Mon vice : je déteste l'environnement !

Article paru le 11/09/2000 sur le site de Lew Rockwell

par Llewellyn H. Rockwell, Jr.

traduit par Hervé de Quengo

Je suis un pécheur, mais je ne suis pas repentant. Rendez-vous compte, je ne pratique pas l'écologie et je n'y crois pas. Je ne recycle pas et je ne conserve rien - sauf quand ça peut rapporter de l'argent. J'aime l'air propre - vraiment propre, comme celui des climatiseurs. J'aime les intérieurs sans insectes. J'aime le développement comme celui qu'on trouve dans les immeubles, le béton, le capitalisme, la prospérité. Je n'aime ni les marais (et ceci vaut pour tous les "marécages", même les "Terres marécageuses" dont on nous bourre le crâne), ni les jungles (les "forêts tropicales"). Je considère tous les animaux, à l'exception des chiens et des chats, comme porteurs potentiels de maladies, à moins qu'ils ne soient dans des zoos.

Quand PBS parle de l'intelligence animale, je reste indifférent. Je suis content pour les dauphins qu'ils puissent pousser de petits cris. Je suis heureux pour les singes qu'ils puissent faire signe pour avoir leur nourriture. C'est charmant de voir les abeilles s'organiser si bien pour leur travail. Mais ça ne leur donne aucun droit sur moi. Leur seule véritable valeur vient de ce qu'ils peuvent faire pour l'Homme.

D'après la doctrine politique et religieuse moderne, tous ces idées font de moi un pécheur. Les principales Églises sont devenues depuis longtemps quasi-Manichéennes, prêchant la sainte pauvreté et jureant de ne jamais perturber la nature par les taches de l'action humaine. Et nous connaissons tous la vogue des religions du New Age. On enseigne aux enfants des écoles publiques l'éco-sentimentalisme.

Même le nouveau Catéchisme catholique semble de la bouillie sur le sujet. "La domination de l'Homme sur le monde inanimé et sur les autres êtres vivants créés par Dieu n'est pas absolue... elle demande un respect religieux de l'intégrité de la création" (paragraphe 2416). Je ne sais pas ce que cela veut dire. Ca ressemble à un clin d'oeil au nouveau paganisme. Est-ce que les abeilles et les bactéries tueuses ont une "intégrité" qui dicte un "respect religieux" ? A mon avis, la nature n'a de valeur que si elle sert les besoins de l'Homme. Sinon elle doit être transformée.

Même dans les cercles libre-échangistes, on me demande de célébrer la beauté et l'intégrité morale de la nature avant que je ne discute des droits de propriété et du marché. En fait, les "écologistes du marché libre" insistent pour me faire accepter les objectifs des Verts, en rejetant seulement certains de leurs moyens étatiques comme manière de parvenir à ces buts. Je ne prends pas. Les écologistes dénoncent tout ce que j'aime, et la lutte entre eux et nous est fondamentale.

On ne peut compter que sur les Randiens pour rester logiques sur cette question. Ils affirment ce qui était la position chrétienne il n'y a encore que quelques décennies : que l'Homme, en fait, occupe la place la plus haute dans le grande chaîne du vivant. Les intérêts des animaux, des espèces, des choses vivantes ne devraient jamais prendre le dessus sur le besoin de prospérité humaine. Mais, à cause d'un tel discours, les Randiens ont été bannis par de nombreux libertariens sous le prétexte que leur stratégie serait totalement erronée.

Un sage Randien m'a une fois supplié d'examiner de près le terme "d'environnement". A quoi se réfère-t-il ?, demandait-il. Eh bien, vous pouvez dresser la liste des sujets d'intérêt des écologistes : l'air, l'eau, les animaux, les arbres, l'ozone, etc. Mais où cela s'arrête-t-il ? Quelles sont les limites de ce qu'on appelle l'environnement ? Ce que ce terme veut vraiment dire, disait-il, "c'est tout sauf l'Homme". Il avait raison. Un environnement parfait serait un monde sans Homme. Combien monstrueux est le fait de permettre aux Verts d'avancer vers cet objectif !

Ce n'est pas seulement Ayn Rand, mais aussi Saint Augustin, qui croyait que le but de la nature était de servir l'Homme :

Certains essaient d'étendre ce commandement ["Tu ne tueras point"] aux bêtes et au bétail, comme s'il nous interdisait de retirer la vie à toute créature. Mais s'il en était ainsi, pourquoi ne pas l'étendre aussi aux plantes et à tout ce qui est enraciné et nourrit par la terre ? Car, bien que cette classe de créatures n'éprouve pas de sensations, on dit aussi qu'elle est vivante, et par conséquent aussi qu'elle peut mourir. Et donc, si la violence leur est appliquée, elle peut les tuer. Ainsi, par exemple, l'apôtre, en parlant des graines de telles plantes, dit, "Ce que tu sèmes n'est pas pressé sauf par la mort" ; et dans le Psaume il est dit, "Il tua leur vigne avec les intempéries". Devons nous alors considérer comme contraire au commandement "Tu ne tueras point" de cueillir une fleur ? Devons nous ainsi, de façon insensée, admettre les erreurs folles des Manichéens ? En mettant de côté, donc, ces divagations, lorsque nous disons "Tu ne tueras point", nous ne parlons pas des plantes, car elles n'éprouvent aucune sensation, ni des animaux irrationnels qui volent, nagent, marchent ou rampent, car ils sont séparés de nous par leur manque de raison, et donc, par la décision juste du Créateur, ils peuvent, selon notre volonté, être tués ou laissés en vie pour nos propres besoins

Comme il est glorieux, écrit aussi Saint Augustin, de voir les habitats humains se répandrent où règnait autrefois une nature non maîtrisée. C'est également mon avis. Je ne me soucie pas du nombre d'homélies que j'entends sur les gloires de la nature, de la chaire, du Congrès ou des medias. Je suis contre elle, à moins qu'elle ne soit modifiée par l'Homme en quelque chose d'utile ou de valeur. Les choses qui poussent sont faites pour la nourriture, les vêtements, la décoration ou les pelouses. Tous les marais devraient être asséchés. Toutes les forêts tropicales transformées en agriculture productive.

N'étant pas bricoleur, mon rayon favori des quincailleries est celui des produits contre les insectes ou la mauvaise herbe, des pièges à animaux nuisibles et des poisons de toutes sortes. Ces produits exterminateurs représentent la haute civilisation et le capitalisme. Les emballages sont décorés avec des images menaçantes de fourmis, de gardons, d'insectes avec des pinces, et d'autres choses indésirables, pour nous rappeler que le rôle de ces produits est d'éliminer la vie des insectes pour qu'ils ne menacent plus la seule vie qui ait une âme et donc la seule vie qui compte : celle de l'Homme.

Le seul problème avec les pesticides, c'est qu'ils ne sont pas assez puissants. "Les anti-fourmis" ne font que déplacer les sales petites bêtes. Pourquoi ? Il y a un certain temps, le gouvernement a interdit le meilleur de tous les pesticides : le DDT. Le résultat, ce fut un pays rempli d'insectes volants et rampants, menaçants et porteurs de maladies Des pans entiers d'anciens lieux de vacances merveilleux ont été anéantis parce que nous n'avons plus de droit d'utiliser le seul produit qui ait jamais vraiment réussi à éliminer ces choses. Dans le tiers-monde, des milliers de gens sont morts à cause de l'interdiction d'utiliser le DDT, à cause de l'augmentation de la malaria et d'autres maladies apportées par les insectes. Tout ceci parce que nous avons décidé que les insectes ont un droit à la vie plus grand que nous. Tout ceci parce que nous ignorons un point clé de la pensée occidentale : toutes les choses non humaines "peuvent, selon notre volonté, être tuées ou laissées en vie pour nos propres besoins."

De nos jours, vous pouvez être arrêtés pour avoir de telles idées, parce que l'écologie est notre religion officielle. Considérez la question du Styrofoam [un produit isolant créé par Dow Chemical, à base de mousse de polyuréthane, NdT]. Je refuse de me servir d'un gobelet en carton pour le café chaud, quand un gobelet merveilleusement isolant est disponible. Quand je demande au café qu'on me donne du Styrofoam, ils reculent comme Dracula devant un crucifix. J'explique que le Styrofoam ne prend que 0,001 pour cent de l'espace rempli de terre, que le papier imprimé est en réalité un plus grand poison pour les nappes phréatiques, et qu'ils devraient donc peut-être ne plus s'abonner au New York Times. Mais ça ne compte pas. Pour eux, les gobelets en carton sont sacré et le Styrofoam est le diable. L'évidence ne compte pour rien.

Nous savons d'où viennent les écologistes. La Gauche a affirmé autrefois que l'Etat pouvait nous rendre plus heureux. Plus il y aurait de gouvernement, plus prospère nous serions. Quand ceci se révéla faux, ils ont changé de disque. Soudain, ils ont commencé à condamner la prospérité en elle-même, et la place du prolétariat oppressé a été prise par les sujets opprimés du royaume des animaux, des plantes et des insectes. Nous avons adopté la pauvreté comme objectif politique, avec son propre code civique de l'éthique.

Depuis les temps immémoriaux jusqu'à avant-hier, l'Occident a considéré la nature comme son ennemie, et avec raison. Elle est dangereuse et mortelle. Pour pouvoir assurer notre survie, elle doit être domptée, taillée, maîtrisée, contrôlée. C'est la première tâche de la civilisation. Le premier pas vers la destruction de la civilisation est l'incapacité de comprendre ceci, ou le fait d'appeler cette attitude un péché.


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