L'Interventionnisme

Écrit en allemand en 1940, mais non publié

Publié sous le titre Interventionism — An Economic Analysis en anglais en 1998
(traduction de T.F. McManus et H. Bund)

par Ludwig von Mises

traduit par Hervé de Quengo

 

4. Confiscation et subventions

 

1. La confiscation

La confiscation complète de toute propriété privée équivaut à introduire le socialisme. Nous n'avons donc pas à nous en occuper dans le cadre d'une analyse des problèmes de l'interventionnisme. Nous ne nous intéresserons ici qu'à la confiscation partielle de la propriété privée. Aujourd'hui on essaie principalement d'y parvenir par la taxation.

Les motivations idéologiques d'une telle action ne sont pas sans importance. La seule question qui nous intéresse est tout simplement la suivante : Que recherche-t-on par ces mesures et qu'en retire-t-on en réalité ?

Étudions d'abord les impôts qui n'ont d'impact direct ou indirect que sur le revenu. Il y a de nos jours une tendance dans tous les pays à taxer les revenus les plus importants à des taux plus élevés que les revenus plus faibles. Dans le cas de revenus dépassant un certain montant, la plupart des pays prélèvent une taxe pouvant atteindre un taux de 90 %. Les moyens prescrits par la loi pour évaluer le revenu et l'interprétation de ces lois par les agences gouvernementales permettent de trouver des revenus bien plus élevés que ceux que l'on établirait au moyen de principes sains de comptabilité. Si les contribuables ne pouvaient pas éviter certaines taxes en utilisant les lacunes de la loi, leurs impôts dépasseraient régulièrement le montant de leurs revenus réels. Or le législateur essaie de combler ces lacunes.

L'opinion populaire est encline à croire que la taxation des gros revenus ne concerne pas les classes moins fortunées. C'est une erreur. Ceux qui gagnent le plus consomment habituellement une proportion plus faible de leurs revenus ; ils épargnent et investissent une part plus importante que les gens moins riches. Et ce n'est que grâce à l'épargne et à l'investissement que l'on crée le capital. Seule la part du revenu non consommée peut être accumulée comme capital. En faisant payer aux plus hauts revenus une plus grande part des dépenses publiques qu'aux revenus plus faibles, on empêche le capital de jouer son rôle et on élimine la tendance, qui prévaut dans une société accroissant son capital, à l'augmentation de la productivité marginale du travail et donc à la hausse des salaires.

Il en est de même bien sûr, et même dans une mesure plus grande encore, de toutes les méthodes taxant une partie du capital. En l'utilisant pour payer les dépenses publiques, par exemple grâce à un prélèvement direct sur le capital ou un impôt sur les successions, on consomme directement le capital.

Le démagogue dit aux électeurs : "L'État doit dépenser beaucoup. Mais le financement de ces dépenses ne vous concerne pas. C'est aux riches de payer." Le politicien honnête devrait dire : "Malheureusement, l'État aura besoin de plus d'argent pour payer ses dépenses. En tout cas, vous devrez en payer la majeure partie parce que vous recevez et consommez la plus grande part du revenu total du pays. Vous avez le choix entre deux méthodes : soit vous réduisez votre consommation tout de suite, soit vous consommez d'abord le capital des riches et subirez un peu plus tard une baisse des salaires."

La pire espèce de démagogue va même plus loin et dit : "Nous devons nous armer et peut-être même entrer en guerre. Non seulement cela ne va pas baisser votre de niveau de vie, mais cela va même l'accroître. Nous devons entreprendre dès maintenant un programme de logement à grande échelle et augmenter les salaires." A cela nous devons répondre qu'en raison de la quantité limitée de matériel et de travail, nous ne pouvons à la fois fabriquer des armes et des habitations. Göring était plus honnête à cet égard. Il avait dit à son peuple "des armes ou du beurre", pas "des armes et (par conséquent) encore plus de beurre." Cette honnêteté est la seule chose que Göring puisse mettre à son crédit devant le tribunal de l'Histoire.

Un système fiscal qui servirait véritablement les intérêts des salariés ne taxerait que la partie consommée du revenu, et non celle qui est épargnée ou investie. De lourds impôts sur les dépenses des riches ne nuisent pas aux intérêts des masses ; à l'inverse, toute mesure qui empêche la formation de capital ou qui consomme ce dernier leur fait du tort.

Bien sûr, il y a des circonstances qui rendent la consommation du capital inévitable. Une guerre coûteuse ne peut pas être financée sans mesure dommageable. Mais ceux qui sont conscients des effets de la consommation du capital essaieront de maintenir cette dernière dans les limites du nécessaire, parce que c'est dans l'intérêt des travailleurs, non parce que c'est dans l'intérêt du capital. On peut exister des situations où il est inévitable de mettre le feu à la maison afin de l'empêcher de geler, mais ceux qui le font doit se rendre compte des coûts et de ce qu'ils devront faire plus tard sans elle. Nous devons le souligner, particulièrement aujourd'hui, afin de réfuter les erreurs actuelles sur la nature des embellies économiques dues à la guerre et à l'armement.

Les coûts d'un très lourd armement doivent être payés par l'inflation, l'emprunt ou les impôts, ce qui empêche la formation du capital ou même le consomme. La façon dont l'inflation conduit aux contions économiques d'un boom n'a pas besoin d'être expliquée plus à fond. Quand des fonds sont rendus disponibles par l'emprunt, cela ne peut que déplacer la production et l'investissement d'un secteur économique vers un autre : la croissance de la production et de la consommation dans un secteur est compensée par une baisse de la production et de la consommation dans un autre. Les fonds qui ne vont pas à la formation du capital et ceux qui sont soustraits au capital déjà accumulé peuvent avoir pour effet d'accroître la consommation actuelle. Ainsi, la consommation pour des buts militaires peut être augmentée sans diminuer celle dans d'autres secteurs. On peut appeler cela "stimuler" les affaires. Mais nous ne devons pas oublier que tous les effets de ce boom, qui sont considérés comme favorables à présent, devront être payés par une dépression et par une réduction de la consommation dans le futur.

2. L'obtention de fonds pour les dépenses publiques

La faim ne peut être satisfaite qu'avec le pain qui existe déjà : le pain futur ne peut satisfaire personne aujourd'hui. Il pourrait sembler superflu de répéter de telles évidences s'il n'était pas nécessaire de réfuter des erreurs en ce qui concerne l'obtention de fonds destinés aux dépenses publiques.

La guerre, dit-on souvent, n'est pas menée dans notre seul intérêt mais aussi dans celui de nos enfants et de nos petits-enfants. Il est donc parfaitement juste qu'ils participent eux aussi aux coûts de la guerre. Par conséquent, seule une partie des dépenses de guerre devrait être payée par les impôts ; le reste devrait être payé par l'emprunt : le paiement des intérêts et le remboursement des prêts seraient alors le problème des générations futures.

C'est un parfait non sens. Une guerre ne peut être menée qu'avec les armes déjà disponibles aujourd'hui. Le matériel et le travail qui sont mis au service de l'armement sont par conséquent trouvés dans les moyens actuellement disponibles et diminuent la production d'autres biens pour ceux qui vivent aujourd'hui. Ils sont pris sur le revenu actuel et sur la propriété actuelle. Les petits-enfants ne sont concernés que parce qu'ils vont hériter moins. Aucune méthode de financement ne peut changer ce fait.

Même si une partie des dépenses de guerre est couverte par l'emprunt, des ressources qui auraient été sinon consacrées à la production d'autres biens sont désormais utilisées pour des buts de guerre. Ce n'est que pour celui qui est aujourd'hui Secrétaire au Trésor que l'emprunt signifie remettre le paiement à plus tard. Pour les citoyens, l'emprunt signifie qu'ils paient tout de suite en renonçant à consommer maintenant. Ce qu'un homme emprunte n'est pas disponible au prêteur pendant la durée du prêt.

Un individu peut acheter un réfrigérateur à crédit si quelqu'un lui accorde le financement dont il besoin. La totalité des citoyens du monde ou une économie fermée ne peut pas acheter quoi que ce soit à crédit. Ceux qui ne sont pas nés ne peuvent pas non plus nous prêter quoi que ce soit. A ce sujet, nous pouvons oublier les prêts étrangers : ils sont de nos jours [1940] hors de question pour les États-Unis.

Toute aussi erronée est l'idée selon laquelle les emprunts du gouvernement constituent une mesure favorisant les riches. Si nous taxions les riches encore plus que nous ne le faisons, nous devrions leur retirer leurs affaires, c'est-à-dire que nous devrions adopter le socialisme. Comme nous ne voulons pas aller aussi loin et que nous ne voulons pas taxer plus fortement les masses, nous choisissons le moyen apparemment indolore de l'emprunt.

"Voilà bien le problème, répond le socialiste. Vous ne voulez pas adopter le socialisme. L'Allemagne, cependant, prouve que le socialisme est une méthode supérieure pour ce qui est de produire des armes. L'armée allemande est la mieux équipée du monde. Le noeud du problème mondial tient à la supériorité de l'équipement allemand."

Cet argument n'a pas non plus saisi ce qu'il en est. L'Allemagne est la mieux équipée parce que depuis au moins huit ans elle a réduit la consommation de tout son peuple et a mis tout son système de production au service de l'armement. En raison d'une incroyable myopie, l'Angleterre, la France et les petites démocraties n'ont pas réussi à s'armer pour se défendre. Même après le début de la guerre, ils ne l'ont pas prise au sérieux. La lutte contre le profit leur semblait plus importante que la lutte contre les nazis.

Les même principes que pour toute autre production valent pour l'industrie d'armement. L'entreprise privée est plus efficace que l'entreprise publique. Il y a cent ans, les fusils et les canons étaient principalement produits par les arsenaux et par les petits artisans. Les entrepreneurs privées ne trouvaient pas la production d'armes intéressante. Ce n'est que lorsqu'ils prirent conscience de ce que les nations ne chercaient qu'à s'exterminer les unes les autres qu'ils commencèrent à fabriquer des armes. Leur succès fut prodigieux. Les armes produite par les grandes industries privées marchèrent bien mieux dans les combats (dans les guerres) que les produits des arsenaux étatiques. Toutes les améliorations et tous les perfectionnements du matériel de guerre trouvent leur origine dans l'entreprise privée. Les arsenaux d'État ont toujours été à la traîne quand il fallait accepter de nouvelles techniques, et les experts militaires ont toujours été réticents à accepter les améliorations que les entrepreneurs leur proposaient.

Contrairement à la croyance populaire, les nations ne font pas la guerre pour permettre aux fabricants d'armes de gagner de l'argent. Au contraire, les fabricants d'armes existent parce que les nations mènent des guerres. Les entrepreneurs et les capitalistes qui produisent des armes fabriqueraient d'autres biens si la demande d'armes n'était pas plus forte que celle des autres biens. L'industrie de guerre allemande s'est elle aussi développée en tant qu'entreprise privée. En tant qu'industrie nationalisée, elle peut être capable de maintenir pendant un moment l'avantage qu'elle avait gagné en tant qu'entreprise privée.

En Angleterre on dit aujourd'hui souvent : Si les ouvriers anglais font les lourds sacrifices que leur impose la guerre, ils sont en droit de réclamer que cette noble attitude soit récompensée par l'abolition du capitalisme et l'instauration du socialisme après la guerre. Il n'y a pratiquement rien de plus confus que ce raisonnement.

Si les travailleurs anglais défendent leur pays, leur liberté et leur culture contre l'assaut des nazis et des fascistes,, ainsi que contre les communistes qui sont les alliés des nazis pour des raisons pratiques, ils le font pour eux-mêmes et pour leurs enfants, pas en faveur des intérêts d'autres personnes à qui ils pourront plus tard demander une récompense. La victoire est la seule récompense que l'on puisse apporter à leurs sacrifices, et avec elle la garantie qu'ils ne se retrouveront pas dans la situation que connaissent aujourd'hui les Allemands et les Russes. Si les travailleurs anglais pensaient que ce succès ne valait pas le fardeau que la guerre leur impose, ils ne se battraient pas : ils capituleraient.

Si nous pensons que le socialisme est un meilleur système et assure une meilleure existence à la grande majorité de la population, que ne le fait le capitalisme, alors nous devrions adopter le socialisme sans considération pour les notions de guerre et de paix, que les travailleurs aient été courageux pendant la guerre ou non. Si nous pensons, au contraire, que le système économique que messieurs Hitler, Staline et Mussolini appellent "ploutocratie", garantit une vie meilleure pour les masses que ne le fait le socialisme, il ne nous viendrait pas à l'idée de "récompenser" les ouvriers en abaissant leur niveau de vie à celui des Allemands, des Italiens et des Russes.

3. Services publics non rentables et subventions

Les entrepreneurs essaient de ne se lancer que dans des projets qui leur semblent promettre des profits. Cela veut dire qu'ils tentent d'utiliser les moyens de production rares de façon à satisfaire d'abord les besoins les plus pressants, et à ce qu'aucune part du capital et du travail ne soit consacrée à la satisfaction de besoins moins urgents, et ceci tant qu'un besoin plus pressant, auquel ces moyens pourraient répondre, reste insatisfait.

Quand le gouvernement intervient pour rendre possible un projet qui ne promet pas de profits mais au contraire des pertes, alors on ne parle plus en public que du besoin qu'il faut satisfaire grâce à l'intervention ; nous n'entendons jamais un mot sur les besoins qui ne seront pas satisfaits du fait que le gouvernement a détourné les moyens de production vers d'autres buts. On ne tient compte que de ce que l'on gagne par l'action gouvernementale, pas des coûts qu'elle entraîne.

On ne demande pas à l'économiste de dire aux gens ce qu'ils devraient faire et comment ils devraient utiliser leurs ressources. Mais il est de son devoir d'attirer l'attention du public sur les coûts. C'est ce qui le distingue du charlatan qui ne parle jamais que de ce que procure l'intervention, jamais de ce qu'elle empêche.

Examinons par exemple un cas que nous pouvons juger avec objectivité, parce qu'il appartient au passé, bien qu'il s'agisse d'un passé encore récent. Supposons qu'un chemin de fer, dont la construction et l'exploitation ne promettent pas la rentabilité, ne puisse être mis en oeuvre qu'avec une aide du gouvernement. Il se peut, dit-on, qu'il n'attire pas les entrepreneurs et les capitalistes mais il contribuera au développement de toute la région. Il favorise les échanges, le commerce et l'agriculture, et constitue ainsi une contribution importante au progrès de l'économie. Tout cela devrait être pris en considération si l'on souhaite juger de la valeur de cette construction et de cette exploitation d'un point de vue plus large que celui de la seule rentabilité. La construction du chemin de fer peut sembler inopportun du point de vue des intérêts privés, mais il serait bénéfique du point de vue du bien-être national.

Ce raisonnement est totalement erroné. Bien sûr, on ne peut nier que les habitants de la région où passera la ligne de chemin de fer en tireront des bénéfices. Ou, plus précisément, que le projet sera avantageux pour les propriétaires du coin et pour ceux qui y ont réalisé des investissements ne pouvant être transférés ailleurs sans perdre de leur valeur. On dit que le chemin de fer développe les forces productives des endroits qu'il traverse. L'économiste doit l'exprimer différemment : L'État paie des subventions avec l'argent des contribuables pour construire, maintenir et exploiter une ligne qui, sans son aide, n'aurait pas vu le jour et n'aurait pas fonctionné. Ces aides détournent la production des lieux qui offraient des conditions de production naturelles plus favorables vers des lieux moins appropriés pour ce but. On cultivera des terrains qui, en raison de la distance qui les sépare des centres de consommation et de leur faible fertilité, n'auraient pas permis de cultures rentables sans les subventions indirectes que représentent les aides au système de transport, système dont ces cultures ne peuvent payer le coût en proportion de ce qu'elles en retirent. Certes, ces aides contribuent au développement économique d'une région où l'on aurait sinon produit moins. Mais l'accroissement de la production dans la région ainsi favorisée par la politique gouvernementale des chemins de fer doit être mis en regard du fardeau imposé à la production et à la consommation des autres régions du pays, qui doivent payer les coûts de cette politique. Des terrains plus pauvres, moins fertiles et plus éloignés sont ainsi subventionnés par des impôts dont le poids repose sur la production de terrains plus riches, ou doivent sinon être supportés directement par les consommateurs. Les entreprises situées dans des régions moins avantageuses pourront augmenter leur production, mais celles situées dans les endroits les plus favorables devront réduire la leur. On peut considérer cela comme "juste" ou politiquement opportun, mais il ne faut pas se bercer d'illusions et croire que cela accroît la satisfaction totale : cela la diminue.

Il ne faut pas considérer l'augmentation de la production de la région aidée par le chemin de fer subventionné comme un "avantage du point de vue du bien-être national". Ces avantages ne reviennent qu'à une seule chose : un certain nombre d'entreprises travaillent dans des lieux qu'elles auraient considérés comme défavorables sous d'autres conditions. Les privilèges accordés indirectement à ces entreprises par l'État, via une subvention aux chemins de fer, ne diffèrent nullement des privilèges que l'État accorde à d'autres entreprises moins performantes dans d'autres conditions. En dernière analyse, l'effet est le même quand l'État aide ou octroie un privilège aux cordonniers , par exemple, afin de leur permettre de soutenir la concurrence des fabricants de chaussures, et quand il favorise des régions non compétitives du fait de leur emplacement, en payant sur fonds publics les coût de transport de ses produits.

Le résultat est le même que l'État se lance lui-même dans cette entreprise non rentable ou qu'il aide une industrie privée afin qu'elle puisse se lancer dans cette aventure. Les conséquences sont identiques pour la communauté. La méthode utilisée pour accorder les aides n'ont pas non plus d'importance : que le producteur le moins efficace soit subventionné pour pouvoir produire ou accroître sa production, ou que le producteur le plus efficace soit subventionné pour arrêter de produire ou pour restreindre sa production. Il est sans importance que l'on donne des primes pour produire ou pour arrêter de produire, ou encore que le gouvernement achète les produits pour les retirer du marché. Dans tous les cas, les citoyens paient deux fois — une fois comme contribuables, et à nouveau comme consommateurs, qui doivent payer plus cher et diminuer leur consommation.

4. L'entrepreneur "altruiste"

Quand les "progressistes" autoproclamés utilisent le mot de profit, ils fulminent contre ce dernier. Ils voudraient l'éliminer complètement. D'après eux, l'entrepreneur devrait se mettre au service des autres de façon altruiste et non pour chercher des profits. Il ne devrait rien recevoir ou s'estimer heureux avec une petite marge bénéficiaire si ses affaires prospèrent. Ils n'ont d'un autre côté jamais rien à redire sur le fait que l'entrepreneur doive supporter l'intégralité des pertes possibles.

Or c'est précisément parce qu'elles sont tournées vers le profit que les activités des entrepreneurs donnent un sens à l'économie de marché fondée sur la propriété privée des moyens de production, qu'elles constituent son guide et lui indiquent la direction à suivre. Éliminer la motivation du profit, c'est transformer l'économie de marché en chaos.

Nous avons déjà traité de la confiscation des profits et des effets d'une telle action. Nous allons désormais discuter de la limitation des profits à un certain pourcentage des coûts. Si l'entrepreneur doit gagner d'autant plus que ses coûts augmentent, l'incitation à produire aussi bon marché que possible se transforme en son contraire : tout accroissement des coûts de production signifie alors pour lui des revenus plus élevés. Nous n'avons pas besoin de supposer ici une mauvaise intention de la part de l'entrepreneur. Nous devons simplement comprendre ce qu'une baisse des coûts de production signifie pour l'entrepreneur.

La plupart du temps, l'entrepreneur peut faire baisser les coûts de production de deux manières : En achetant avec soin les matières premières et les produits semi-finis, et en adoptant des méthodes plus efficaces de production. Dans les deux cas, il encourt de grands risques, doit faire preuve d'intelligence et doit prévoir l'avenir. Comme toute autre action entrepreneuriale, décider que le moment le plus opportun d'acheter est arrivé ou qu'il est préférable d'attendre encore, constitue un acte de spéculation portant sur un avenir incertain. L'entrepreneur qui subit toutes les pertes mais ne participe qu'à une partie des gains, sa part augmentant lorsque ses dépenses sont en hausse, est dans une position très différente de l'entrepreneur qui peut mettre à son crédit ou à son débit la totalité de ses profits ou de ses pertes. Son attitude vis-à-vis des risques du marché en est fondamentalement modifiée. Il sera par conséquent enclin à acheter à des prix plus élevés que l'entrepreneur évoluant dans une économie libre. Il en est de même pour l'amélioration des méthodes de production. Elles aussi sont toujours risquées : il est nécessaire de faire des investissements supplémentaires dont on ne peut dire avec certitude à l'avance qu'ils seront rentables. Pourquoi l'entrepreneur tenterait-il sa chance si, en cas de succès, on le punit en réduisant ses rentrées d'argent ?

 


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