L'Université de l'offre - Session d'été (2000)

Leçon numéro 4 : l'hypothèse originale de Mundell et Laffer

Disponible sur le site de Jude Wanniski en anglais

par Jude Wanniski

traduit par Hervé de Quengo

Lors des leçons 2 et 3 de la session d'été 2000, j'ai déterré deux articles que j'avais écrits durant l'automne 1974 pour la page éditoriale du Wall Street Journal et je les ai présentés comme les premiers débuts de l'économie de l'offre. Le premier parlait de politique fiscale, le second de politique monétaire et des taux de change. C'est à cette époque, qui voyait se développer l'économie de l'offre, en septembre 1974, que l'intellectuel le plus important de notre époque, Irving Kristol, m'a invité à déjeuner au Pavillon Italien, au coeur de Manhattan. Irving, que j'ai depuis commencé à appeler "Don Corleone", le grand-père du néo-conservatisme (et de bien d'autres choses), était professeur de sciences sociales (ou quelque chose comme ça) à l'Université de New York ainsi que rédacteur en chef du trimestriel Public Interest. Lui et sa femme "Bea", qui signe des livres importants sous son nom de jeune fille, Gertrude Himmelfarb, sont les fiers parents de Bill Kristol, rédacteur en chef du Weekly Standard, et que vous pouvez voir presque partout dans les entretiens télévisés.

Au cours du déjeuner, Irving m'a fait part de sa consternation devant le fait que les journaux étaient remplis d'articles racontant que la crise du pétrole était un complot des grandes compagnies pétrolières, avec l'appui des Arabes. Il savait que c'étaient des bêtises, comme je l'avais écrit, et me dit qu'il aimerait me voir écrire un article pour Public Interest sur l'ignorance économique de la presse nationale. Je répondis alors que le problème ne concernait pas les journalistes, mais les économistes, que la presse n'était qu'un relais entre le peuple et les décideurs politiques. C'étaient les économistes professionnels qui ne comprenaient pas ce qui se passait et qui fournissaient les raisons boîteuses qui étaient reprises en première page des principaux journaux, à la radio et à la télévision. Irving me demanda s'il y avait un économiste qui connaissait les véritables raisons de la crise pétrolière et je lui dis qu'il n'y en avait à ma connaissance que deux : Robert Mundell et Arthur Laffer. Je lui précisais que Mundell avait prédit les événements lorsque Nixon avait abandonné l'étalon or, officieuseusement en 1971 et officiellement en 1973, l'année précedente. Sur quoi Irving me demanda si je pouvais écrire un article sur ces deux économistes. Faites le en 10 000 mots, dit-il, et apportez le moi dans six semaines : je le publierai dans le numéro de l'automne 1975. C'est cet article qui attira l'attention de l'équipe de Ronald Reagan et me conduisit par ailleurs à écrire The Way the World Works, qui a fourni les bases intellectuelles de la campagne présidentielle républicaine de 1980.

Sur la suggestion d'un étudiant de l'Université de l'offre, qui avait entendu parler de cet article mais n'arrivait pas à le trouver, j'ai décidé que ce serait une bonne occasion de le publier sur mon site ( www.polyconomics.com), ce que je ferai en trois parties. Ceux qui ont suivi les cours de l'Université de l'offre au cours des derniers semestres se rendront compte que l'article était très élémentaire pour cette première présentation, mais aussi que les bases n'ont pas du tout changé.

L'hypothèse de Mundell-Laffer - Une nouvelle vision de l'économie mondiale, par Jude Wanniski, "The Public Interest" Numéro 39, printemps 1975

Les États-Unis ont traversé un cauchemar économique. Il semble que l'autre jour - et c'est bien ce qui s'est passé - les économistes américains de premier plan parlaient avec confiance de "piloter à vue" [fine tuning] l'économie pour assurer un taux de croissance prédéterminé dans des limites acceptables d'inflation et de chômage. Et même ceux qui, au sein de la profession, se moquaient d'un tel pilotage à vue, ceux qui expliquaient qu'il n'était pas possible de le faire comme le préconisait la "Nouvelle économie" [New Economics, terme qui se réfère ici à l'économie keynésienne, pas à la "Nouvelle économie" française et libérale (Garello, Salin, etc.), ni à la "Nouvelle économie" associée actuellement aux "nouvelles technologies" ! NdT] étaient prêts à affirmer que d'autres stratégies - habituellement liées à la masse monétaire - pouvaient être utilisées pour aider les États-Unis à rester sur la voie magique de la croissance non inflationniste.

A l'évidence, la profession connaît une crise intellectuelle. Sur une période de six ans, le Républicanisme pragmatique de Richard Nixon a donné au malade convulsif tous les anticorps préparés par les docteurs économiques de Cambridge et de Chicago. Et, à chaque fois, les signes de vie diminuaient. La masse monétaire était restreinte, puis augmentée. M. Nixon devint un keynésien et on mit en place un "budget de plein emploi". On créa délibérément des déficits, on en créa aussi accidentellement. La courbe de Phillips, un mécanisme merveilleux par lequel les politiciens sont supposés pouvoir équilibrer chômage et inflation suivant une politique finement calibrée, était enseignée religieusement dans les manuels. Le dollar fut dévalué et la fenêtre sur l'or refermée. Les Japonais et les Allemands étaient dénoncés comme étant des gens têtus et, pire, efficaces. Le dollar fut dévalué à nouveau, puis on le laissa flotter. Les salaires et les prix furent contrôlés avec un degré variable de rigueur. A la fin de toutes ces efforts, beaucoup se demandent si l'état du malade était pire que l'on ne l'avait pensé ou si ce ne serait pas le remède qui aurait accentué la maladie.

Nous pouvons être sûrs que les théoriciens universitaires qui ont donné ces diverses prescriptions prétendront tous maintenant qu'on n'a pas laissé assez de temps à leur propre remède pour être efficace - et que le malade était empoisonné par tous les autres remèdes. Il marquent tous un point, car il y a rarement dans le monde réel assez de temps pour voir clair dans un diagnostic et une prescription. Les politiciens et le public voudront toujours un remède qui ne nécessite pas de rendre le patient plus malade pendant trop longtemps, avant que son état ne s'améliore. C'est une des contraintes politiques inévitables de la politique économique, qui la rend distincte de la théorie économique.

Mais avant de se lamenter sur les contraintes que la politique exerce sur nos médecins de l'économie, il vaut la peine d'écouter une autre opinion. Il est toujours possible qu'il se trouve quelque part un expert avec un meilleur diagnostic de notre maladie économique - un diagnostic qui ne réclame pas de prescriptions politiquement impossibles. Et, en réalité, il existe deux experts de ce type aujourd'hui : Robert A. Mundell, 42 ans, un Canadien qui est professeur d'économie à l'Université de Columbia et Arthur B. Laffer, 34 ans, de l'école de commerce de l'Université de Chicago. Ils ont essayé, au cours des dernières années, de lancer ce que certains appeleraient une "révolution copernicienne" en politique économique. Et leurs collègues économistes leur prêtent, année après année, une oreille de plus en plus attentive - bien que, bien entendu, leur point de vue soit encore très minoritaire.

Le but de cet article est de montrer comment fonctionne le "modèle" de Mundell et Laffer concernant l'économie mondiale, et pourquoi ses implications ne sont pas politiquement peu attirantes - c'est-à-dire ne demanderaient pas à la population mondiale une période de souffrance pour obtenir une amélioration. Le modèle est vraiment assez simple et, hormis pour ses applications, n'est pas particulièrement neuf. En fait, comme le dit Laffer, il se trouve seulement que "personne n'a vraiment réfléchi ainsi sur le sujet depuis environ 50 ans."

Une des raisons pour lesquelles l'hypothèse de Mundell et Laffer est écoutée avec respect de nos jours est qu'elle explique simplement des phénomènes que les autres théories ne peuvent expliquer qu'avec de grandes difficultés et complications. Bien qu'ils ne fassent pas métier de prévoir l'avenir, les prédictions Mundell et Laffer sur ce qui se passerait après des changements de politique particuliers ont remarquablement bien résisté ces dernières années. Laffer avait dit en 1971 que la dévaluation du dollar américain ne signifiait pas que le déficit de la balance commerciale des États-Unis laisserait place à un excédent. En février 1973, lorsque le dollar a été à nouveau dévalué, il avait dit que cela signifiait une "inflation galopante" aux États-Unis. En janvier 1972 - presque deux ans avant la guerre des six jours - Mundell avait dit que le prix du pétrole, et d'autres marchandises, augmenterait très fortement si les décideurs de la politique économique des États-Unis faisaient comme ils le firent. Plus tard, la même année, il disait que si les économies occidentales se mettaient à faire ce qu'elles firent effectivement par la suite, il y aurait une augmentation de l'inflation mondiale, une montée générale des taux d'intérêt et une utilisation accélérée des eurodollars. En 1973, il paria avec un éminent économiste 1 dollar que l'inflation serait pire aux États-Unis en 1974 qu'en 1973, et un autre dollar que le prix de l'or atteindrait 200 dollars au cours de l'année 1974.

Il se peut que Mundell et Laffer aient eu de la chance - avoir raison avec de mauvais arguments, comme diraient certains. Mais il semblerait certainement qu'il vaille la peine d'essayer de comprendre leur raisonnement - et, par-dessus tout, de comprendre leur idée générale de l'univers économique et ce qui, dans cette idée, les sépare fondamentalement de la grande majorité de leurs pairs. Leurs recommendations économiques - qui découlent d'une certaine forme de synthèse des pensées économiques classique et keynésienne - n'ont pas de sens si l'on ne partage pas leur vision du monde économique. Après tout, Christophe Colomb aurait difficilement pu persuader la reine Isabelle du fait que partir à l'Ouest pour trouver les Indes était une bonne politique, s'il n'avait pas pu la convaincre que la Terre est ronde et non plate.

Le monde est une économie fermée

Leur point de départ est le suivant : l'économie mondiale est véritablement unifiée et l'est depuis longtemps. Cette proposition semble assez raisonnable, peut-être même banale. Pourtant, alors que la plupart des autres économistes acceptent cette idée jusqu'à un certain point, l'approche analytique dominante des problèmes économiques et de la politique se fonde sur une idée assez différente : l'idée que l'économie des États-Unis est en grande partie indépendante des économies du reste du monde, particulièrement depuis que les politiques monétaires ne sont plus liées par des taux de change fixes des monnaies. À partir de cette idée dominante, il s'ensuit une autre, qui veut que, dans la mesure où l'économie américaine connaît des fluctuations des taux d'inflation en raison des politiques économiques des autres gouvernements, de telles perturbations ont une importance limitée par le volume des échanges avec le reste du monde. Ces perturbations doivent être faibles, dit la sagesse dominante, parce que le volume du commerce des États-Unis avec le reste du monde est très faible par rapport à l'économie américaine. En 1971, alors que le dollar était dévalué de 13 pour cent, presque toute la profession économique américaine a calculé que, puisque le commerce international des États-Unis n'était que cinq pour cent du PNB, les effets de la dévaluation sur le niveau des prix américains ne serait tout simplement que 13 pour cent de 5, soit un peu plus d'un demi-point de l'indice des prix à la consommation. Ce type de calcul ne peut être fait qu'en considérant les États-Unis comme une économie fermée, "avec des relations internationales greffées dessus" dit Laffer. Mais, disent-ils, l'économie américaine n'est pas une économie fermée, ni ne l'est l'économie de tout autre pays. La seule économie fermée dont on puisse correctement parler est l'économie mondiale. On ne peut pas comprendre l'économie américaine dans une perspective américaine, elle doit être considérée dans la perspective d'une économie mondiale.

Pour parler simplement, ce qu'ils disent est que les prix sont reliés entre eux dans le monde entier non par le volume des biens qui vont et viennent, mais par la communication rapide des changements de prix. Pour le vérifier, un des étudiants de Laffer, Moon Hoe Lee, a pris la peine d'étudier neuf pays de 1900 à 1972. Il a trouvé que (1) leurs indices généraux des prix ont évolué de concert durant cette période, tant que les taux de change restaient les mêmes et que (2) lorsqu'un pays dévaluait ou réévaluait sa monnaie, il connaissait une inflation ou une déflation d'un niveau à peu près équivalent. (Les seules brèves exceptions peuvent s'observer quand un pays est resté isolé pendant une guerre, le Japon ou l'Italie lors de la Deuxième guerre mondiale étant les exemples les plus nets.) Ce que cela veut dire, c'est que si un pays dévalue de 13 pour cent par rapport aux monnaies du reste du monde, on peut s'attendre à ce qu'il connaisse une plus grande inflation que le reste du monde jusqu'à ce que ses prix soient de 13 pour cent plus élevés que ceux du reste du monde. Loin de dire qu'une révision des taux de change n'a qu'un effet mineur - via le commerce extérieur - sur l'indice des prix à la consommation, cela signifie qu'elle a un effet exactement proportionnel par rapport au niveau des prix du reste du monde.

Ce n'est pas vraiment une idée révolutionnaire mais, comme le note Laffer, on n'y prêtait pas attention depuis longtemps. Voici ce qu'écrivait J. Lawrence Laughlin en 1903:

L'action des marchés internationaux, avec les cotations télégraphiques dans le monde entier, élimine l'hypothèse qui voudrait que les prix de l'or pourraient rester en général à un niveau plus élevé dans un pays que dans un autre (en mettant de côté les coûts de transport), même pour un temps court, parce que les marchands saisiraient l'occasion d'envoyer les biens vers les marchés où les prix sont élevés pour faire des profits.

Laughlin parle de l'or, mais il est implicite dans son énoncé que les pommes sont concernées de même. Supposons qu'il y ait un million de pommes dans un pays les vendant 10 cents chacune, mais qu'il existe une demande sans limite pour 1 000 001 pommes. Si la pomme supplémentaire ne peut pas être obtenue du reste du monde à moins de 11 cents, coûts de transport non pris en compte, le prix des pommes montera à 11 cents. Dans cet exemple, le volume des échanges impliqués n'est que de un sur un million - mais le prix change cependant de 10 pour cent.

En allant un peu plus loin, Mundell a remis en vogue la proposition, et Laffer en a fourni la documentation empirique, selon laquelle la monnaie, comme les pommes et l'or, est également soumise à ces forces de l'offre et de la demande. Si, par exemple, il y a un excès de la demande de monnaie aux États-Unis par rapport au reste du monde, nous importerons de la monnaie et auront un excédent de la balance des paiements - c'est-à-dire que plus de monnaie entrera dans le pays qu'il n'en partira. Si il y a un excès de l'offre de monnaie aux États-Unis, nous exporterons la monnaie et auront un déficit de la balance des paiements. Cette idée prend elle aussi ses racines dans les siècles précédents, mais est encore partout minoritaire parmi les économistes. Les déficits de la balance des paiements sont considérés comme représentant non un phénomène du marché, mais un problème structurel - c'est-à-dire une "fuite du capital" ou un "manque de compétitivité." Laffer a de plus démontré que lorsque le taux de croissance d'un pays s'accélère par rapport au reste du monde, sa balance commerciale empire, et vice versa. (Quand un enfant grandit, il consomme plus qu'il ne produit.) Mais il n'y a pas lieu de s'alarmer d'un tel déficit. Ce qui se passe alors est quelque chose de parfaitement naturel. Tant que son gouvernement n'accélère pas sa création monétaire, le pays exportera des obligations pour financer son déficit commercial. La seule chose qui se passe est que le reste du monde a décidé que le pays en question, avec son taux de croissance supérieur, est un bon endroit pour investir. (Tout comme les parents investissent dans leurs enfants grandissants.)

Cette façon de regarder les déficits et les excédents de la balance des paiements et de la balance commerciale est remarquablement différente de la vision dominante actuelle, et elle a de nombreuses implications en politique économique. Mais nous en reparlerons plus tard.

Les mythes de la dévaluation

Alors que le texte ci-dessus donne la vision générale de l'univers économique selon Laffer et Mundell, il est nécessaire de se rapprocher et d'examiner le terrain en détail avant que la direction politique n'apparaisse. Une thèse très importante, qui se démarque à nouveau de la pensée dominante, est la suivante : alors que les offres de monnaie et les taux de change peuvent évoluer, les termes de l'échange restent, eux, identiques. Il y a au coeur de nos politiques économiques des dernières années l'hypothèse exactement contraire.

Pour parler simplement, ce que disent Mundell et Laffer est ceci : si un boisseau de blé américain peut être échangé contre une bouteille de vin italien quand 1 dollar vaut 100 lires, alors, même si les États-Unis dévaluent le dollar de telle façon qu'il ne vaille plus que 80 lires, le boisseau de blé s'échangera encore contre la bouteille. Il peut y avoir une confusion temporaire, que les économistes appellent une "illusion monétaire," mais elle n'est que temporaire. Ceci veut dire que le fermier américain peut accepter momentanément 80 lires en paiement de son blé, parce que la somme vaudra encore 1 dollar - et que son premier intérêt est en dollars. Mais lorsqu'il découvrira que 1 dollar ne vaut plus que les quatre cinquièmes de la bouteille, il insistera pour obtenir l'équivalent en lires des 1,20 dollars nécessaires à l'achat de la bouteille. Le résultat est que le prix en dollars du blé américain monte jusqu'à compenser pleinement le montant de la dévaluation. Ou le prix en lires du vin italien baisse.

Ainsi, Mundell et Laffer soutiennent, ce qui est confirmé par un grand nombre de preuves empiriques, que la dévaluation n'a pas d'effets "réels", mais uniquement pour résultat une inflation des prix dans le pays qui dévalue sa monnaie par rapport aux pays vis-à-vis desquels la dévaluation se produit. En réduisant le montant de biens que la monnaie peut acheter, le pays dévaluateur crée une demande excédentaire pour sa monnaie. S'il ne fait qu'imprimer plus de monnaie, il n'y a pas d'amélioration de la balance des paiements - ce que la dévaluation est censée faire. S'il ne le fait pas, ses citoyens importeront simplement de la monnaie (en exportant des obligations) pour satisfaire la demande excédentaire, et on arrivera à une "amélioration" temporaire de la balance des paiements.

Mais n'est-il pas vrai, comme les manuels et les journaux l'ont dit depuis une génération, que, lorsqu'un pays dévalue, les biens deviennent plus chers, de sorte que les ressortissants du pays en achète moins, alors que les biens achetés par les étrangers sont meilleur marché pour eux, de telle sorte que les étrangers en achètent plus ? Et que le résultat net est une amélioration agréable de la balance commerciale du pays qui dévalue ? La réponse est : non.

Laffer souligne que les manuels, en ne regardant que ce qui se passe pour la demande des produits importés dans chaque pays à la suite d'une dévaluation, ne voient que la moitié des choses. Que se passe-t-il pour la demande des produits exportés ?

Quand les États-Unis dévaluent leur monnaie, par exemple, les prix des biens qu'ils exportent, exprimés dans les monnaies étrangères, baissent. Dans des conditions normales de l'offre et de la demande, les résidents américains devraient alors acheter plus de ces biens exportés et devraient avoir moins tendance à les produire. À l'extérieur des États-Unis, les biens que les étrangers exportent vers l'Amérique, exprimés en monnaie américaine, montent. Ils devraient donc être moins encouragés à acheter leurs propres biens exportés et devraient vouloir en produire plus, pour augmenter les exportations vers le pays qui dévalue. Ceci signifierait que la balance commerciale américaine se détériorerait, en termes réels, à la suite de la dévaluation.

Ici, Laffer ne fait que souligner les incohérences logiques de la théorie actuelle : en fait, dit-il, la dévaluation ne fait qu'appeler l'inflation et n'affectera pas la balance commerciale. Son étude empirique sur 15 dévaluations entre 1961 et 1967 ne montre aucune relation entre dévaluation et amélioration de la balance commerciale. Dans la plupart des cas, les déficits commerciaux ont en réalité été augmentés durant les années suivant une dévaluation. La loi des probabilités dit simplement - puisqu'il n'y a pas de relation causale - que la balance commerciale devrait s'améliorer dans la moitié des cas et empirer dans l'autre moitié.

"Au cours des 30 dernières années, la plupart des problèmes économiques de la Grande-Bretagne se sont produits à cause de l'obsession de Londres pour la balance commerciale," dit Mundell. "Elle cherche tout le temps à accroître ses exportations et diminuer ses importations et, en essayant d'envoyer plus de biens à l'étranger tout en recevant moins, a réduit l'efficacité de son économie." Elle a aussi, bien sûr, connu une inflation massive. L'Allemagne de l'Ouest, d'un autre côté, a accepté une série de réévaluations majeures de sa monnaie qui auraient dû ruiner sa balance commerciale. Pourtant, son économie intérieure reste vigoureuse et sa balance commerciale excédentaire, alors que l'inflation est restée très modérée.

Notes

1. Il n'y a pas d'article commun de Mundell et Laffer. Mundell, l'initiateur, a élaboré la théorie. Laffer, qui est plus empiriste, a fourni les données à l'appui, contribuant au passage à des parties d'inspiration théorique.


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