Corrompre les fonctionnaires du gouvernement

extrait de Power and Market (1977, Sheed Andrews and McMeel, Inc. Chapitre 3, 77-79)

 

par Murray Rothbard

traduit par Hervé de Quengo

Parce qu'elle est illégale, la corruption des fonctionnaires du gouvernement n'est pratiquement pas mentionnée dans les ouvrages économiques. La science économique, cependant, devrait analyser tous les aspects de l'échange mutuel, que ces échanges soit légaux ou non. Nous avons vu ci-dessus [dans le livre, NdT] que la "corruption" d'une entreprise privée n'est en fait pas une corruption du tout, mais simplement le paiement du prix du marché pour le produit. La corruption des fonctionnaires du gouvernement est aussi un prix pour le paiement d'un service. Quel est ce service ? C'est celui de ne pas faire respecter le décret du gouvernement qui devrait s'appliquer à la personne qui paie le pot-de-vin. En bref, l'acceptation du pot-de-vin équivaut à la vente d'une permission de s'engager dans un certain type d'affaires. L'acceptation du pot-de-vin est par conséquent identique, du point de vue praxéologique, à la vente d'une licence gouvernementale pour débuter un commerce ou un métier. Et les effets économiques sont similaires à ceux d'une licence. Il n'y a pas de différence économique entre l'achat d'une permission gouvernementale obtenue en payant une licence et celle obtenue en payant directement les fonctionnaires du gouvernement. Ce que le corrupteur reçoit, par conséquent, est une licence informelle, orale, d'opérer. Le fait que différents fonctionnaires reçoivent l'argent dans les deux cas n'entre pas en ligne de compte dans notre discussion.

Une licence informelle agit à un certain degré comme l'octroi d'un privilège de monopole. Ce degré dépend des conditions dans lesquelles la licence est octroyée. Dans certains cas le fonctionnaire accepte le pot-de-vin d'une seule personne et lui donne donc en effet un monopole dans un certain domaine ou métier ; dans d'autres cas, le fonctionnaire peut donner la licence informelle à tous ceux qui sont prêts à payer le prix nécessaire. La première situation est un exemple clair de l'octroi d'un monopole suivi par un prix de monopole ; dans la deuxième situation, le pot-de-vin agit comme une taxe forfaitaire pénalisant les compétiteurs les plus pauvres, qui ne peuvent pas payer. Ils sont éliminés de la compétition par le système de pots-de-vin. Cependant, nous devons nous rappeler que la corruption est la conséquence de l'illégalité d'un certain type de production et, par conséquent, elle sert à limiter certaines pertes d'utilité imposées aux consommateurs et aux producteurs par la prohibition gouvernementale. Etant donné l'état de la loi, la corruption est le moyen principal du marché pour s'imposer à nouveau ; la corruption fait évoluer l'économie vers le marché libre [1].

En fait, nous devons distinguer entre un pot-de-vin intrusif et un pot-de-vin défensif. le pot-de-vin défensif est ce dont nous avons parlé ; c'est-à-dire l'achat d'une permission d'opérer après qu'une activité a été déclarée illégale. D'un autre côté, un pot-de-vin payé pour obtenir l'exclusivité ou la quasi-exclusivité d'une permission, empêchant les autres d'entrer dans le domaine, est un exemple de pot-de-vin intrusif, un paiement pour l'octroi d'un privilège de monopole. Le premier cas est un mouvement significatif pour se rapprocher du marché libre, le second est un mouvement pour s'en éloigner.

Note

[1]. C'est également vrai pour une licence officielle : le paiement par une entreprise d'une licence est le seul moyen pour elle d'exister. Une entreprise payant une licence ne peut pas être considérée comme une partie consentante au privilège de monopole à moins qu'elle ait aidé à soutenir l'établissement de la loi de licence, comme c'est très souvent le cas.


Page d'accueil