Librairie de Médicis 1948 (deuxième édition)
par Richard von Strigl
traduit par P. Ochwald
Nous avons voulu exposer dans ce livre les doctrines que la science nommé économie politique a établies à propos des phénomènes économiques, et nous l'avons fait dans le cadre étroit d'une courte introduction. Cette introduction a pour but précis d'exposer les enseignements de l'économie politique de façon à permettre au lecteur de se former un jugement sur les questions actuelles de cette science, en négligeant les mauvais aphorismes de l'économie vulgaire. C'est cela qui nous a guidé d'abord dans le chois des matières à étudier, et ensuite de la façon d'exposer et de sérier les questions. Nous ne décrirons donc pas des faits particuliers et des détails de la vie économique moderne, et nous ne traiterons pas de questions d'organisation économique ; nous montrerons seulement ce qui se passe en fait, de telle sorte que, partant des détails, on puisse se faire peu à peu une image aussi claire et aussi complète que possible des phénomènes économiques. Les enseignements de l'économie politique seront exposés autant que possible d'une manière qui correspondît aux formules et aux problèmes les plus modernes ; mais là encore on s'est borné à ce qui compte aujourd'hui comme fait acquis pour la science. Certes, disons-le, il a été souvent difficile d'éviter de parler de questions non résolues, et bien des faits qui figurent ici au premier plan de nos démonstrations n'ont encore pénétré qu'à peine dans les ouvrages accessibles au lecteur.
Je crois que ce livre pourra servir avant tout de première introduction à l'étudiant, sans qu'on se soit demandé jusqu'à quel point celui-ci voudra ou pourra poursuivre l'étude des problèmes de notre science. Mais je crois aussi qu'il sera utile à beaucoup de ceux qui ont appris, ici et là, quelques bribes d'économie politique et voient maintenant qu'ils manquent de principes suffisants pour se former une opinion personnelle. Le spécialiste n'y trouvera pas grand'chose de neuf. J'espère que l'étude de cette introduction ne causera pas plus de difficultés que celles qui sont inhérentes aux sujets exposés ; mais l'étudiant doit bien se rendre compte que dans l'économie politique elle aussi, aucune "voie royale" n'existe pour arriver sans efforts aux dernières découvertes.
Une description des phénomènes économiques doit forcément garder une attitude neutre sur toutes les questions de politique générale. Le lecteur verra que nous nous sommes toujours demandé quels seraient les résultats de certaines mesures de la politique économique, mais que nous n'avons jamais indiqué les buts que cette politique devait se fixer, ou avait le droit de se proposer. La preuve de l'attitude que nous avons adoptée dans notre introduction, on la trouvera en ce que les connaissances des phénomènes économiques que nous y exposons pourront servir, quelle que soit la tendance suivie par la politique générale ou la politique économique d'un pays, pourvu que ceux qui la dirigent soient vraiment résolus à se rendre compte sérieusement et exactement des effets que pourront avoir sur l'économie les mesures qu'ils prendraient dans ce domaine. Insensé serait celui qui viendrait soutenir que sa façon de concevoir les phénomènes économiques correspond à son attitude politique, qu'il tient comme seule infaillible, et que c'est uniquement de ce point de vue qu'il possédera une "vraie" compréhension de ces phénomènes. Les événements de l'économie se déroulent suivant leurs propres nécessités, et celui qui ne le voit pas ou ne veut pas le voir échouera dans les mesures qui devraient servir à atteindre les buts qu'il s'est fixés, et ne pourra pas accomplir les desseins qu'il poursuit. Mais je crois que, si l'on arrive à faire disparaître les idées fausses d'économie "vulgaire", ou courante, qui règnent dans des milieux assez vastes et cultivés, et si l'on peut arriver ainsi à faire connaître une "image de l'économie" qui corresponde à peu près à l'état actuel de la véritable science, cela contribuera non pas à unifier les divers buts que se proposent les économistes, mais à donner une place appropriée aux calculs et aux prévisions qui s'imposent dans toute discussion économique en vue des résultats qu'on attend.
Les expériences d'une activité professorale qui a duré de longues années sont utilisées dans ce livre. Lors de cette activité, j'ai toujours reconnu la valeur d'une "introduction" de ce genre. La rédaction de l'ouvrage m'a été grandement facilitée du fait que l'Union autrichienne des banques et banquiers a fait sténographier des conférences que j'avais faites lors d'une série de cours organisée par elle. Toutefois, je n'ai pas conservé le style de la conférence parlée.
Vienne, Juillet 1937. Richard Strigl