction qui résultent de ces faits. Si les pays les plus avancés n'adoptent pas le communisme et se portent assez bien sous le capitalisme, si le communisme se limite à un pays que Marx considérait comme arriéré et ne produit pas des richesses pour tous, n'en faut-il pas conclure que le communisme est une caractéristique des pays arriérés et qu'il aboutit à la pauvreté générale. Un patriote russe ne doit-il pas avoir honte que son pays se soit voué à ce système ?

De telles pensées sont très dangereuses dans un pays despotique. Quiconque oserait les exprimer, serait liquidé sans merci par la G.P.U. Mais même inexprimés, ces pensées se présentent nécessairement à l'esprit des hommes intelligents. Elles troublent le sommeil des fonctionnaires supérieurs et peut-être même celui du grand dictateur. La police a sans doute la puissance d'écraser chaque adversaire. Mais des considérations d'opportunité ne permettent pas d'exterminer toutes les personnes quelque peu judicieuses et de gouverner le pays seulement avec de stupides imbéciles.

Voilà la vraie crise du marxisme russe. Chaque journée qui passe sans amener la révolution mondiale ne fait que l'aggraver. Les soviets doivent conquérir le monde, sinon ils sont menacés par une défection de « l'intelligentsia ». C'est le souci que lui cause la situation idéologique de ses esprits les plus intelligents qui pousse la Russie communiste vers les continuelles agressions.

 


Notes

1. Christmas Eve Broadcast, New York Times, 25 décembre 1941.

2. L'annexion de la Russie-Carpathique dément étrangement leur indignation hypocrite au sujet des accords de Munich de 1938.

3. Note du traducteur [1956] : Lorsqu'en 1947 parut la version américaine de cet ouvrage, il n'était pas encore question d'un réarmement de l'Allemagne occidentale, réarmement qui, à l'heure actuelle, inquiète fortement les dirigeants soviétiques.


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