Guide à travers les panacées économiques

Publié en 1938 par la Librairie de Médicis

par Fritz Machlup

traduit de l'allemand par Mme R. Hadekel

Préface

de Jean Lescure, Professeur à la Faculté de Droit de Paris

 

Le Guide à travers les Panacées Économiques du Professeur Machlup pourrait être intitulé : "Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. — Pour éviter un mal, on tombe dans un pire." Par bien des côtés, par la clarté, par son bon sens, il rappelle les pamphlets de Bastiat. Comme les pamphlets de Bastiat, il est écrit pour le grand public, mais comme eux aussi, il est capable d'instruire les économistes.

Il inaugure très heureusement la réaction qui s'impose contre les bâtisseurs de systèmes et les charlatans de l'économie politique, si nombreux aujourd'hui partout, et notamment dans l'entourage des gouvernements. A aucune époque de l'histoire, les fantaisies les plus dangereuses n'ont disposé, en tous pays, d'un pareil crédit.

Le livre, auquel nous donnons cette préface, est divisé en treize chapitres distincts, formant chacun un ensemble, intitulé (choisissons au hasard) : démarrage par extension du crédit ; — création d'emplois par de nouveaux investissements ; autarcie ; — réformes monétaires ; — chômage technologique ; — etc. Et l'auteur, fidèle aux principes fondamentaux de la science économique, moindre effort — réduction des coûts — équilibre des coûts et des prix — rentabilité — rapport nécessaire entre production et répartition — n'a pas de peine à crever les bulles de savon qui foisonnent à l'heure actuelle sous des vocables divers. Si le livre n'a rien de systématique, s'il se borne à vouloir être un guide, il est possible cependant de dégager des lignes générales et de découvrir une inspiration d'ensemble, une inspiration scientifique. C'est à la lumière de la science qu'il réfute les systèmes (protection, contingent, autarcie) ayant bouleversé le commerce international et entamé le bien-être des peuples. Est-il possible de vendre sans acheter ?

Est-il possible de développer le machinisme sans procéder aux déplacements de main-d'oeuvre, aux réductions de prix, qui permettraient de maîtriser le chômage technologique ? Est-il possible de réduire la durée du travail, de réduire la production, sans hausser les prix, et par là même, sans diminuer les quantités vendues, sans accroître le chômage ?

Peut-on, par le contrôle des changes, conserver la valeur d'une monnaie, sans soumettre l'économie à un régime tel d'interdiction et de réglementation que le commerce et la production sont littéralement jugulés ? Les balances sont détraquées...

Peut-on de même par les manipulation monétaires enlever toute base solide au mouvement des prix, sans provoquer les plus grandes perturbations dans le domaine des placements et des mouvements de capitaux, sans provoquer une ronde folle de l'or et la thésaurisation, bref sans provoquer l'effondrement des industries lourdes, qui tiennent dans nos sociétés modernes une place comparable à celle des industries d'objets de consommation ?

Peut-on de même au nom d'une théorie singulière du pouvoir d'achat, prétendre distribuer sans produire ?

Et après avoir fait le tour des panacées économiques, sous la conduite du professeur Machlup, on conclut que le bon sens, loin d'être la chose du monde la mieux partagée, a déserté notre planète. Son livre aidera, espérons-le, à le rétablir, à remettre en honneur les grands principes dégagés par les physiocrates, par A. Smith, par J.-B. Say, face aux divagations de l'époque contemporaine. On hésite à rappeler ces principes tant ils sont certains et connus : le travail — source de toute richesse — et non la monnaie ou le crédit, — la nécessité d'une monnaie stable au lieu d'une monnaie fondante — l'amélioration des coûts et des rendements par l'échange des produits contre des produits — le développements du commerce international par la liberté des échanges au lieu de l'autarcie et des contingents — la stabilité des changes par l'équilibre des balances de paiements et l'équilibre des budgets.

Puisse le livre de M. Machlup aider à restaurer dans notre monde désaxé les vérités les plus évidentes, dégagées depuis plus d'un siècle par les classiques, et mettre un terme à la course à l'abîme, où la civilisation risque de sombrer. Car l'auteur montre très justement qu'une erreur en engendre une autre, sous prétexte de corriger la précédente. Et d'erreur en erreur, le monde va peut-être aux catastrophes.

Puisse le livre de M. Machlup aider le grand public à comprendre l'illusion des panacées économiques, et aider le monde bouleversé à se ressaisir, à retrouver le droit chemin tracé par la science économique.

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