Guide à travers les panacées économiques

Publié en 1938 par la Librairie de Médicis

par Fritz Machlup

traduit par Mme R. Hadekel

Chapitre XI — Économiser ou consommer

 

"Tant que les hommes ne retournent pas à l'épargne, l'économie ne peut pas se rétablir. Épargner davantage, voilà qui est urgent."

"Tant que les hommes ne parviennent pas à augmenter la consommation, l'économie ne peut pas se rétablir. Consommer davantage, voilà qui est urgent."

Ces deux thèses, qui sont diamétralement opposées, sont prêchées tous les jours, sous toutes les formes possibles, à la population du monde entier, et les hommes inclinent probablement la tête pour montrer qu'ils sont d'accord avec toutes les deux. Épargner veut dire renoncer à la possibilité de consommer, c'est-à-dire ne pas consommer. Ou bien consommer — ou bien économiser. Épargner davantage, c'est consommer moins, consommer davantage, c'est épargner moins. Par conséquent, l'une de ces deux thèses au moins doit être fausse.

Il est vrai qu'il y a une troisième thèse, qui pourrait peut-être concilier les deux formules contradictoires : travailler davantage. Celui qui travaille davantage peut consommer le rendement plus élevé de son travail, sans économiser moins ; ou bien, il peut mettre de côté ce rendement plus élevé, sans restreindre sa consommation. Mais ce n'est pas cela qu'on veut dire ; les deux formules ne se rapportent pas à un surcroît de travail, mais au rendement de la production tel qu'il existe. L'une prêche l'augmentation de l'épargne, l'autre — celle de la consommation. dans les conditions de travail et de production données. Il est donc nécessaire d'examiner ce problème.

A. Le capital dans la production

Il faut d'abord se rendre compte de ce que l'épargne signifie pour la production. Chacun sait que le processus de la production nécessite une quantité d'outils, de machines, d'accessoires et de produits semi-finis. Toutes ces choses — que l'on appelle biens de capital — ont été fabriquées autrefois pour servir aujourd'hui. De même, une grande partie de l'ensemble de nos forces productrices est consacrée non pas à la production de biens qui seront consommés demain, mais à la fabrication d'outils, de machines, de produits semi-finis, qui serviront seulement dans un avenir bien plus lointain. Nous ne produisons que relativement peu pour la consommation immédiate, nous ne vivons pas au jour le jour, mais nous produisons "indirectement", c'est-à-dire que nous créons d'abord les outils et auxiliaires pour la production ultérieure, qui ne fournira les biens dont il s'agit en fin de compte qu'après plusieurs étapes de production et après un laps de temps très long. Pourquoi faisons-nous cela ? Pourquoi utilisons-nous maintenant les résultats du travail du passé et pourquoi consacrons-nous une grande partie de notre travail actuel à un avenir lointain ? Parce que la production par voie indirecte, c'est-à-dire la production qui se sert des moyens fabriqués d'avance, a un plus grand rendement matériel. Plus on emploie d'outils, plus le travail humain est fécond. Mais pour fabriquer les outils, il faut enlever du travail à la production des "biens de consommation immédiate". Plus on veut fabriquer d'outils, plus il faut enlever de forces humaines et de forces naturelles à la production de biens destinés à être consommés aujourd'hui, demain, et après-demain, et cela n'est possible qu'à condition de renoncer à la consommation correspondante d'aujourd'hui et de l'avenir immédiat.

En renonçant à la consommation dans le présent nous permettons aux forces humaines et naturelles de fabriquer des moyens de production qui serviront dans un avenir plus éloigné. Dans une économie monétaire les choses se passent ainsi : quelqu'un économise et investit une partie de ses revenus, au lieu de l'employer à l'achat de produits de consommation ; il le fait, soit en employant lui-même cet argent — ce "capital" — aux fins de la production, soit en le prêtant indirectement, par l'intermédiaire des banques, des caisses d'épargne, ou des courtiers à ceux qu'on appelle les entrepreneurs et qui s'en servent pour produire les "biens futurs".

Quand quelqu'un fait des économies et investit ensuite, l'écoulement des produits de consommation diminue, mais la demande de moyens de fabrication augmente. (On parle de "prolongation des détours de la production", qui élèvent le rendement.) Du fait de l'épargne on occupe moins d'ouvriers à la fabrication de biens de consommation immédiate, mais on occupe davantage à la fabrication de moyens de production et de produits semi-finis. L'argent économisé pour engager la production dans une voie particulièrement fertile. L'épargne et l'emploi de l'argent économisé dans le processus de la production s'appelle la "formation des capitaux".

Quand on travaille avec un riche outillage et avec des moyens de production dus aux capitaux accumulés dans le passé, on ne peut se maintenir au même niveau de la production qu'en remplaçant petit à petit toutes les choses usées et détériorées. Cela s'appelle le maintien des capitaux. Une grande partie des forces productrices disponibles doit servir perpétuellement à l'entretien du matériel. Si l'on voulait employer une partie de ces forces productrices à la fabrication des biens de consommation destinés à l'avenir proche ou immédiat, on ne pourrait plus maintenir le capital. Et pour traduire cela dans le langage monétaire : l'usufruitier des biens de production doit mettre de côté une partie de l'argent qu'il touche pour ses produits, et la consacrer au maintien du capital. Cela s'appelle l'amortissement du capital, et c'est à cela que servent les "décomptes" et les "réserves de renouvellement" qui figurent dans le comptabilité des entreprises. Quand on n'amortit pas suffisamment, quand on consacre une trop grande part des bénéfices à l'achat des biens de consommation, on pratique "la consommation du capital". cette consommation du capital entraîne graduellement une altération de l'équipement industriel, et par là une diminution des possibilités d'approvisionnement. En outre, la consommation du capital gêne le processus de la production, parce qu'elle amène une interruption au milieu de l'étape donnée de la production (diminution de la production, raccourcissement des détours de la production).

Si chacun se mettait tout à coup à dépenser la majeure partie de l'argent dont il dispose, pour consommer davantage, cela ne serait possible qu'à condition de laisser "travailler" moins d'argent dans les entreprises industrielles. On enlève de l'argent à la production ; c'est ce qui se passe quand l'entrepreneur ne peut réinvestir dans son entreprise qu'une partie moins grande de ses bénéfices. Mais cela signifie qu'il occupe moins d'ouvriers, ou qu'il achète moins de produits semi-finis dont la fabrication demandera à l'avenir moins d'ouvriers. Réinvestir moins, c'est provoquer une stagnation de la production, qui est privée de capitaux.

S'il était possible à n'importe quel moment d'aiguiller la production sur telle ou telle voie, rapidement et sans pertes, conformément aux exigences du marché, la consommation du capital serait toujours préjudiciable à l'état d'approvisionnement à venir, mais elle n'entraînerait pas de troubles de la production. Mais il est possible pour des raisons techniques de transformer soudainement les laminoirs et les hauts-fourneaux en appareils cinématographiques et en disques de phonographe. Quand on consacre une plus grande partie des ressources à la consommation — et que les moyens disponibles pour l'investissement et le réinvestissement diminuent en conséquence, on aura une stagnation sur le marché des produits, du chômage et des pertes dans les premiers stades de la production où le capital investi perd sa valeur, et où les matériaux se déprécient. La hausse de la consommation mène — sauf inflation — à une diminution de l'offre de capitaux liquides — c'est-à-dire des ressources disponibles pour l'investissement — et ce manque relatif de capitaux entraîne une crise de débouchés dans l'industrie qui fabrique les biens de production. Les installations qui servent à la production ne travailleront plus et en conséquence perdront de leur valeur. Elles ne seront plus des biens de production, puisqu'elles ne seront plus des parties utiles et rentables de l'ensemble qui dessert la production — tout cela du fait de la nouvelle demande. Quand les capitaux liquides manquent — quand on manque de ressources susceptibles d'être consacrées à l'avenir — les installations existantes perdent leur caractère de capital. Les installations les plus précieuses ne sont plus qu'un amoncellement de vieilles briques et de ferraille. L'existence d'une quantité d'usines fermées, de cheminées refroidies, d'ateliers vides, est généralement le signe d'une consommation de capitaux avancée. L'augmentation ou le maintien de la consommation à un niveau trop élevé peut avoir causé une insuffisance de capital liquide et avoir rendu les frais de la production trop onéreux. Cela enlève à ces installations leur qualité de biens de production économique.

B. Le capital liquide

Deux malentendus dominent les discussions concernant le rôle du capital dans l'économie, et empêchent la compréhension des interdépendances. le premier est l'opinion que tous les instruments de production sont des capitaux ; l'autre est l'opinion que tout argent est un capital. Le premier induit les gens à ne pas comprendre pourquoi il y a manque de capitaux quand ils voient de nombreuses usines, parfaitement équipées au point de vue technique et que l'on n'utilise pas complètement ; l'autre induit les gens à croire qu'on peut suppléer au manque de capitaux en faisant imprimer de nouveaux billets de banque.

Et voici les conséquences de ces malentendus : à la place de l'argent provenant de l'épargne on met à la disposition de l'entrepreneur de nouveaux crédits bancaires — capital d'inflation — et avec cela on crée des installations destinées à la production — biens de production — qui se révèlent bientôt être des investissements malsains. Les nouveaux billets et les usines construites avec leur aide permettent seulement d'inaugurer les "détours prolongés de la production". Ils ne permettront pas de les terminer, de créer une production durable et étendue. Seuls les capitaux authentiques auraient pu donner ce résultat : consacrer une partie des revenus, partie qui aurait servi autrement à la consommation, à l'attente de résultats d'un avenir lointain. Renoncer à la consommation, voilà qui est nécessaire pour atteindre l'achèvement des industries nouvellement créées. Les installations et les machines ne sont des "biens" qu'aussi longtemps qu'on "attend" et q'on s'abstient de consommer trop tôt. C'est pourquoi certains économistes parlent de "l'attente" comme d'une fonction du capital.

Quand on extrait du minerai dans une mine, combien de temps faut-il jusqu'à ce que le travail qui y est investi rende possible un acte de consommation ? Ce minerai deviendra du fer, et ce fer deviendra une machine et cette machine — supposons que ce soit un tour — fabriquera pendant des années d'autres machines. Et ces machines seront calculées pour durer de longues années, pendant lesquelles elles fabriqueront à leur tour des produits semi-finis lesquels serviront petit à petit, échelon par échelon, à produire des biens de consommation. Que de temps s'écoulera entre l'instant où l'on a investi le capital et l'instant où l'on pourra consommer ! Si la première personne qui a rendu possible cette longue chaîne de la production en renonçant à la consommation avait préféré employer tout son pouvoir d'achat à la satisfaction de ses besoins, l'organisation entière de la production comprenant l'utilisation des inventions techniques n'aurait pu se faire.

Mais cette production qui procède par étapes et qui demande un temps aussi longs ne se contente pas du capital investi une fois pour toutes ; elle demande un afflux perpétuel de capitaux liquides. Quand un entrepreneur vend ses produits semi-finis à un autre entrepreneur, cette opération n'est possible que parce que cet autre entrepreneur investit du capital liquide — que ce soit le sien ou celui d'un tiers ; mais le premier sera également obligé d'employer ses recettes à la fabrication de nouvelles quantités de produits semi-finis ; s'il ne le faisait pas, soit parce qu'il dépense lui-même tout cet argent, soit parce que quelqu'un — peut-être le percepteur du fisc — le lui enlève, il ne pourrait pas continuer de produire. Ainsi, il faut investir — c'est-à-dire ne pas consommer — une part considérable du pouvoir d'achat à chaque période ; la production ne peut se maintenir au même niveau qu'à condition que cette part du pouvoir d'achat dont elle a toujours besoin ne diminue pas. Dès que cette part diminue au profit de la consommation, une brèche se fait dans l'étape correspondante de la production. (C'est pourquoi toute conjoncture due à l'inflation doit nécessairement s'écrouler, aussitôt que cesse l'augmentation de la masse monétaire destinée au financement de l'industrie.)

Une bonne partie des troubles économiques des dernières années remonte à ces déplacements du pouvoir d'achat — à la transformation du pouvoir d'achat financier en pouvoir d'achat du consommateur. Les dilapidations des nombreux entrepreneurs, l'augmentation des impôts décrétée par les gouvernements et l'augmentation des salaires obtenue par les syndicats ont affaibli le pouvoir d'achat du producteur au profit du pouvoir d'achat du consommateur. On a consommé du capital. Les troubles et les pertes dans l'industrie de biens de production avaient eu les conséquences les plus graves ; la diminution de la production provoque en fin de compte la réduction de la consommation. Mais plus longue est la période de la surconsommation relative — de la consommation de capital — plus il faut ensuite restreindre la consommation pour exploiter dûment l'appareil de la production destiné aux longs détours de la production.

C. La production stimulée par l'accroissement de la demande

La plupart des gens s'imaginent que les choses se passent à peu près ainsi : "Si la population achète davantage de chemises et de chaussures, les fabricants de chaussures pourront mettre en oeuvre plus de machines à fabriquer les chaussures et les fabricants de textiles, plus de fuseaux et de métier à tisser ; les fabricants de machines agrandiront leurs installations à la suite de cette reprise, et l'accroissement de la demande gagnera ainsi tous les domaines de l'économie." Ce raisonnement contient deux erreurs fondamentales. La première peut se classer comme une fausse théorie du pouvoir d'achat. Ceux qui la commettent adoptent un point de départ faux — l'accroissement de la demande en chemises et en chaussures — en omettant cette considération : lorsque la demande d'un produit monte, la demande d'autres produits dit baisser — s'il n'y a pas d'inflation. Quand on dépense un franc de plus pour les chemises et les chaussures, on dépense un franc de moins pour d'autres marchandises. Mais à cela s'ajoute une seconde erreur, l'erreur classique de ceux qui ne comprennent pas la théorie du capital.

Si le fabricant de chaussures fait de si bonnes affaires qu'il ait envie d'acheter de nouvelles machines, cela ne signifie pas qu'il puisse les acheter. Pour cela il lui faut non seulement bien vendre sa marchandise, il lui faut encore du capital. (Qu'on pense à la phrase consacrée des commerçants : "Je pourrais bien faire de bonnes affaires, mais c'est le capital qui me manque".) Et le fabricant de textiles qui vend ses tissus pour chemises comme des petits pains ne peut commander de nouvelles machines quand le capital lui fait défaut. Le fabricant de machines le lui prêterait peut-être s'il était en état de le faire. Et si ce dernier veut non seulement vendre ses machines à crédit au fabricant de textiles, mais encore agrandir sa propre installation, il lui faut d'autant plus de capital. Et tout ce capital ne peut exister sans épargne ; pourtant, épargner veut dire : ne pas consommer. Mais n'était-il pas question d'un accroissement de la consommation ? Par conséquent, le capital disponible a diminué au lieu d'augmenter, et quelque excellente que soit la vente des biens de consommation, elle ne procurera jamais les biens de production nécessaires.

Un des axiomes les plus importants de ma science économique dit que toute pièce de monnaie, un franc, un mark, un shilling, ne peut être dépensée qu'une seule fois en même temps. On ne peut jamais acheter avec la même somme et des biens de consommation et des biens de production, on peut seulement acheter soit des biens de consommation, soit des biens de production. Mais ne pourrait-on pas faire ces deux achats l'un après l'autre avec la même pièce de monnaie , L'argent que la fabricant de chaussures a touché pour les chaussures vendues, il en a besoin pour payer ses ouvriers, pour payer le cuir et pour entretenir ses vieilles machines usagées. Si après toutes ces dépenses, il lui reste encore quelque chose de son bénéfice, parce qu'il produit à bon marché, il peut après de longues années réunir le capital nécessaire pour acheter des machines à condition qu'il soit économe et qu'il renonce à la dépense de ses gains. Encore une fois, il s'agit de renoncer à la consommation.

Il ne faut pas croire que si une personne ne fait pas d'économies, mais achète des biens de consommation, l'autre, c'est-à-dire celle qui fabrique ces biens, ait la possibilité de faire ces économies. Le premier, qui demande s'il doit dépenser ou économiser 100 francs, aurait pu former un capital équivalent à ces 100 francs. le second, celui qui touche ces 100 francs en vendant ses articles de consommation et qui y gagne peut-être 5 ou 10 francs, ne peut économiser que ces 5 ou 10 francs tout au plus. Tout acte de consommation se fait aux dépens de la possibilité, qui existait avant cet acte et qui n'existera plus après, de former un capital correspondant.

On demandera peut-être : si l'homme travaille et produit, est-ce pour consommer ou pour accumuler des capitaux ? Certes, la satisfaction des besoins est la fin suprême de l'activité économique. Nous ne voulons point prêcher l'ascétisme, ni recommander aux hommes ce qu'ils doivent ou ne doivent pas faire ; notre tâche consiste simplement à rectifier les conceptions erronées ; par conséquent nous nous devons de constater qu'en dépensant davantage pour la consommation, les hommes ne parviennent pas à tirer un meilleur profit de l'appareil de production dont ils disposent. Le contraire peut être vrai ; du moment que l'appareil de production tel qu'il existe est conçu en vue d'une production qui tient compte d'un avenir très lointain, on en tirera un meilleur profit si l'on emploie le capital liquide pour le financement de cette production à venir en renonçant à la consommation immédiate.

D. Épargner sans investir

Pour former un capital il faut épargner et investir : au lieu des biens de consommation on achète les biens de production. Quand on permet des investissements sans épargne (par exemple au moyen du crédit bancaire), et qu'on achète par conséquent davantage de biens de production sans renoncer aux biens de consommation, on provoque l'inflation. Quand on épargne sans investir, quand on achète moins de biens de consommation sans acheter davantage de biens de production, on provoque la déflation. C'est un fait que l'on a pratiqué la déflation pendant ces dernières années dans plusieurs pays. Les gens n'avaient pas investi l'argent économisé, mais l'avaient thésaurisé. Quelques-uns gardaient l'argent liquide ou l'or chez eux, d'autres le déposaient à la banque avec le droit de le retirer à n'importe quel moment, si bien que les banques n'osaient pas prêter cet argent pour le financement des affaires.

La déflation par suite de la thésaurisation de l'argent liquide et des dépôts est un phénomène très désagréable, provoqué par la crise de confiance. Pour combattre la déflation on a voulu faire appel tantôt à l'extension des crédits (reflation), tantôt à la propagande contre l'épargne. Ces deux programmes sont assez dangereux, quoique l'on comprenne bien les motifs qui les inspirent. Il est pourtant probable qu'une nouvelle création de crédit qui correspond à la nouvelle thésaurisation puisse avoir des effets salutaires.

mais la reflation au moyen des crédits productifs est chose précaire. d'abord, on ne trouve pas assez d'amateurs intéressants pour les crédits à court terme — car le public s'en méfie après d'amères expériences. Ensuite, la reflation peut devenir une inflation, puisque l'argent thésaurisé peut affluer sur le marché à la prochaine occasion. De plus, on ajourne la lutte contre les obstacles qui empêchent le retour d'une situation normale quand on rend le crédit trop facile : on empêche l'écoulement de marchandises stockées, et l'on maintient les salaires disproportionnellement élevés.

Quant à la propagande contre l'épargne, elle peut gâcher tout. Puisque plusieurs pays ont été poussés à la dépression économique par la consommation de capitaux, il est impossible d'améliorer la situation sans l'accumulation de capitaux. Vouloir renoncer définitivement à l'épargne parce qu'il existe de la thésaurisation, c'est renoncer à tirer profit de ces biens de production qui ont permis autrefois à l'humanité de s'élever à un niveau de vie meilleur, et qui pourraient le permettre de nouveau. Ceux qui craignent que le public ne thésaurise jusqu'à ce que le dernier sou disparaisse de la circulation, ceux-là ne peuvent pas être pris au sérieux. La thésaurisation n'aurait jamais été poussé au point où elle est aujourd'hui si les États n'avaient pas profondément ébranlé la confiance dans les placements par leurs multiples "mesures de sauvetage". L'inflation et la propagande contre l'épargne ne sauraient qu'aggraver cet état de choses.

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