Guide à travers les panacées économiques

Publié en 1938 par la Librairie de Médicis

par Fritz Machlup

traduit par Mme R. Hadekel

Chapitre V — Abaissement du coût de production

 

Le nombre et l'extension des industries en activité dépend des possibilités de bénéfices. Lorsque les entrepreneurs sont obligés d'ajouter trop d'argent, ils finissent par fermer boutique. Il y a quelques années encore on cherchait à éveiller les sentiments d'envie des masses en attribuant aux entreprises des bénéfices soi-disant énormes. On les accusait de falsifier les bilans et de cacher leurs profits, on disait que les banques et les grandes entreprises étaient de mèche" jusqu'au jour où un nombre de banques et de grandes entreprises ont fini par s'écrouler après avoir travaillé à pertes pendant des années.

La faillite de chaque entreprise jetait dans la rue de nouvelles masses d'ouvriers ; le chômage grandissait sans cesse.

Le problème du chômage est essentiellement un problème de la rentabilité des entreprises. La rentabilité n'est rien d'autre que la différence entre le prix de revient et le prix de vente. L'élévation des prix de vente n'a pas d'effet heureux et durables car elle se produit soit à la suite de l'inflation, soit à la suite de l'élévation des tarifs douaniers, et les deux voies sont presque toujours néfastes. Une élévation des prix sans inflation entraîne logiquement une diminution de l'écoulement ; en effet, avec les mêmes revenus et les prix plus élevés, les gens ne peuvent faire autrement que d'acheter moins. Pour rétablir la rentabilité pour de bon il n'existe donc pas d'autre moyen que de faire baisser le coût de production.

A. Le pouvoir d'achat de la population

A ceux qui exigent l'abaissement du coût de production — ce qui peut se faire par l'abaissement du taux de l'intérêt, des salaires, des charges sociales, des impôts, des taxes et des tarifs douaniers, — on rétorque généralement qu'en ce faisant on diminuerait le pouvoir d'achat de la population. Ce mot d'ordre : pouvoir d'achat de la population s'emploie constamment à tort et à travers.

Supposons que l'on baisse le taux de l'intérêt. Les entrepreneurs qui ont eu recours aux crédits paieront moins d'intérêts, et les épargnants qui ont donné ces crédits — directement ou par l'intermédiaire des caisses d'épargne — toucheront moins d'intérêts. Si on affirme alors que le pouvoir d'achat de la population baisse à cause de cette diminution des revenus des épargnants, c'est qu'on ne voit pas le fait suivant : l'épargnant touche moins, mais l'entrepreneur garde la différence. La somme du pouvoir d'achat ne change pas. Supposons maintenant qu'on diminue les salaires. Il ne sera pas nécessaire, ni même probable, qu'une réduction des salaires par heure implique une réduction de la somme totale de salaires, parce qu'ordinairement le nombre d'emplois augmente si le coût est réduit. Mais même si la somme totale dépensée en salaires était diminuée, on ne devrait pas en conclure que le pouvoir d'achat de la population serait amoindri ; car quand les ouvriers touchent moins, les patrons obtiennent davantage. Et si les patrons ne thésaurisent pas ces fonds ou ne les emploient pas pour des payements de dettes bancaires, le pouvoir d'achat global ne change pas.

Il faut toujours se rappeler ceci : abstraction faite de l'inflation et de la déflation — c'est-à-dire de l'augmentation et de la diminution de la circulation monétaire ou de la déthésaurisation et de la thésaurisation — le pouvoir d'achat nominal de la population ne peut ni augmenter ni baisser ; la seuls chose possible, c'est la modification dans sa répartition. Mais ce qui importe, c'est de savoir combien on peut acheter avec son argent, c'est-à-dire le pouvoir d'achat de l'argent. Il est évident qu'avec le même revenu on peut acheter moins quand les prix sont plus élevés, et davantage quand les prix sont plus bas. (C'est ainsi qu'on parle des "revenus réels" par opposition aux "revenus nominaux" ou "revenus monétaires".) Or, il peut arriver qu'un déplacement du pouvoir d'achat (par exemple, une élévation des impôts) entraîne une hausse des prix des marchandises, si bien que les revenus réels de la population diminuent. De même, il peut aussi arriver qu'un déplacement entraîne une baisse des prix, de sorte que les revenus réels de la population augmentent ; en effet, avec la même somme d'argent — différemment répartie, il est vrai — les gens peuvent acheter davantage de marchandises.

Pour se faire une idée juste d'une mesure qui vise à déplacer le pouvoir d'achat (par ex. une modification du niveau des salaires), il faut toujours se demander si ce déplacement est peut-être lié à une thésaurisation et s'il est lié à une hausse ou à une baisse des frais de production — qui entraînent à leur tour une hausse ou une baisse des prix des marchandises. Un déplacement du pouvoir d'achat qui n'est pas une diminution de la circulation monétaire mais qui implique une diminution des frais de production contribue à augmenter la production et, bien entendu, le nombre des emplois.

B. Abaissement du taux de l'intérêt

Si, pour rendre la production meilleur marché, on avait le choix entre l'abaissement du taux de l'intérêt et l'abaissement des salaires, tout homme de tendance sociale aurait préféré l'abaissement du taux. Le niveau des revenus des épargnants nous laisse bien plus indifférent que le niveau des revenus ouvriers. Il est donc naturel qu'on commence par voir s'il est possible d'abaisser les frais de production en réduisant le taux de l'intérêt.

L'intérêt est le prix qu'on paie pour la cession temporaire du capital. Tout prix dépend de l'offre et de la demande. Le prix baisse quand la demande diminue et l'offre augmente ; la baisse du prix fait ensuite augmenter la demande et diminuer l'offre. Le taux de l'intérêt peut donc baisser quand la demande de crédits est insignifiante et l'offre de capitaux considérable — ce qui n'est pas le cas en Europe — et la baisse de taux peut créer une plus grande demande et faire reculer l'offre de crédits.

Est-ce donc une antinomie que de souhaiter en même temps l'abaissement du taux de l'intérêt et l'accroissement de l'offre de capitaux ? L'antinomie est facilement soluble, car elle n'est qu'un renversement de la suite logique. Nous désirons que la quantité de capitaux offerts augmente et que le taux de l'intérêt baisse en conséquence. Cependant, il faut se garder de mettre la charrue devant les boeufs ; si nous abaissons le taux de l'intérêt avant que l'offre de capitaux n'augmente, notre pénurie de capitaux n'en sera que pire.

Il nous importe donc que l'offre de capitaux augmente. Comment un capital se crée-t-il ? Par l'épargne. Quiconque économise une partie de ses revenus et emploie cet argent pour financer la production, a formé un capital. Économiser et employer l'argent économisé pour produire des biens qui ne serviront que dans un avenir lointain, voilà le moyen de rendre le capital réellement meilleur marché à la longue.

Quelques politiciens préconisent en outre deux autres moyens : 1° l'abaissement obligatoire du taux de l'intérêt ; et 2° l'abaissement du taux de l'escompte de la banque d'émission.

L'intervention légale dans les contrats financiers privés ne saurait favoriser que les débiteurs qui ont déjà obtenu des crédits. Par contre, elle rendra un mauvais service à tous ceux qui cherchent de nouveaux crédits. En effet, les épargnants et les capitalistes perdront confiance du fait de cette intervention, et le crédit sera encore plus difficile à obtenir. Et pour relever la production, il importe précisément de trouver de nouveaux capitaux — car on ne peut payer les salaires qu'avec du capital liquide — alors que les crédits anciens, contractés depuis un certain temps, sont bien moins importants.

Si un producteur agricole veut contracter une hypothèque ou si un industriel cherche de l'argent pour l'investir dans son entreprise il ne leur servira à rien de lire dans le journal que le crédit est enfin moins cher, s'il leur est impossible d'obtenir un tel crédit. La quantité de capitaux ne peut être augmentée par une loi, quelle qu'elle soit, et à plus forte raison par une loi qui vise la réduction du taux de l'intérêt. Il est des entrepreneurs qui aiment mieux un taux réel de 8 %, pour lequel ils peuvent trouver l'argent, qu'un taux officiel de 4 %, pour lequel ils n'auraient pas de prêteurs. Le crédit le meilleur marché du monde ne peut nous servir que si nous pouvons l'obtenir. Par conséquent les dispositions légales qui visent à rendre le crédit moins cher manquent leur but.

Si on abaisse le taux de l'intérêt par des mesures légales il y aura plus de demandes de crédits qu'auparavant, et surtout — il y en aura plus qu'on ne peut en satisfaire. Si le taux avait été jusqu'à présent de 8 % cela signifierait simplement qu'il n'y avait pas assez de capitaux pour en faire bénéficier ceux qui ne pourraient l'employer qu'à 4 %. Or, si l'État fait ramener le taux à 4 %, le capital n'ira plus à celui qui peut l'employer de la façon la plus rentable ; il ira simplement à celui qui a le plus de "piston". Tout cela mène aux abus graves.

Abstraction faite de l'inflation, les crédits de la banque d'émission ne constituent qu'une infime partie des crédits existant dans une économie. Par conséquent, si la banque d'émission abaisse son taux de l'intérêt sans étendre en même temps ses crédits, cela n'a pas grande importance pour le prix du crédit. Cela revient seulement à une faveur pour un petit groupe d'entrepreneurs qui font escompter leurs traites par la banque d'émission ; l'abaissement du taux d'escompte ne contribue jamais à diminuer les prix des marchandises. Mais si la banque d'émission accorde davantage de crédits tout en abaissant le taux d'escompte, c'est l'inflation, ce qui conduit à la hausse des prix avec tous les dangers que nous connaissons bien (voir ch. II). Une politique non-inflationniste commande donc que la banque d'émission ne procède pas à l'abaissement arbitraire du taux.

Nous n'en sortons pas : seules l'économie et la confiance sont aptes à attirer davantage de capitaux sur le marché et à rendre ainsi le crédit moins cher.

C. Abaissement des frais de main-d'oeuvre

Par l'abaissement des frais de main-d'oeuvre il ne faut pas comprendre nécessairement l'abaissement des salaires. Pour l'ouvrier, il s'agit de savoir combien il touche pour son travail ; le patron, de son côté, compte seulement avec les frais de main-d'oeuvre. Les deux comptes ne se soldent pas par le même montant, car entre eux se placent les charges sociales. Un patron qui se plaint des charges sociales, est généralement considéré comme un requin. Mais quand on saura que dans des industries de certains pays l'ouvrier ne touche que deux tiers de ce que le patron est obligé de payer pour lui, on comprendra peut-être que ce n'est pas une chose que l'on se doit de négliger — pour ne pas compromette les conquêtes ouvrières. Les charges sociales — comprenant les assurances maladies et accidents, les contributions à la retraite des vieux, à l'assistance aux chômeurs, les congés payés et les salaires versés aux malades — et les impôts sur les salaires à la charge du patron se montent dans certains pays à 50 % du salaire que l'ouvrier touche en argent comptant. On comprendra dès lors, que l'abaissement des frais de main-d'oeuvre ne concerne pas uniquement les salaires.

L'abaissement des frais de main-d'oeuvre aura-t-il pour résultat une résorption du chômage ? Cela est hors de doute, puisque toute diminution de frais contribue à augmenter la marge de bénéfices. On dit souvent que les entreprises existantes n'augmenteraient pas leur personnel du fait des bénéfices plus élevés. Mais ces entreprises pourraient toujours accepter les commandes qu'elles sont obligées de refuser aujourd'hui parce qu'elles ne seraient pas capables de les exécuter sans pertes ; en outre il faut penser aux entreprises qui ont fermé, mais qui pourront ouvrir de nouveau en présence de perspectives meilleures à cause de la réduction des frais. C'est ainsi que les économistes réclament une importante réduction des frais de main-d'oeuvre non seulement pour permettre de plus grands bénéfices aux entreprises en opération, mais pour rendre la vie à tant d'industries qui ne travaillent plus.

Mais pourquoi renflouer des industries et accroître la production du moment qu'il est déjà si difficile de trouver des débouchés pour la production d'aujourd'hui ? Que de gens raisonnent ainsi ! L'idée qu'il existe une surproduction et que les besoins font défaut est entièrement fausse. Tout le monde a besoin de plus de choses qu'il ne peut en acheter. Et si les prix baissent et qu'il lui reste ainsi plus d'argent pour acheter davantage, il le fera volontiers. Les besoins sont infiniment grands, et seul les prix limitent la demande. Quand le pain est meilleur marché, je peux acheter plus de sucre. Quand le sucre est moins cher, je peux acheter de meilleures chaussures. Quand les chaussures sont moins chères, je peux acheter des livres. Et caetera. Et toutes ces choses que je pourrai acheter quand leurs prix seront plus bas, et que la fabricant pourra vendre meilleur marché quand la production coûtera moins, toutes ces choses demandent la main-d'oeuvre pour leur fabrication. Et cette main-d'oeuvre existe déjà et attend le travail.

On a tort de redouter une diminution du pouvoir d'achat de la population du fait de la diminution des salaires ; nous en avons déjà parlé. Avant tout, il faut se garder de confondre la baisse du niveau des salaires par heure avec la réduction de la somme totale des salaires. Que feront les patrons avec l'argent qui leur restera en mains grâce à cette baisse des salaires ? Avec la concurrence, avec cette perpétuelle lutte qu'ils mènent entre eux, ils s'efforceront de donner de l'extension à leurs affaires, de baisser les prix pour produire davantage. Cet accroissement de la production trouvera un écoulement avec les prix plus bas. Que devient donc, finalement, l'argent que les patrons ont économisé sur leurs ouvriers ? A part leurs dépenses personnelles, ils seront obligés de le dépenser de nouveau en salaire pour augmenter leur production. La part sacrifiée par ceux qui travaillent à un salaire réduit ira en fin de compte, à ceux qui chômaient jusqu'à présent. La somme globale des salaires sera répartie sur un plus grand nombre d'ouvriers.

En sera-t-il vraiment ainsi ? Et si les patrons empochaient tout simplement cet argent et le dépensaient pour leur luxe ? Tant qu'il existe une concurrence parmi les entrepreneurs, cela n'est pas possible. En effet, chacun aurait alors la possibilité de battre les concurrents. Il baisse ses prix et enlève les affaires des autres. Les autres sont obligés de baisser également leurs prix et d'augmenter leur production conformément aux nouveaux débouchés ; sinon ils périssent, et l'affaire sera reprise par d'autres.

On a essayé de faire croire aux ouvriers, pour les persuader à laisser réduire leurs salaires, que les prix des marchandises baisseront dans la même proportion que les salaires. Cela n'est pas vrai. Les prix baisseront moins que les salaires. Si les salaires baissent de 20 %, les prix ne seront réduits que de 10 ou 15 %. Le pouvoir d'achat de chaque ouvrier diminuera donc de 5 ou de 10 %. En revanche tous les ouvriers nouvellement embauchés, qui toucheront plus que l'allocation chômage, pourront acheter bien davantage. Il est évident qu'à eux tous, ils pourront acheter davantage, parce que la somme d'argent est restée la même, mais que les prix ont baissé.

Il y a avait autrefois une théorie dite théorie du fonds des salaires ; elle prétendait qu'un certain fonds existait pour payer les salaires des ouvriers, et que cette somme était simplement partagée : plus les exigences de l'ouvrier étaient grandes, moins on pouvait embaucher d'ouvriers ; plus ses exigences étaient modestes, plus grand était le nombre d'ouvriers occupés. Cette théorie est fausse parce qu'il est faux que la somme allouée aux salaires soit fixée une fois pour toutes. Cette somme peut être plus grande ou plus petite ; cela dépend toujours de la rentabilité de l'entreprise et de la formation des capitaux. Mais cette théorie a ceci de vrai, qu'avec des salaires plus bas on peut embaucher plus d'ouvriers.

En proposant de réduire la durée du travail, on vise à répartir cette durée sur un plus grand nombre d'ouvriers ; en proposant de réduire des salaires, on vise à répartir le total des salaires sur un plus grand nombre d'ouvriers. La différence consiste en ceci, que, si l'ouvrier individuel gagne moins dans les deux cas, dans le deuxième cas on travaille plus, on produit plus, et les produits deviennent meilleur marché. Le salaire hebdomadaire de l'ouvrier individuel diminue avec la durée du travail plus courte aussi bien qu'avec la réduction des salaires ; mais dans ce dernier cas il peut acheter plus, grâce aux prix plus bas, que dans le premier cas.

Quant à savoir si l'abaissement des frais de production peut s'opérer mieux par la réduction des charges sociales ou par la réduction des tarifs des salaires, c'est là un problème dont la solution ne saurait être uniforme. Il existe des salaires qui sont déjà si bas qu'on ne pourrait tolérer une réduction. En tout cas, il ne faut pas songer à une réduction uniforme, comme elle a été pratiquée dans certains pays. Il faudrait commencer par rendre plus mobile l'échelle des salaires.

Certains croient que l'abaissement des frais de main-d'oeuvre serait sans effet pour le chômage si les mêmes réductions se faisaient aussi à l'étranger. Ce raisonnement est faux. Au contraire, le commerce international ne pourrait que prendre de l'essor si les autres pays produisaient également à meilleur compte. Mais dans tous les cas toutes nos considérations sur la baisse des frais de main-d'oeuvre sont complètement indépendantes de la question des salaires à l'étranger.

Une autre question s'impose. Pourquoi la discussion de la réduction des salaires nous conduit-elle à des conclusions tout à fait différentes de celle de la réduction du taux de l'intérêt ? Ceci est fort simple. La baisse d'un prix relève la demande et diminue l'offre. Si l'offre de capitaux se fait plus petite, ce sera le contraire même de ce que nous voulons. Si , par contre, l'offre de main-d'oeuvre diminue et que sa demande augmente, nombre de personnes voient leurs espoirs réalisés.

D. Abaissement des impôts

La part prélevée par l'État, par le département et les communes sous forme de contributions, constitue un facteur démesuré des frais de productions. Si l'on pouvait décomposer les prix des différentes marchandises pour montrer quelle énorme quote-part revient aux autorités, bien des gens seraient épouvantés à l'idée de tous les sacrifices que les peuples européens se sont imposés depuis quelques années, lorsqu'ils ont élargi hors de toute mesure, la sphère des charges et obligations de l'État.

Comprendra-t-on tout le tragique d'une situation comme celle-ci : d'après les statistiques officielles de plusieurs pays 35 % à 50 % des revenus de la population vont au fisc ! Dans quelques pays les finances publiques englobent même plus de 50 % des revenus de la population. On ne se rend bien compte de toute la folie de ces chiffres qu'en les comparant à ceux d'avant-guerre ; à cette époque, l'État ne demandait pour lui que 5 % à 15 % dans les divers pays européens.

L'opinion publique est tout à fait aveugle à cet état de chose qui paralyse incroyablement les forces productrices du pays ; pour se convaincre de cette incompréhension, il suffit de constater que tout projet d'économies se heurte immédiatement à une opposition énergique. On trouve toujours des raisons d'ordre culturel, hygiénique, national, social, ou local pour insister précisément sur les dépenses qu'il s'agit de réduire. Les économies, il faut toujours les faire "ailleurs".

Il est très probable que si l'on voulait diminuer les frais de production dans la proportion exacte de la différence qui existe entre les impôts d'avant-guerre et ceux d'aujourd'hui, cela aurait suffi pour faire résorber petit à petit notre chômage chronique. Bien entendu, il ne serait plus question de réduire les salaires — on penserait plutôt à les augmenter — si l'on pouvait réduire les impôts et les contributions dans la mesure dans laquelle ils ont monté pendant les dix dernières années. Il est évident qu'une telle réduction des dépenses de l'État implique une diminution de ses tâches et qu'elle ne peut se faire du jour au lendemain.. Mais pour le moment on fait de son mieux pour rendre les charges de l'État de plus en plus lourdes.

La hausse des frais de production par le fait des impôts se manifeste à la fois directement et indirectement ; directement, car la production est taxée ; indirectement, car les possibilités mêmes de la production disparaissent à cause des impôts qui empêchent la formation de capitaux et finissent souvent par engloutir les capitaux existants. Ainsi, l'exigence démesurée du fisc est responsable non seulement pour le compte "impôts et taxe" qui figure dans le calcul des commerçants et pour l'élévation de plusieurs autres éléments du prix de revient, ainsi que coûts de matériaux etc., mais aussi pour le manque de capitaux et le niveau élevé du taux de l'intérêt.

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